France

Le mariage pour tous, au nom de l'égalité

L’avis de la Commission nationale des droits de l'homme sur le projet de loi ouvrant le mariage aux personnes de même sexe.

Dans le cortège de la manifestation en faveur du mariage pour tous, le 27 janvier 2013, à Paris.  REUTERS/Christian Hartmann
Dans le cortège de la manifestation en faveur du mariage pour tous, le 27 janvier 2013, à Paris. REUTERS/Christian Hartmann

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Dans le large débat public qui depuis des mois enrichit les travaux préparatoires au vote d’une loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, on oublie trop souvent de mettre en lumière ce qui, en termes de droits, de protection des personnes et d’égalité réelle est en jeu. On oublie aussi de dire qu’il ne s’agit pas à proprement parler d’un «mariage pour tous», raccourci imprécis et donnant malheureusement du grain à moudre aux pourfendeurs du projet de loi.

On entend dans les prises de position publiques que le coup de grâce serait porté à l’institution du mariage, que le fondement de la famille serait profondément ébranlé et qu’il serait porté atteinte de manière irréversible à la structure de base de la société.

Les ressorts de ces argumentations ne datent pas d’aujourd’hui et toutes les grandes avancées que la société française a connues au cours du dernier demi-siècle se sont faites dans la même tension entre des défenseurs des droits des personnes –conscients des atteintes dont elles étaient victimes dans la jouissance effective de leurs droits– et des opposants farouches à ce que des évolutions sociales soient accompagnées ou consacrées par le droit.

Rappelons, par exemple, combien fut contestée en son temps l’instauration du divorce, et avec quelle vigueur, beaucoup plus récemment, l’égalité des filiations légitime et naturelle.

La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), instance de concertation au sein de laquelle la société civile est représentée dans tout son pluralisme, vient de rendre un avis favorable à l'ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe. Elle l'a rendu à l'issue d'un débat approfondi entre ses membres, au nom du principe d'égalité.

» Tribunes, enquêtes, analyses sur le mariage pour tous: un dossier pour en parler

Il faut être clair, au-delà du principe d’égalité au nom duquel de nouveaux droits sont ouverts, le projet de loi du gouvernement s'inscrit dans une politique de reconnaissance sociale des personnes homosexuelles, et par là dans une politique plus large de lutte contre toutes formes de discrimination.

Cette politique participe d'un mouvement de fond, d'ampleur mondiale, visant à reconnaître des droits dont les personnes homosexuelles étaient privées, d'offrir à leurs familles une sécurité juridique qu'elles n'ont pas aujourd'hui et de les libérer du stigmate social qui les marque encore.

Au lieu de se contenter d'aligner les droits du pacte civil de solidarité sur ceux du mariage, ce dernier ouvre aux couples de même sexe une institution, dont il ne faut pas négliger la force du symbole. Pour autant, l'institution du mariage reste gouvernée par des règles d'ordre public et remplit des fonctions sociales, notamment de solidarité et d'assistance, qui répondent à une demande qu'il serait vain de ne pas entendre.

Le projet de loi du gouvernement offre la possibilité de l'adoption aux couples de même sexe. Elle permettra l'adoption de l'enfant du conjoint et l'établissement, par le droit, d'un lien de filiation, si valorisé par les défenseurs de la famille.

Elle permettra également l'adoption conjointe par un couple de personnes de même sexe et donnera un cadre légal à des pratiques existantes mais que l'hypocrisie commande de nier (les faux célibataires qui adoptent des enfants et dont il est connu qu'ils vivent avec une personne du même sexe qu'eux).

La CNCDH n'a pas été sourde aux préventions exprimées quant à l'adoption plénière qui, en l'état, institue un enfant comme étant issu du couple de ses parents, l'adoption singeant la réalité de l'engendrement. Mais elle a posé la question de savoir si la filiation ne devait pas, toutes les fois que cela était possible, être établie vis-à-vis de deux parents. A la condition évidemment que l'on s'entende sur ce que sont des parents –ceux qui élèvent un enfant– et que l'on revoie le droit actuel de l'adoption plénière, qui doit être revisité.

Dans le débat qui entoure le projet de loi, beaucoup de questions ne sont pas propres aux couples de personnes de même sexe et contribuent à brouiller les cartes.

Faut-il dénier le droit au couples de même sexe d'établir avec leurs enfants un lien de filiation? La CNCDH ne le croît pas. Mais la France ne fera pas l'économie d'une réflexion sur l'accès aux origines, qui clarifiera les choses pour toutes les familles.

Dans ses travaux, la CNCDH a toujours réaffirmé que nul ne pouvait se prévaloir d'un droit à l'enfant. Elle souhaiterait d'ailleurs que l'argument du droit à l'enfant ne soit pas utilisé dans un débat qui ne gagne rien à prêter aux personnes des intentions que la morale, déguisée sous les attraits du droit, réprouve. Elle rappelle que c'est avant tout pour protéger les enfants élevés par des couples de personnes de même sexe que le projet de loi permet l'adoption, pour leur reconnaître des droits et pour que les obligations et les responsabilités parentales soient formalisées.

Alors que ce projet de loi est examiné par l'Assemblée nationale, la CNCDH invite chacun à prendre la mesure de l'enjeu qu'il représente en termes d’égalité et de fraternité. Ce projet de loi est incontestablement un instrument de protection et de promotion des droits des personnes homosexuelles et de leurs enfants, qui dans notre pays, aujourd'hui, sont marqués du sceau d'une très grande fragilité.

Christine Lazerges

Présidente de la Commission nationale des droits de l'homme

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