Société / Économie

Le «quart» de moins: les femmes peuvent gagner sur le front des salaires

Les inégalités de salaires qui persistent entre les femmes et les hommes tiennent pour une part à la dévalorisation des emplois à prédominance féminine.

<a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Banque_de_France#mediaviewer/Fichier:Centenaire_de_la_banque_de_France_m%C3%A9daille_avers.JPG">Centenaire de la banque de France médaille avers </a>/ Oscar Roty via Wikimedia Commons <a href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0/">CC</a>
Centenaire de la banque de France médaille avers / Oscar Roty via Wikimedia Commons CC

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Un Quart en moins de Rachel Silvera

Le salaire des femmes reste inférieur d’un quart à celui des hommes. Une plus faible durée du travail en explique une partie. L’idée que leur salaire ne constitue qu’un salaire d’appoint, dont l’auteure, économiste à l’université de Paris X, retrace l’histoire dans les deux premiers chapitres, continue de produire ses effets, notamment dans l’acceptation du temps partiel féminin.

Les difficultés d’accès aux emplois les mieux rémunérés en expliquent une autre. Car leur parcours professionnel demeure dans l’ensemble beaucoup moins valorisant que celui des hommes, en lien notamment avec la maternité. Contre cela, des femmes, certes encore peu nombreuses, ont entrepris de faire reconnaître leurs retards de carrière. L’auteure présente dans les deux chapitres suivants les cas d’une demi-douzaine d’entre elles. Utilisant les mêmes outils que ceux mis au point pour démontrer la discrimination syndicale, consistant à comparer l’évolution des rémunérations de salariés entrés dans l’entreprise à la même période avec un même niveau de qualification, elles ont pu obtenir gain de cause devant les tribunaux, comme cette analyste financière qui a ainsi obtenu une compensation représentant un montant important pour discrimination de salaire et de carrière en raison de congés de maternité, parental et conventionnel.

Un salaire égal à travail de valeur égale

Un point moins bien compris, encore aujourd’hui, même si la loi prévoit depuis longtemps que le salaire soit égal non pas seulement à travail égal mais bien à travail de valeur égale, consiste dans la moindre rémunération des emplois à prédominance féminine. Souvent au motif que ceux-ci ne requièrent que des compétences élémentaires, parce que peu visibles et/ou présumées naturelles chez les femmes. Ainsi, les difficultés d’accès aux postes les mieux rémunérés que rencontrent les femmes se doublent-elles d’une dévalorisation des postes qui leur sont accessibles.

Là encore, des décisions de justice, une douzaine selon l’auteure, ont donné raison à des femmes dont les emplois étaient dévalorisés par rapport à ceux des hommes, comme celle qui a ainsi reconnu qu’une responsable des ressources humaines valait un directeur commercial ou un directeur financier (!). Elles ont pu se baser sur la définition du code du travail qui précise que «sont considérés comme ayant une valeur égale, les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l’expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse»[1]. Ces actions en justice restent toutefois difficiles à engager en l’absence, en droit français, d’actions de groupe susceptibles d’être initiées par des tiers, associations ou syndicats, note l’auteure.

Des critères à redéfinir

Pour décrire et évaluer les emplois en évitant les biais sexués (c’est l’objet du dernier chapitre), il peut être nécessaire de redéfinir ces grands critères en portant attention à la manière dont ils sont appliqués dans les classifications de branche ou les grilles salariales d’entreprise s’agissant des emplois féminins. Car on observe souvent les concernant que les diplômes ou les qualifications détenus ne sont pas reconnus. C’est également le cas de la complexité-technicité des emplois, en particulier s’agissant des dimensions relationnelle ou multi-activités. Et il en va de même des responsabilités, au-delà de l’encadrement hiérarchique, ou encore de la pénibilité et des conditions de travail qui caractérisent les emplois féminins, cf. l’article de l’auteure écrit avec Séverine Lemière qui compare des emplois à prédominance féminine et masculine dans les mêmes organisations.

Des expériences étrangères pourraient être mobilisées: la loi québécoise impose par exemple aux entreprises de mettre en œuvre une démarche complète d’évaluation non discriminante des emplois qu’elle décrit dans le détail. En France, ce chantier reste à mener, malgré les engagements en la matière signés entre les partenaires sociaux dès 2004 et qui ont été renouvelés en 2013 ou encore la publication par le Défenseur des droits d’un guide pratique, de grande qualité, pour une évaluation non discriminante des emplois à prédominance féminine, auxquels les partenaires sociaux, dans les branches comme dans les entreprises, pourraient se référer. 

Une difficulté tient sans doute au fait que les emplois à prédominance féminine sont aussi concentrés, au moins pour partie, dans des branches, pour lesquelles la revalorisation financière représenterait alors un coût important et/ou dont le financement devrait aussi impliquer l’Etat, ce sur quoi l’auteure n’insiste peut-être pas assez. 

Toujours est-il qu’en choisissant de mettre l’accent sur la dévalorisation de ces emplois, Rachel Silvera signale l’importance d’un autre front en matière d’égalité femmes-hommes, à côté de celui, mieux balisé, de l’inégale répartition des tâches domestiques et des soins aux enfants au sein des ménages, qui oriente plutôt vers des politiques de conciliation de la vie au travail et de la vie privée (à défaut de pouvoir espérer faire évoluer rapidement les comportements), cf. l’opuscule de Dominique Meurs publié récemment par le Cepremap. Un front sur lequel presque tout reste à faire.

Jean Bastien

[1] article L. 3221-4 du code du travail. Retour au texte

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