J’ai longtemps été complexé par rapport à mes mains.
Je sortais boire des coups avec des amis chefs et ils avaient toujours des mains plus abîmées que les miennes. Un an, puis deux, puis trois, puis quatre ans de travail en cuisine, et mes mains à moi continuaient d'être celles d’un lycéen qui lit trop de romans. Les autres avaient des brûlures sur les avant-bras, des cataplasmes autour des poignets, des doigts aux jointures rougeâtres et dépouillés d'ongles. Et parfois même des parasites au niveau des phalanges que je soupçonnais être d’origine marine.
J’avais, quant à moi, quelques cals minuscules, mais vraiment rien d’important. Les seules parties rougeâtres de mes mains se concentraient autour des ongles, où je continuais à m’arracher des morceaux de peau comme quand j’avais 13 ans et que je stressais parce que ma barbe ne voulait pas pousser et ma voix ne voulait pas changer.
Avoir des mains abîmées, pour les chefs, c’est une marque d’appartenance, beaucoup plus que les tatouages. Malgré mes efforts, je continuais à ne pas appartenir à la meute.
En même temps, je me rendais compte que ce que je cuisinais devenait petit à petit un peu plus intéressant, un peu plus abouti. Mes plats ressemblaient légèrement à ce que je dégustais dans les restaurants que j’aimais. Les choses que je mangeais et que j’adorais dans ces établissements devenaient moins mystérieuses, j’arrivais à comprendre comment elles étaient faites et j’y trouvais des défauts, des erreurs que j’avais aussi commises. J’avais parfois des mini-brûlures, que je soignais comme un vrai pirate de la cuisine, c’est-à-dire en y frottant des tranches d’oignons crus.
Mais mes mains restaient quand même celles d’un «civil» et je détestais ça. Les choses changent parfois le temps d’un instant, parfois au fil des jours. Dans un cas comme dans l’autre, ce qu’on attend le plus arrive généralement quand on arrête d’y penser et c’est ce qui s’est passé avec mes mains. Je me suis rendu compte un jour que j’avais enfin les mains dont j'avais toujours rêvé, ou presque. Entre-temps, j’avais appris à faire un usage un peu plus judicieux de mes oignons.
Soupe à l’oignon au parmesan
Dans ma version, le pain rassis est posé au fond de la gamelle et les oignons au-dessus avec le fromage et un peu de chapelure: quand vous la mettrez au four, votre soupe montera jusqu’à atteindre presque la texture d’un soufflé. Pour deux personnes, il vous faut:
- 4 oignons blancs
- 2 grosses tranches de pain de campagne sec (environ 2 cm d’épaisseur)
- 100g de beurre demi-sel
- 150g de parmesan rapé
- 1 cuillère à café de sel non raffiné
- 1 cuillère à soupe de chapelure de pain
- 1 feuille de laurier
- poivre du moulin
Pelez les oignons et coupez-les finement. Faites fondre le beurre dans une grande casserole au fond épais: posez les oignons, la feuille de laurier et salez. Couvrez la casserole et laissez cuire à feu très doux pendant 15 minutes, en remuant de temps en temps. Quand les oignons sont bien fondus mais pas dorés, ajoutez de l’eau, couvrez et laissez mijoter encore 10 minutes. Goûtez et rectifiez l’assaisonnement si nécessaire: les tranches d’oignons doivent être parfaitement tendres, sans résistance sous la dent. Préchauffez le four à 180°C. Dans deux gamelles qui vont au four, posez, dans cet ordre, une grosse tranche de pain, deux louches de soupe, la chapelure et le parmesan râpé. Enfournez pendant 15 minutes, ou jusqu’au moment où la surface sera bien dorée.
Oignons en croûte de sel
Il vous faut:
- 2 oignons rouges de grosse taille
- 200g de sel fin
- 1 blanc d’œuf
- huile d'olive
Préchauffez le four à 180°C. Dans un petit bol, pétrissez le sel avec le blanc d’œuf jusqu’à créer une pâte assez dense. Couvrez les deux oignons avec ce «béton» de sel. Enfournez sur un plat couvert de papier sulfurisé. Cuisez 2 heures, puis sortez la plaque, cassez la coque de sel, coupez l’oignon en deux et mangez avec un filet d’huile d’olive.