Transfert
«En France, la question de la racisation reste centrée sur les non-Blanc.he.s. Or, la blanchité est une forme de racisation, c'est la couleur biologique et sociale de la norme et du pouvoir», écrivait Amandine Gay sur Slate en 2014. Elle notait qu'en France –par opposition aux Etats-Unis– la question commençait seulement à se poser de penser la blanchité. À tel point qu'il est possible de vivre une vie entière en France, sans savoir, sans voir, que l'on est blanc.
L'année suivante, dans une interview, le fondateur du CRAN, Patrick Lozès, poursuivait d'ailleurs: «Être blanc en France n'est pas une question mais une évidence à laquelle on ne pense même pas. Le groupe majoritaire est souvent aveugle à sa propre couleur pensée comme universelle. Le groupe majoritaire n’est pas sujet aux mêmes regards, aux mêmes questionnements, voire aux mêmes suspicions ou vexations que les groupes minoritaires.»
Si les blancs ne sont jamais confrontés à leur couleur de peau, ils sont aussi bien rarement confrontés à leurs propres valeurs. Ils peuvent croire sans mal ne pas être raciste sans avoir à jamais mettre leurs convictions à l'épreuve. C'est ainsi que quand Claire, lycéenne de Bordeaux, a décidé de partir pour un an aux États-Unis, elle y partait avec la conviction absolue d'avoir des valeurs claires et inaliénables. Elle, raciste? Jamais.
Mais découvrant soudainement qu'elle n'est pas de la couleur de l'universel mais de celle des dominants, qu'être anti-raciste dans un système raciste implique un peu plus que de prononcer de grands mots faciles, elle découvre ce que Toni Morrison écrit dans son roman Délivrances:
«Scientifiquement, il n'existe rien de tel que la race, [...] donc le racisme sans race est un choix. Enseigné, bien sûr, par ceux qui en ont besoin, mais c'est tout de même un choix. Les gens qui le pratiquent ne seraient rien sans lui.»
Écoutez l'histoire de Claire | Un épisode d'Alexandre Mognol:
