Pendent les années 20 du siècle dernier, une phrase incroyable circulait comme un bijou parmi certains intellectuels de l'époque, comme Walter Benjamin, Gershom Scholem et Ernst Bloch.
Cette phrase semble faire référence à une ancienne parabole rabbinique, et elle est censée décrire comment sera le monde après la venue du Messie. En réalité, je crois qu'ils l'avaient carrément inventée, juste pour s'amuser, peut-être pendant une nuit insomniaque à Capri. Quoi qu'il en soit, ils ont passé les années suivantes à se disputer au sujet de cette phrase. Les prophéties sur le monde de demain et la fin du monde étant particulièrement d'actualité ces derniers temps, je me suis dit que ça valait le coup de jeter un coup d'œil à celle qui date de juste un siècle.
«Les hassidim racontent une histoire sur le monde à venir, qui dit: “Là-bas tout sera précisément comme ici. Telle qu'est notre chambre à présent, elle sera dans le monde à venir; où notre bébé dort, il dormira également dans l'autre monde. Et les vêtements que nous portons ici, nous les porterons là-bas. Tout demeurera comme à présent, mais un peu différent”.»
La perfection peut dépendre d'un changement imperceptible, mais dans mon humble expérience ce changement est presque toujours un effet collatéral, un petit événement qui aurait pu ne pas avoir lieu, ou qui a lieu, mais qu'il nous arrive de ne pas remarquer avec suffisamment d'attention.
Je pense, notamment, à la partie croustillante des lasagnes, à la petite cuillère de moelle qui se cache dans l'ossobuco, aux grandes bulles d'air carbonisées sur le bord de la pizza et au meilleur qui reste au fond de la casserole. Une découverte plus recente, et à laquelle je suis devenu accro, c'est la croûte croustillante du riz au safran à l'iranienne.
Il s'appelle tahdig, qui signifie littéralement «le fond de la casserole»: à la rigueur, c'est le nom de la croûte, pas du plat en soi. Cette croûte peut être faite de plein de choses: de riz, de pommes de terres en fines tranches, d'herbes un peu brulées ou, comme dans ce cas, de pain pita. Le résultat est une sorte de version iranienne du risotto al salto milanais.
Vous allez bientôt découvrir que cette croûte, comme cette phrase, est le genre de chose qui vous fera discuter.
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Tahdig
Pour 4 personnes, comme accompagnement d'un plat en sauce, à base de viande, poisson ou bien végétal.
- 300g de riz basmati
- 1 pain pita (ou un autre pain plat)
- 3mg de safran en poudre
- 50g de beurre
- 2 cuillères à soupe d'huile végétale
- Sel
Rincez le riz en le submergeant d'eau claire dans un grand bol. Mélangez, puis changez l'eau et répétez trois fois l'opération, jusqu'à qu'elle soit limpide. Laissez tremper 30 minutes, puis égouttez une dernière fois. Amenez à ébullition une grande casserole d'eau très salée (4/5 cuillères à soupe). Quand elle frémit, versez le riz. Cuisez pendant 7 minutes puis égouttez et refroidissez sous un jet d'eau. Goutez et rectifiez de sel au besoin.
Tommaso Melilli.
Dans une poêle au bord assez haut, et pour laquelle vous avez un couvercle, versez l'huile et posez le pain sur le fond. Puis posez tout le riz sur le pain, en tassant un peu pour bien recouvrir le fond. Couvrez le bord du couvercle avec un torchon propre (ou deux feuilles de papier absorbant, ce qui vous permettra de «colmater» la poêle. Cuisez à feu très bas pendant 20 minutes.
Entre-temps, faites fondre le safran dans un petit bol avec le beurre et deux cuillères d'eau chaude. Une fois les 20 minutes passées, enlevez le couvercle et versez votre beurre au safran sur le riz. Remettez le couvercle «torchonné» et cuisez encore 15 minutes à feu doux. Après ça, enlevez le couvercle, mettez à la place une grande assiette plate, croisez les doigts, retournez la poêle et découvrez votre premier tahdig. Le premier et le dernier coins croustillants reviennent à la personne qui l'a cuisiné.