Les sales gosses
Il y a encore pas si longtemps une personne ayant dépassé le seuil critique d'un célibat excédant une année pleine, sans romance ni coït, faisait un excellent réceptacle à conseils tous plus crétins les uns que les autres: «tu devrais sortir plus», «tu devrais prendre un peu plus soin de toi», «peut-être que tu es trop exigent(e), t'y as pensé?».
A cela, on était déjà tenté de répliquer un tas de choses pas très polies. Mais il faut désormais compter avec ceux que j'appelle «les VRP bénévoles de Tinder». Soit ceux et celles qui considèrent qu'être célibataire à l'ère des applis de rencontres, c'est faire preuve d'une mauvaise volonté car, voyez-vous, l'amour est à portée d'algorithme. Oui, oui, l'amour. Pas juste le plan cul hygiénique.
Les plus enthousiastes affirment en effet qu'ils ne s'agit pas d'une simple appli de rencontre, mais d'un GPS à âme soeur. Carrément.
Personnellement, par tropisme pour les trucs glauques et aussi un peu pour faire mon intéressante, j'ai toujours clamé «Tinder, jamais de la vie», en invoquant les quelques histoires atroces glanées sur internet ou parmi les potes (une fille qui se fait défenestrer par son date, le mec qui a enchainé 150 rendez-vous Tinder et qui est toujours célibataire, cette copine qui a rencontré un mec attentionné sur Tinder, flippant voire dangereux IRL). Et puis aussi, la vie offre déjà suffisamment de se faire offrir des dickpicks sans rien avoir demandé ou de se faire harceler, pour pas que j'aille en plus me jeter dans la gueule du loup. Peut-être est-ce un raisonnement de vieille personne dépassée par les us et outumes de la génération Y, ou Z (je suis un perdue dans le décompte). Peut-être surtout, que toute moderne et féministe que je prétends l'être, je ne suis pas super à l'aise avec cette idée d'aller chercher un mec moi-même, ni avec le capitalisme de la drague, et m'accomode très bien du hasard.
En discutant avec Mélissa Bounoua, rédactrice en chef adjointe de Slate («entre-soi!» «journalopes») qui bénéficie d'une solide et concluante expérience de Tinder, je réalise aussi que mon approche de ces applis et sites de rencontres est finalement altérée par l'idée inconsciente et tellement réac, qu'une fille, ça n'a pas à chercher à faire des rencontres mais à attendre patiemment qu'on vienne vers elle. Ouais, comme Raiponce. J'ai aussi appris un tas de choses très concrètes: qu'il y a des gens qui mettent des photos de leurs enfants en photo de profil (POURQUOI???), qu'on peut tomber sur son collègue ou son voisin de palier sur Tinder, mais que c'est pas si grave. Et qu'on dit swiper et non pas «swaper», comme je l'ai toujours prononcé ce mot, y compris dans les premières minutes de ce podcast. Ce qui, à défaut de faire recontrer l'amouuur et/ou de réviser mon aversion pour Tinder, me permettra déjà d'avoir l'air un peu moins con.
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