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Le rugby, c'était vraiment mieux avant?

Idéaliser le passé, en faisant semblant de croire qu’avant, tout n’était que «french flair» et «la balle à l’aile, la vie est belle», c'est faire fausse route.

Une reconstitution du premier match de rugby jamais joué en Nouvelle-Zélande, Nelson le 20 septembre 2011, REUTERS/Marcos Brindicci
Une reconstitution du premier match de rugby jamais joué en Nouvelle-Zélande, Nelson le 20 septembre 2011, REUTERS/Marcos Brindicci

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Ainsi donc, le rugby était bien mieux avant. Mais avant quoi, au juste? Avant une demi-finale France-Galles d’un piètre niveau, avant la mise en place du professionnalisme, avant les Coupes du monde? Sûrement un peu des trois, pour les théoriciens déclinistes. C’est sûr que la demi-finale (victoire des Bleus sur un score d'antan, 9-8) n’a pas été une belle publicité pour le ballon ovale. Mais considérer ce match comme représentatif du rugby moderne, c’est faire fausse route.

Tout comme idéaliser le passé, en faisant semblant de croire qu’avant, tout n’était que «french flair» et «la balle à l’aile, la vie est belle». On a tous des souvenirs de rencontres mythiques. La demi-finale du Mondial 87, celle de 99... Mais notre mémoire sélective a soigneusement oublié les purges du Tournoi des 5 nations contre l’Angleterre de Will Carling, ou ces matchs casse-croûte contre la Roumanie ou l’Italie dans les années 80 et 90.

Depuis dix ans, les défenses se sont énormément améliorées et donnent parfois l’impression d’un jeu plus fermé. L’équipe de France de Bernard Laporte et celle de Marc Lièvremont, à part lors de la première année de son mandat, ont rarement réussi à mettre en place, dans la durée, un jeu d’attaque ambitieux et offensif. Cela tient à la nature du Top 14 et au faible temps passé en commun par les joueurs.

Pour autant, s’ennuie-t-on davantage aujourd’hui que par le passé? Le jeu est différent, c’est sûr: plus physique, plus tactique. Mais l’intensité des matchs actuels est bien plus élevée. Je discutais récemment avec un supporteur français venu en Nouvelle-Zélande, ancien joueur de Fédérale 3 et actuellement coach au même niveau. «Je préfère largement le jeu d’aujourd’hui, me disait-il. Avant, ça se battait souvent, on ne faisait que petits tas sur petits tas. Les ailiers ne voyaient parfois pas la balle du match. Désormais, tout le monde tente de participer au jeu.»

Les avants ont une gestuelle qui ferait pâlir d’envie leurs aînés. Beaucoup plus mobiles, ils sont aussi plus adroits. Le temps de jeu effectif, celui où la balle vit, va en augmentant sans cesse. C’est vrai que la Coupe du monde n’est pas la meilleure des ambassadrices pour le beau jeu d’attaque. Particulièrement en phases finales. «Knockout games», répondront les anglo-saxons. Autrement dit: le match est très intense, mais plus fermé. Globalement, les phases finales ont accouché de rencontres d'un bon niveau, hormis la demie des Français.

L'autre match du week-end, Nouvelle-Zélande-Australie (20-6), a été impressionnant d'engagement et de justesse technique, même si l'on peut regretter que les Blacks n'aient pointé à dame qu'une fois. Mais quel essai de Ma'a Nonu, et quelle passe d'Israel Dagg!

Les quatre quarts de finale disputés lors de cette édition ont aussi été tout à fait corrects, avec une mention spéciale pour Galles-Irlande et Afrique du Sud-Australie. Des oppositions de style, mais des combats âpres et durs, avec une vraie dimension dramatique. Comment les Australiens ont-ils pu gagner ce quart? Le premier tour, avec des matchs comme Irlande-Australie, Galles-Afrique du Sud, ou Samoa-Afrique du Sud, a aussi su emballer les foules. Sans oublier France-Tonga qui, aussi mal au cœur que cela puisse faire, est entré dans les livres d’histoire du rugby et a exalté la fierté d’une minuscule nation.

François Mazet et Sylvain Mouillard

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