France

Quand François Hollande choisit l'injustice sociale

Plafonnement du salaire des grands patrons du public, augmentation du taux marginal d’imposition, baisse du seuil de l’impôt de solidarité sur la fortune... Hollande se trompe. Ponctionner les mieux lotis n'aidera pas les défavorisés.

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Quels principes d’utilité sociale et de justice justifient les majorations fiscales annoncées par François Hollande (plafonnement du salaire des grands patrons du public, augmentation du taux marginal d’imposition, baisse du seuil de l’impôt de solidarité sur la fortune)?

Par bien des aspects, les mesures fiscales du nouveau gouvernement, chantre proclamé de la «justice sociale», s’éloignent à la fois de l’équité et de l’utilité (deux principes fondateurs de toute politique fiscale).

Comment séparer, parmi ces annonces, le bon grain de l’ivraie fiscale?

Le plafonnement des salaires des grands patrons comme le taux marginal d’imposition des revenus à 75% sont des mesures largement symboliques et assumées comme telles par le gouvernement. D’aucuns reconnaissent que les effets budgétaires de ces annonces sont infimes et les socialistes invitent à y voir la marque d’un volontarisme de gauche. L’impératif de justice, s’il est une idée, ne peut néanmoins jamais être déconnecté de sa réalisation pratique. Pour s’intéresser au symbole, il faut d’abord voir comment ces choix agissent sur la réalité économique.

Les mesures symboliques n’ont pas que des effets symboliques…

Le faible rendement budgétaire de ces mesures pourrait se conjuguer, à terme, avec leur contre-productivité. Les cadres des grandes entreprises, ceux qu’on qualifie de «haut potentiel», pourraient se sentir stigmatisés par un certain discours de gauche, qui laisse croire que le plafonnement des salaires des dirigeants d’entreprises publiques n’est qu’une première étape vers un encadrement plus général des rémunérations patronales. 

D’autant que les grands patrons du public ne sont pas les seuls touchés par le plafonnement de leur salaire: nombre de leurs collaborateurs sont concernés. A la SNCF, trois grands cadres (David Azéma, Pierre Blayau, Barbara Dalibard) gagnent davantage que le président, Guillaume Pepy. A la Poste, on trouve trois responsables, en plus du dirigeant, qui tomberaient sous le coup du plafonnement. Chez Areva, toute l’équipe dirigeante est concernée. Le cas d’EDF marque encore davantage par son ampleur, plus de 30 responsables français et au moins 70 à l’étranger sont concernés par le plafonnement.

Dans le privé, le plafonnement heurte par son ombre portée, à laquelle s’ajoute la taxation à 75%. Ces cadres à «haut potentiel» se voient dès lors bridés dans leur ambition et sont invités à éviter la France dans la réalisation de leur carrière.

Le spectre du plafonnement et le symbole d’un taux d’imposition confiscatoire portent deux conséquences. Ils n’incitent pas à localiser sur notre territoire les activités à haute valeur ajoutée, ce qui est dramatique pour un pays en mal de compétitivité d’innovation, et d’autre part, les jeunes cadres de talent ne voient aucun attrait à la situation hexagonale, dans une mondialisation des compétences.

Le symbole d’une désutilité sociale  

L’utilité sociale de mesures qui portent une telle charge symbolique paraît bien dérisoire. Certains arguent qu’on diminuerait par là le sentiment d’injustice, ce qui contribuerait à la paix sociale et au bien-être des Français. On peut s’interroger quant au contenu d’un tel sentiment. Ne dissimule-t-on pas sous le masque romantique de l’égalité le visage hideux de l’envie?

A pratiquer ces politiques du symbole, on réduit peut-être les inégalités apparentes mais on ne solutionne en rien la réalité de la pauvreté. D’où une question simple: où est l’utilité sociale de ces mesures? Qu’en est-il de la justice?  

L’impôt contre la justice sociale

Pour qu’il y ait du symbole, faut-il encore qu’on voit les deux faces de la pièce: l’idée et sa conformité. On juge «juste» une situation à l’aune des principes auxquels elle se conforme. Ces mesures emblématiques du début du quinquennat Hollande paraissent tout opposées à son emphatique critère de «justice sociale».

La plus grande figure de cette vision de la justice, le philosophe américain John Rawls, en a exposé les principes fondamentaux dans son maître ouvrage Théorie de la Justice (1971). Selon lui, on peut considérer certaines des inégalités comme justes dans la mesure où ces inégalités sont en faveur des plus défavorisés. En ce sens, une politique de redistribution juste socialement détermine, parmi toutes les politiques possibles, celle qui est la moins mauvaise pour les plus défavorisés.

Le président Hollande commet un contresens singulier en choisissant, contre ces principes simples d’équité, de ponctionner lourdement les mieux lotis ce qui, par ricochet, affectera les plus défavorisés. Notre pays risque de perdre son attractivité pour les secteurs à haute valeur ajoutée qui n’arriveront plus à recruter les cadres de talent dont ils ont besoin. Alors David Cameron, le Premier ministre britannique, pourra à juste titre dérouler le tapis rouge.

Comme le souligne Rawls «l’ordre social n’est pas fait pour établir et garantir des perspectives plus favorables pour les plus avantagés, à moins que ceci ne soit à l’avantage des moins favorisés». En confondant l’envie et la justice, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a cru se donner un brevet social: le réveil des Français, une fois dégrisés de ces «symboles» dangereux, n’en sera peut-être que plus cruel… 

François Dorléans

Article paru dans le blog Trop Libre, de Fondapol

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