Transfert
David Foster Wallace est mort en 2008, un 12 septembre. Sa femme Karen est rentrée à la maison, chez eux à Claremont, en Californie, et il s’était pendu. Il avait attaché un tuyau d'arrosage au pot d'échappement de sa voiture avec son bandana.
L'écrivain souffrait depuis longtemps de dépression, il avait été diagnostiqué pendant ses études, à l’université. Il prenait des médicaments, et la maladie labourait tous ses textes. Dans son roman Infinite Jest par exemple, l’un des personnages, Kate Gompert explique, après avoir avalé des médicaments:
«Je voulais juste arrêter d’être consciente. (…) J’aimerais mieux ne rien ressentir que ressentir ça. Comme si chaque atome, chaque cellule, chaque cellule cérébrale, je sais pas, était tellement nauséeuse qu’elle avait envie de gerber mais qu’elle pouvait pas, et vous ressentez ça tout le temps et vous êtes sûr, absolument certain que cette sensation s’arrêtera jamais, que vous allez la ressentir toute votre vie.»
Pas étonnant donc, que sur les forums américains, on retrouve souvent décrite comme la plus pertinente définition du suicide une définition forgée par l’écrivain, (et que je retranscris ici dans une traduction sans doute approximative...):
«Les gens qui se suicident ne le font pas par désespoir, explique Wallace. Ni en vertu d’une conviction abstraite selon laquelle les avantages et les inconvénients de la vie ne s’équilibrent pas. Et certainement pas parce que la mort a soudain l’air attrayante. La personne dont l’invisible agonie atteint un stade intolérable se tuera de la même manière qu’une personne enfermée dans un immeuble en feu finira par sauter par la fenêtre. Ne vous trompez pas, au sujet de ceux qui sautent d'un immeuble en feu. Leur terreur, à l’idée de tomber de haut, est aussi grande que le seraient la votre ou la mienne si on se tenait à la fenêtre d'un immeuble intact, à contempler sereinement la vue; la peur de tomber est immuable. La variable ici, c’est l’autre terreur, dit Wallace. Celle du feu: quand les flammes se rapprochent suffisamment, mourir d’une chute devient la terreur la moins grande des deux. Ce n’est pas que vous voulez tomber; c’est la terreur face aux flammes. Et personne, en bas, sur le trottoir, en regardant vers vous et en criant "Ne saute pas, tiens bon" ne peut comprendre votre saut. Ne peut vraiment comprendre. Il faudrait avoir été personnellement enfermé et avoir senti la chaleur des flammes, pour saisir tout à fait la terreur qui surpasse celle de la chute.»
C'est ce qui est arrivé à Margot. Elle s'est retrouvée du côté des flammes, poussée, vers le vide.
C'est ce qu'elle raconte dans cet épisode de Transfert réalisé par Alexandre Mognol:
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