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Terrorisme. Le Hezbollah met l’Europe face à ses contradictions

Il faudrait inclure le Hezbollah, bras armé de l'Iran et responsable d'un attentat anti-israélien en Bulgarie, dans la liste des organisations terroristes.

L’attentat suicide contre un bus transportant des touristes israéliens a tué sept personnes le 18 juillet à Bourgas en Bulgarie. REUTERS
L’attentat suicide contre un bus transportant des touristes israéliens a tué sept personnes le 18 juillet à Bourgas en Bulgarie. REUTERS

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Le 18 juillet dernier, le terrorisme a frappé à Bourgas, fauchant sept vies innocentes dans cette ville balnéaire de Bulgarie jusque-là réputée essentiellement pour sa tranquillité. Parmi les victimes de l’attentat suicide contre un bus transportant des touristes, on a dénombré 5 Israéliens et deux Bulgares, dont le chauffeur du bus.

Ce n’est pas la première fois que le terrorisme frappait des cibles israéliennes en dehors de frontières de l’Etat juif. Ainsi, le 13 février dernier, une diplomate israélienne a été grièvement blessée dans un attentat à la bombe visant sa voiture, à New Delhi, alors qu’une attaque similaire contre une cible diplomatique israélienne était neutralisée à temps le même jour à Tbilissi, en Géorgie.

Le 14 février dernier, c’est en Thaïlande qu’un terroriste se faisait sauter devant l’ambassade israélienne, mais sans faire de victime cette fois, sa charge explosant prématurément. D’autres attaques ont été évitées de justesse ces derniers mois au Kenya, en Azerbaïdjan, en Afrique du Sud ou en Turquie. Quelques jours avant l’attaque de Bourgas, un membre du Hezbollah a également été arrêté à Chypre alors qu’il surveillait l’arrivée des touristes israéliens.

Derrière ces attaques, les services de renseignement internationaux et les autorités locales soupçonnent fortement l’Iran à travers ses services tels que les Gardiens de la révolution, ou encore son bras armé depuis près de 30 ans, le Hezbollah.

C’est ainsi que The times of India rapportait le 30 juillet dernier que la police indienne citait l’Iran dans l’implication dans l’attaque de février contre une cible israélienne. Plus récemment, les autorités kenyanes ont arrêté deux iraniens dans leur tentative de frapper des cibles israéliennes ou américaines notamment. On peut même élargir le contexte et se rappeler la tentative d’assassinat contre l’ambassadeur d’Arabie saoudite à Washington en octobre dernier.

Là encore, l’Iran avait été montré du doigt.

Manifestement, l’Iran est au centre d’une vaste campagne de terrorisme marquée d’attaques peu spectaculaires mais bien réelles, visant des cibles israéliennes, saoudiennes ou des intérêts occidentaux dans le monde. En effet, à chaque fois, les pistes renvoient vers la Garde révolutionnaire iranienne ou le Hezbollah.

En réalité, cette campagne n’est pas nouvelle. Ainsi, en 1992, un attentat contre l’ambassade d’Israël en Argentine faisait 29 morts et plus de 240 blessés à Buenos Aires. Deux ans plus tard, le 18 juillet 1994, soit exactement vingt ans jour pour jour avant le tout récent attentat de Bourgas en Bulgarie, un autre attentat contre une association mutuelle argentine faisait 84 morts et 230 blessés à Buenos Aires.

Le 15 octobre 2006, le procureur argentin Alberto Nisman, accusait officiellement l’Iran et le Hezbollah d’être responsables de cet attentat, tandis qu’un mandat d’arrêt international était lancé le mois suivant contre Hachemi Rafsjandjani, l’ancien président de la République d’Iran, et plusieurs hauts fonctionnaires et diplomates iraniens de haut rang.

De plus, le Hezbollah avait également été impliqué dans les terribles attentats au camion piégé à Beyrouth en 1983 contre les forces de l’ONU, tuant 58 parachutistes français et 220 marines américains, tous portant le béret bleu. De Beyrouth à Bourgas, le fil conducteur est donc le même, qui relie l’Iran et le Hezbollah à la terreur et à la violence aveugle.

C’est donc dans un contexte de recrudescence du terrorisme de la part de l’Iran et de ses alliés que le ministre israélien des Affaires étrangère Avigdor Lieberman est venu à Bruxelles le 24 juillet dernier demander à l’Union européenne d’inclure le Hezbollah dans la liste des organisations terroristes. Cependant, celle-ci a refusé de le faire, arguant à la fois du manque de preuves concernant l’implication du Hezbollah dans les activités terroristes et de la nécessité d’une unanimité au sein de l’UE pour une telle décision.

Cette décision est d’autant plus problématique pour l’Union européenne que non seulement les Etats-Unis et le Canada ont déjà placé le Hezbollah sur la liste des organisations terroristes, mais que des pays européens tels les Pays-Bas et le Royaume-Uni le font déjà. De plus, le Parlement européen a passé le 10 mars 2005 une résolution dans laquelle il affirmait considérer «qu’il existe des preuves irréfutables de l’action terroriste du Hezbollah» et demandant «que le Conseil prenne toutes les mesures qui s'imposent pour mettre un terme à cette action». A l’époque déjà, le Conseil avait ignoré cette requête.

En outre, la diffusion  de la chaîne de télévision du Hezbollah Al Manar a été bloquée ces dernières années aux Etats-Unis, au Canada, en Australie, en Espagne, en France et en Allemagne en raison de ses programmes encourageant l’antisémitisme. Cette chaîne promeut une idéologie violente, le djihadisme, glorifie les attentats suicide et le martyr et endoctrine en ce sens les enfants dès le premier âge jusque dans ses dessins animés.

Par conséquent, il est difficile de ne pas voir dans la réponse négative de l’UE au ministre israélien des affaires étrangères des motifs politiques. Mais alors que le terrorisme vient de frapper sur le sol même de l’Europe et tandis que le Hezbollah appuie massivement le clan Assad en Syrie, aux côtés de l’Iran, dans l’écrasement sanglant de la rébellion qui secoue ce pays depuis plusieurs mois, il est de plus en plus difficile aux gouvernements européens de maintenir une politique visiblement teintée d’une realpolitik bien peu avouable aux opinions publiques.

A l’inverse, une inscription du Hezbollah sur la liste des organisations terroristes par l’UE aurait l’avantage de la cohérence: cohérence vis-à-vis de ses Etats-membres, telle la Bulgarie, sur le sol desquels l’Iran pourrait agir via ses services ou organisations proches, cohérence vis-à-vis des alliés des pays membres de l’UE, au premier rang desquels les Etats-Unis, cohérence enfin par rapport au discours de l’UE et de ses Etats-membres concernant la situation en Syrie et la brutalité de Bashar al-Assad qui massacre la population à l’aide de ses alliés, dont précisément l’Iran et le Hezbollah.

Sans oublier que, depuis plusieurs années maintenant, l’Iran prétend se montrer civilisé et fait mine d’accepter des négociations avec la communauté internationale sur un programme nucléaire qu’il présente comme étant pacifique, tout en usant de ses alliés du Hezbollah et de ses propres services pour perpétrer des attaques terroristes sur le sol de pays étrangers, dont celui de l’Europe.

Là encore, la cohérence voudrait que l’UE opte pour un discours clair associé à des actes sans équivoques, en appelant enfin un chat un chat et en inscrivant officiellement le Hezbollah sur la liste des organisations terroristes.

Emmanuel Dubois

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