Politique / France

Jeunesse: quels chemins de réussite individuelle et collective?

Créer un service civique obligatoire, des classes «métiers-études» sur le modèle du «sport-étude» au collège, un entretien de motivation pour l'entrée à l'université et des parcours décloisonnés pour les étudiants: les propositions de Jean-François Copé.

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Après avoir porté le printemps arabe dans les pays du nord de l’Afrique, la jeunesse exprime son malaise dans les pays européens menacés par leurs dettes souveraines: hier la Grèce, aujourd’hui l’Espagne… Chaque pays doit répondre aux interrogations que lui pose sa jeunesse.

C’est un sujet essentiel, au moment où les jeunes Français font du bonheur une affaire totalement privée. D’après l’enquête sur la «jeunesse du monde» publiée en début d’année par la Fondation pour l’innovation politique, ils sont très satisfaits de leur vie personnelle, mais ils ne croient plus du tout en l’avenir de leur pays! Ils ont l’impression de fermer le cycle de la prospérité économique et de la puissance occidentale. Cette morosité tranche avec l’envie d’en découdre des jeunesses indienne et chinoise.

Il est vrai que pour la première fois en temps de paix, les jeunes qui arrivent sur le marché du travail connaissent une situation plus difficile que celle de leurs parents: risque de prendre le «descendeur» social, inadéquation entre la formation et l’emploi, marché de l’immobilier saturé…

La baisse du chômage des jeunes depuis un an est un bon signal mais elle ne suffit pas à rassurer. Au-delà de la conjoncture économique, on observe une défiance à l’égard des institutions, la tentation du repli identitaire, ou la volonté de partir à tout prix avec la certitude que la réussite n’est possible qu’à l’étranger!

Sans parler du risque de la «lutte des âges» et du conflit générationnel: c’est simple, la moitié des Français ont une image négative des jeunes…  Et en retour, 40% des jeunes ne veulent pas payer pour les retraites de leurs aînés! 

Après la réforme des retraites, le chantier sur le financement de la dépendance mobilise les énergies. Ce sont deux chantiers majeurs pour faire face aux évolutions démographiques mais les défis du vieillissement ne doivent pas faire oublier les défis de la jeunesse. Il ne faudrait pas que les débats de la prochaine présidentielle négligent les jeunes, qu’ils ne tiennent pas compte de leurs attentes, de leurs rêves, de la société qu’ils ont envie de construire!

Ce que nous souhaitons pour notre jeunesse, c’est le contraire de ce que lui fait miroiter le PS: plutôt que de lui promettre «l’égalité réelle», nous devons lui proposer les outils pour prendre en main son destin par la méritocratie. Plutôt que de la rendre dépendante aux aides en tout genre au risque de l’enfermer dans l’assistanat, nous devons l’encourager et lui faire confiance. Pour cela, avec Génération France.fr, nous avons développé deux axes de propositions:

1• Réinventer le lien entre la jeunesse et la communauté nationale

Les jeunes sont loin des décideurs et des décisions. Pourtant, ce sont eux les citoyens d’aujourd’hui et de demain, il faut les encourager à prendre des responsabilités le plus tôt possible. Au sein des partis d’abord, et c’est pourquoi je propose qu’une partie des financements des partis politiques soient conditionnés à leur effort en matière de formation et de détection des jeunes talents. A l’UMP, nous avons déjà commencé!

Mais pas seulement au sein des partis: au quotidien tout simplement! Depuis la suppression du service militaire, le sens du «service à la Nation» est devenu un peu désuet. Pire, la mixité sociale n’est plus un rendez-vous obligatoire.

C’est pourquoi je souhaite que l’on institue un service civique obligatoire. Aujourd’hui, le service civique volontaire n’est pas valorisé, ce n’est pas un atout sur un CV. Pourtant, ça devrait être un gage de citoyenneté, d’ouverture, d’expérience…

J’entends déjà les arguments des sceptiques contre un service civique obligatoire: anachronique, trop cher, inapplicable, synonyme de travail forcé, d’emploi déguisé…

Que chaque jeune donne quatre mois pour remplir des missions de service public, je pense que c’est un bel engagement, pour soi et pour les autres. Le service civique ne cherche pas à se substituer à des emplois existants. Au contraire, il permettra aux jeunes de remplir des missions qui, actuellement,  ne font pas l’objet d’un financement. Il doit être l’occasion, pour chacun, de rendre à la Nation un peu de ce qu’elle lui a donné, mais aussi de se découvrir des intérêts, des vocations ou encore d’exercer ses talents au service de la solidarité nationale.  

2 • Renforcer les liens entre le monde éducatif et le monde du travail 

Aujourd’hui, le monde professionnel est absent des enseignements scolaires ou universitaires. Sans remettre en cause la vocation de l’école ou de l’université, qui est de transmettre un savoir, il faut inscrire une continuité entre ces deux mondes.

Cela commence au collège. Aujourd’hui, on essaye de formater toute une classe d’âge dans le collège unique sous prétexte de donner à tous les mêmes chances.

Pourquoi ne pas ouvrir des classes «métiers-études» sur les modèles des classes «sport-études» pour permettre aux jeunes qui le souhaitent d’axer une partie de leur enseignement sur le monde professionnel, la découverte des métiers et les savoir-faire techniques?

Les classes métiers-études, comme les classes sport-études, seraient des classes d’ouverture. Tout devra rester possible après: s’orienter vers une filière générale, un lycée technique professionnel ou un CFA (Centre de formation d’apprentis)! La clé de la réussite, c’est le choix et pas l’orientation par défaut.

De même, dans la continuité de la philosophie du «collège unique», on a construit «l’université pour tous». C’est un leurre, nous le savons!

Le résultat: une orientation massive en première année d’université où finit encore par se pratiquer une sélection par l’échec… Ce n’est bon ni pour le moral de nos étudiants, ni pour nos finances publiques!

Pour éviter les déconvenues, je propose d’introduire un entretien de motivation à l’entrée de l’université. Sans faire de la sélection –parce que l’université doit accueillir tous les profils passionnés– cet entretien doit être l’occasion de créer un premier contact avec l’étudiant, évoquer ses attentes, son parcours, et ses perspectives.

L’université est le temple du savoir: il faut en faire une force. On devrait entrer «à l’université» en général,  pas seulement dans une «faculté» en particulier.

Je propose de faire du ticket d’entrée à l’université un accès à toutes les formations existantes. On doit pouvoir faire de la finance et du grec en même temps! Dans cette perspective, démocratiser en France le système anglo-saxon des «major» et «minor» me semble indispensable. Actuellement les parcours des universitaires restent trop cloisonnés, cela les dessert quand ils arrivent sur le marché du travail!

Toutes ces propositions impliquent une nouvelle définition de la réussite: pour nous, la réussite, ce n’est pas forcément sortir d’une grande école. La réussite ne se compte pas seulement en euros!

Réussir, c’est aussi innover, accomplir des projets dans tous les domaines, professionnels, artistiques, associatifs, sociaux et familiaux. Et sur le chemin de la réussite, on doit aussi avoir le droit à l’échec.

Voilà notre objectif: donner à chaque jeune la possibilité d’exprimer son potentiel et lui transmettre des valeurs qui renforcent la communauté et la solidarité nationales.

Jean-François Copé

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