Politique / France

Mariage pour tous: la séance de la Honte

Autant sur la première lecture du texte, l'UMP n'a pas trop mal joué, autant elle a fait naufrage en deuxième lecture, en se laissant entraîner par la radicalisation d'un petit noyau de militants qui ne sont certainement pas représentatifs de toute la droite, tant sur le plan des idées que des méthodes.

Un détail de la photo prise anonymement par un député PS dans la nuit de jeudi à vendredi 19 avril 2013.
Un détail de la photo prise anonymement par un député PS dans la nuit de jeudi à vendredi 19 avril 2013.

Temps de lecture: 3 minutes

Cette nuit de jeudi à vendredi, l'Assemblée nationale a terminé l'examen, en seconde lecture, du projet de loi sur le mariage pour tous, dans une ambiance absolument lamentable. Une honte. Cette photo, prise par un député PS anonyme, résume bien ce que fut l'attitude du groupe UMP, du moins des quelques ultras présents dans les travées, et qui ne sont en rien représentatifs de ce groupe.

On y voit des députés descendant faire le coup de poing contre un commissaire du gouvernement (le directeur des affaires civiles et du sceaux au ministère de la Justice) pour un regard de travers. Ceux qui figurent sur cette photo doivent avoir honte, ce matin...

La honte est à plusieurs titres. D'abord la violence physique, qui est inexcusable, quel que soit le lieu, quel que que soit le prétexte. On peut tourner autour du pot tant qu'on veut, arguer de toutes les provocations, c'est toujours celui qui cogne en premier qui a tort! Ce qui est grave, c'est que le rôle du Parlement est justement d'exprimer et de canaliser la violence des affrontements politiques, pour éviter qu'ils ne débouchent sur des affrontements physiques et violents.

Or, en se livrant eux-mêmes à des violences au sein de l'hémicycle, les députés manquent à leur rôle suprême, qui est justement d'exprimer des clivages et des affrontements tout en désamorçant le potentiel de violence et de débordement. Malheureusement, sur la question du mariage pour tous, cette scène n'a été que le point d'aboutissement d'une faillite complète, qui a vu des députés préférer aller à la manifestation que dans l'hémicycle, et en revenir dans l'état d'esprit, échauffé, de manifestant, et non pas de parlementaire.

Se taire, c'est cautionner ce qui s'est passé et l'endosser

C'est aussi une honte pour le groupe UMP, dans son entier, présents bien entendus, mais aussi absents. L'UMP s'est fait complètement déborder par les plus extrémistes et les excités, et leur a laissé le champ libre.

Je comprends parfaitement que face à cette escalade dans la bêtise militante, à laquelle nous avons assisté sur ce texte, certains préfèrent rester chez eux et ne pas s'associer à ces dérapages. Sauf qu'à un moment donné, quand ça dérape vraiment trop franchement, il faut que des voix s'élève pour dire que ça va trop loin, et que la «solidarité» de groupe ne pas jusqu'à laisser dire n'importe quoi, et surtout, jusqu'à accepter la violence physique.

Les incidents de cette nuit, le coup de poing, mais aussi la longue litanie d’imbécilités qui ont pu être prononcées par des députés UMP engagent l'ensemble du groupe, si aucune voix ne s'élève, au sein du groupe, pour s'en désolidariser. Se taire, c'est cautionner ce qui s'est passé et l'endosser, quand bien même on était absent de l'hémicycle, ou quand bien même on est resté assis à sa place au moment de l'incident violent.

C'est une honte pour le parti UMP, et la droite républicaine dans son ensemble, que d'avoir laissé le champ libre à sa frange extrémiste, que de ne pas avoir eu le courage, face à ces excités, de dire qu'ils ne pensaient pas comme eux.

Quand on entend dire que des manifestants ont été «gazés«, alors qu'ils ont pris un peu de gaz lacrymogène, quand certains disent qu'il y a eu des violences policières, mais que personne n'a été hospitalisé, c'est excessif. J'aurais aimé qu'une voix courageuse, au sein de l'UMP, prenne le contre-courant de cette logorrhée militante et remette les choses à leur juste place. Il y a eu des dérapages du côté des manifestants à cause de quelques éléments radicaux, qui n'étaient en rien représentatifs de l'ensemble des manifestants, qui étaient calmes et respectueux des consignes. Mais il n'y a pas eu non plus de violences policières. Pas de morts, même pas de blessés!

Un comportement basiste

La question, en cette fin de débat sur le mariage pour tous, ce n'est plus tellement pour ou contre le texte en lui-même (de toute manière, c'est plié) mais c'est de se positionner par rapport aux propos et postures des manifestants et de leurs leaders.

J'attendais des parlementaires qu'ils sachent prendre de la hauteur par rapport à la base, pour justement faire la part des choses et porter une parole modérée, donc crédible et audible auprès du plus grand nombre. Non seulement ils ne l'ont pas fait, mais en plus, ils se sont complètement alignés sur la base, en lui courant après, montrant ainsi qu'ils ne sont pas leaders mais à la remorque d'un mouvement social.

La plus belle faillite politique est celle-là, car l'UMP n'a rien à gagner à coller ainsi à un mouvement extrémiste et radicalisé. Non seulement elle n'y gagnera pas beaucoup chez les militants radicaux, qui considèrent cet alignement comme «normal» et étant la moindre des choses, mais elle y perdra chez les modérés, qui vont lui reprocher de s'être compromis avec des pratiques et des attitudes qui leurs déplaisent profondément.

Autant sur la première lecture du texte, l'UMP n'a pas trop mal joué, autant elle a fait naufrage en deuxième lecture, en se laissant entraîner par la radicalisation d'un petit noyau de militants qui ne sont certainement pas représentatifs de toute la droite, tant sur le plan des idées que des méthodes.

Authueil

Cet article est initialement paru sur le blog Authueil. Les intertitres sont de Slate.fr

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