Il existe différents types de lecteurs. A la suite de la chronique du critique Mark O’Connell dans le New Yorker, qui confessait finir ses livres de façon extrêmement rare («J’aime trop lire. Je ne peux pas dire non à un nouveau livre»), The Atlantic a décidé de dresser une typologie. Le magazine américain répertorie:
Le lecteur haineux. Celui qui se plaint, se moque de l’auteur, de l’écriture, de la chute, mais de l’introduction aussi, et puis de tout ce qui se place entre les deux.
«Mais vous aimez [le livre] presque autant que vous le détestez. (…) Si vous êtes un lecteur haineux, vous lirez chaque objet de haine jusqu’au dernier mot, et il se pourrait bien que vous fermiez le livre en le jetant à l’autre bout de la pièce, mais vous le ferez avec un grand frisson, secret, de satisfaction, parce que cela fait tellement de bien.»
Le lecteur chronologique: celui qui lit un livre l’un après l’autre, méthodiquement, sans jamais le lâcher avant la fin.
Le lecteur casseur: celui dont les livres sont écornés, fatigués, plein de sable ou auquel manquent des pages.
Son contraire: le bibliophile, celui qui aime les livres plus encore que leurs contenus.
Le lecteur qui ne lit pas n°1 (celui qui achète beaucoup de livres, les aime passionnément, mais n’a pas le temps de lire), le lecteur qui ne lit pas n°2 (celui qui achète beaucoup de livres, ne les aime pas spécialement, mais a envie de se la péter).
Celui qui n’aura pas de nom de catégorie en français, parce que The Atlantic l’appelle en anglais «The Cross-Under» et que cela me semble peu traduisible - du moins un dimanche matin. Mais qui en gros, lit de la fiction pour jeunes adultes, et comme Slate vous l’a expliqué, les lecteurs de fiction pour jeunes adultes ont enfin une place dans ce monde. «Vous n’avez plus à avoir honte de vos habitudes de lecture contestables, mais pouvez plutôt jouir enfin du spectacle des blogs littéraires qui les évoquent, et vous sentir appartenir à une avant-garde» explique The Atlantic.
Il y a aussi le lecteur multitâche (celui qui lit quinze livres en même temps) ou le lecteur somnolent (qui ne lit qu’avant de s’endormir, et s’endort avant de vraiment lire).
J'ai autour de moi une catégorie oubliée par The Atlantic (l'héritage des classes prépas littéraires): le lecteur qui croit que la littérature s'est arrêtée à la mort Steinbeck. Il se balade avec un exemplaire de Drieu La Rochelle sous le bras ou un Léon Daudet dans son sac. Il dit «La littérature contemporaine c'est de la merde, on peut plus appeler ça de la littérature», en rejetant une mèche de cheveux en arrière.
Il y a aussi le lecteur baladeur: c'est un avatar du lecteur qui ne lit pas n°2. Il a un petit Kant ou un Dostoïevski dans la poche arrière de son pantalon, seul le nom de l'auteur dépasse.
(Un type assis dans un café avec dans sa poche un livre dont seul le titre Le Joueur dépasse. A Tours, en juin 2012)
La beauté de cette typologie, c’est que vous pouvez cumuler les catégories: être un lecteur haineux de littérature pour jeunes adultes, être un lecteur bibliophile et somnolent. Ou bien être un lecteur multitâche, casseur, haineux parfois, occasionnellement lecteur de littérature pour jeunes adultes. Et qui se la pète un peu. Avec tout ce qu’il a lu celui-là il peut bien.
C.P.