Un aller pour la terre
«Perpette les oies n’est pas complètement coupé du monde que je connais, mais un peu quand même. En mettant les voiles, je m’étais dit que la distance aurait raison, c’est la vie, de ces amitiés qui vont et qui viennent. Je me préparais psychologiquement à une retraite monacale anticipée. Je m’étais résigné à ne plus parler qu’aux arbres des amitiés révolues aux souvenirs délébiles. Il n’en fut rien. Le monde dont je m’étais éloigné avec un peu de chagrin venait maintenant à moi, à nous. La ferme avait le super pouvoir d’attirer autour de sa grande table les familles, les amis et une foule de curieux, c’était beau à voir.»
«Comme la logique voulait que les copains ne se tapent pas toutes ces bornes pour 5 minutes sur place, on avait le temps de partager plus que des mises à jour, de vivre des choses qui deviendraient des souvenirs. La particularité du lieu, tacitement admise, appelait au rituel de la visite guidée de nos « installations ». La centrale solaire autonome, la pédo-épuration, la serre bioclimatique au sud, l’isolation au nord, la charpente et les travaux faits maison, les serres, le champ, le verger, le paradis. Dans l’ensemble les gens trouvaient ça bien, ils souscrivaient intellectuellement. Mais ils ne s’y voyaient pas. Les toilettes sèches et les toiles d’araignées refroidissaient moins de monde que je pensais. Ce qui coinçait chez les visiteurs c’était la fameuse vie en communauté. L’époque était à la liberté individuelle et l’idée de vivre à dix sous le même toit, rendait sceptique.»