France

Au secours! Les nonistes de gauche sont de retour

Ils promettaient un plan B. Nous l'avons, c'est le TSCG. Peut-on vraiment dire que l'Europe va mieux depuis le «non fondateur» de 2005?

Jean-Vincent Placé et Marie-Noëlle Lienemann (L) à l'Elysée le 15 mai 2012. REUTERS/Jacky Naegelen
Jean-Vincent Placé et Marie-Noëlle Lienemann (L) à l'Elysée le 15 mai 2012. REUTERS/Jacky Naegelen

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Eh bien ça y est, les nonistes sont bien de retour. Entre progressistes, nous étions sensés avoir refermé la fracture, dépassé le oui et le non, nous faire à nouveau des embrassades jusqu’à l’épiphanie hollandaise. Perdu.

Il aura suffi d’un nouveau traité pour voir ressurgir, sur les mêmes terrains, le non «de gauche», celui qui n’est pas contre l’Europe, mais contre celle-là et qui en veut juste une autre, et d’ailleurs c’est très réaliste, le plan B est au coin de la rue. Si cette position était sincère et solide, Sauvons l’Europe entretiendrait avec eux un désaccord frontal, mais respectueux. Malheureusement, cette position n’est aujourd’hui ni sincère, ni solide et c’est lui faire charité que l’appeler simplement hypocrite.

Ces mots sont durs. Mais comment qualifier des Verts et une gauche du PS qui font trempette dans l’eau du non sans y plonger, si vraiment la question était essentielle? Est-ce avec cette mollesse qu’ils défendent une conviction si ardente? Au moins, le Front de Gauche assume.

Ainsi l’argument entendu tant chez Europe-Ecologie Les Verts que chez les amis de Benoît Hamon est le suivant: ce n’est pas grave, le oui a une majorité suffisante au Parlement, notre vote ne risque pas de le mettre en danger.

Doit-on comprendre qu’ils regrettent leur impuissance? Mais que ne demandent-ils un référendum? Ou alors, ce que nous craignons de comprendre, qu’ils souhaitent le passage du TSCG mais s’offrent le luxe de pouvoir s’y opposer, à titre personnel? Du dandisme en politique, en somme. Et comme sous-entendu: bien évidemment, si notre voix était nécessaire pour le oui nous voterions pour. Tartuffes!

Une tactique assez cynique

Autre argument de positionnement qu’on a peine à entendre tant il semble incohérent: le non est un soutien direct à François Hollande. Une partie de l’électorat étant contre le traité, avoir une partie de la majorité qui s’oppose à ce traité permettra que cette majorité continue à représenter l’électorat cible.

Cette manière de justifier ces prises de position par leur clientèle électorale est intéressante. Un tantinet cynique, peut-être, mais ne nous voilons pas la face, chacun se souvient de la douleur politique d’avoir fait partie du camp du oui quand le non triomphait, et au contraire de la force et du prestige, sur cette question essentielle, qu’il y avait à se trouver dans le camp triomphant.

Enfin, des partis et des mouvements enchaînés à la minorité touchaient au graal du lien avec la France profonde, et pas seulement avec leur petite clientèle fidèle. Les piques et les guillotines étaient joyeusement promenées.

Quelle traduction pour le non de gauche de 2005?

Chacun devrait se souvenir également que cette vague ne s’est traduite par rien, en terme électoral. Attac s’est presque autodissoute dans des histoires de luttes trotskistes et de bourrages d’urnes, le PCF a dû se résoudre à disparaître dans le Front de Gauche, la LCR a échoué dans sa transformation en parti de masse, les socialistes enfin qui avaient fait le choix du non ont été éliminés dans les primaires internes ou externes au profit de candidats très européens.

Avoir sauvé la France de l’immonde TCE n’a clairement pas été payant pour les nonistes «de gauche». Par contre, Les Verts, notamment, ont fait un score remarquable aux européennes sous la conduite de Daniel Cohn-Bendit.

Et puis naturellement il y a le bon confort du pouvoir, mais sans en assumer le coût: les nonistes cru 2012 sont dans la majorité pour les petits fours mais dans l’opposition sur le front intellectuel. Mais les petits fours pèsent lourd.

François Hollande a fait du retour à l’équilibre budgétaire l’axe fondamental de son action. On peut discuter du tempo, mais la perspective se comprend évidemment dans une relation franco-allemande, que scelle le TSCG.

Le Plan B? C'est le TSCG

Prétendre, comme les Verts ou l’aile gauche du PS, à des places au gouvernement tout en s’inscrivant en faux contre l’axe du programme de gouvernement est pour le moins curieux. Accepter comme les Verts un groupe parlementaire sans respecter le contrat de mandature est peu sérieux; ergoter que le TSCG n’est pas inscrit noir sur blanc dans l’accord PS-Verts relève de l’argutie indigne. Et se poser en adversaires résolus de l’austérité venue d’Europe tout en assurant voter le budget qui en est la traduction littérale est une farce. Rallier la motion majoritaire, pour l’aile gauche du PS, sans accepter son option européenne et budgétaire prive de toute signification les textes des motions. Autant cesser de faire semblant, ça gâchera moins de papier.

Ce n’est pas le pire: quelle est la perspective? Le Plan B? En 2005, les partisans du oui avertissaient qu’il serait compliqué de négocier un traité plus social alors qu’entre-temps la droite avait gagné les élections successives en Europe.

Force est de reconnaître que le traité social qui devait, après le coup de poing français sur la table, succéder au TCE a pris un peu de retard. En réalité, le plan B, c’est le TSCG. Un de ses renégociateurs principaux est d’ailleurs Laurent Fabius, père intellectuel du plan B.

Le gouvernement de François Hollande a trouvé en arrivant un TSCG Merkozy, qui enregistrait les exigences de l’Allemagne. Il a fait de son acceptation la contrepartie d’un renforcement de la BEI, la création d’un fonds d’investissement pour la croissance de 120 milliards d’euros, la mise en avant de la taxe sur les transactions financières, une union bancaire et bien entendu l’évolution de la position de la BCE.

Nous n’hésitons pas à critiquer certains éléments, mais que l’on ne se trompe pas sur la méthode: on n’ira pas plus loin en refusant d’entendre le message de l’Allemagne.

En somme, ce que nous disent les nonistes actuels, c’est «dans l’accord, nous acceptons les concessions allemandes mais pas les concessions françaises, et ensuite on peut continuer la négociation».

Au-delà de l'euro, où en est l'Europe depuis le non?

Grand succès populaire promis outre-Rhin! Il va de soi qu’il faudra un mécanisme de contrôle des dépenses des Etats s'ils peuvent appeler les autres à leur secours. Le débat a déjà commencé sur les modalités de mise en œuvre, le ballon d’air pendant la crise, etc. Commencer par refuser le principe d’une certaine discipline budgétaire, ce n’est pas donner ses meilleures chances au dialogue et à la négociation qui se poursuit jour après jour.

Et c’est ici qu’arrive l’argument le plus terrible: «ils» essayent toujours de nous faire peur, mais après tout qu’est-ce qui est en cause? L’Europe ne va pas cesser d’exister parce que nous voterons non! Eh bien pourtant aujourd’hui nous y sommes. Au-delà de l’euro, c’est bien l’Europe qui est en péril.

Ce dont nous sommes en train de discuter à travers le TSCG, c’est tout simplement des conditions de la solidarité avec les pays qui ne sont plus en mesure de payer leurs retraites, leurs services sociaux, les salaires de leurs fonctionnaires.

L’Allemagne refuse de se retrouver en position de devoir payer sans pouvoir contrôler au moins que les autres Etats n’ont pas fait tout ce qui était en leur pouvoir pour ne pas se trouver dans cette situation. L’expérience grecque les a traumatisés, et pas à tort. Nous sommes en désaccord sur les critères exacts, mais allons-nous tout mettre par terre à ce stade de la négociation? Les marchés financiers vont-ils poliment attendre deux ans de renégociations en continuant à financer la Grèce, l’Espagne, l’Italie? Que resterait-il de l’esprit européen après ça?

La Belgique discute ouvertement de sa scission par refus de la solidarité interne, la Catalogne envisage de demander son indépendance pour les mêmes raisons, le feu couve de nouveau entre l’Italie du Nord et du Sud, l’Allemagne même est tiraillée entre ses différents Länders. La Hongrie, nous l’avons dit, n’est plus à nos yeux une véritable démocratie. Le débat public en Angleterre, alimenté par le gouvernement, porte bel et bien sur la sortie de l’Europe. Et nous sommes censés croire que le refus du TSCG sera sans conséquence notable...

Camarades, vous êtes irresponsables!

Sauvons l’Europe

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