Transfert
En 1990, Catherine Missonnier publie un merveilleux roman pour enfants, dans la collection Cascade, Opération caleçon au CE2. Il faisait partie d’une série, et cet opus-là racontait l’histoire d’enfants qui essayaient de communiquer depuis leur balcon avec un mystérieux inconnu habitant l’immeuble en face. Je me demandais à quel genre d’enfants il arrivait sans cesse des aventures improbables, quand il me semblait qu’à moi, il n’arrivait jamais rien. Je me postais sur mon balcon, et je regardais en face les enfants sages que j’apercevais dans leur chambre et qui faisaient tranquillement leurs devoirs, la famille de Moshe qui allumait les bougies pour Shabbat, le petit vieux qui avait l’air veuf et qui lui n’allumait jamais rien, même pas la lumière. Son appartement était plongé dans l’obscurité. Plus tard, je découvrirais Baudelaire, les Petits poèmes en prose, et celui sur les fenêtres. «Il n’est pas d’objet plus profond, lirai-je alors à cette époque, plus mystérieux, plus fécond, plus ténébreux, plus éblouissant qu’une fenêtre éclairée d’une chandelle. Ce qu’on peut voir au soleil est toujours moins intéressant que ce qui se passe derrière une vitre. Dans ce trou noir ou lumineux vit la vie, rêve la vie, souffre la vie.»
J’en ai gardé une fascination pour ces gens qui parviennent à se raconter des messages à travers les fenêtres, à communiquer d’un immeuble à un autre, d’un monde à un autre. Comme cette jeune femme française, partie un beau jour habiter à Londres, et qui fait la rencontre de deux hommes, Sam et Andrés, l’un voisin de bureau, l’autre voisin d’immeuble.
Cet épisode de Transfert a été réalisé par Cyrielle Bédu.