Économie

«B Corp», le nouveau label des entreprises engagées pour le bien commun

Fondée en 2006 avec l’intention de «faire évoluer le capitalisme», cette certification est en train de s'étendre à la France.

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De la même manière que l’on peut aujourd’hui acheter des produits certifiés bio ou made in France, pourrons-nous un jour choisir des services et des produits en fonction de la politique sociale et environnementale des entreprises? C’est ce que laisse envisager le label «B Corp», tout droit importé des Etats-Unis.

Fondé en 2006 par Jay Coen Gilbert avec l’intention de «faire évoluer le capitalisme», le label «B Corp» est une certification accordée à des entreprises qui se fixent des objectifs extra-financiers sociaux ou environnementaux et qui répondent à des critères exigeants en matière de compatibilité et de transparence. Acronyme de benefit corporation, les «B Corp» cherchent en effet à repenser la notion de succès dans les affaires et mettent les performances de l’entreprise au service de l’intérêt public. Neuf ans après le lancement du label, cette communauté continue à s’étendre dans près de 40 pays et compte quelques 1.200 entreprises certifiées, dont certains poids lourds comme Patagonia ou Ben & Jerry’s.

Le processus de labellisation passe d’abord par une auto-évaluation de l’entreprise, qui doit répondre à un questionnaire en ligne portant sur ses pratiques en matière d’impact environnemental, ses relations avec ses parties prenantes et ses pratiques de gouvernance. Ce sont ensuite plus de 80 critères sur 200 qui doivent être remplis et contrôlés par l’ONG «B-Lab» pour que celle-ci consente à délivrer une labélisation (valable deux ans) fonctionnant un peu sur le modèle des labels Fair Trade (pour le commerce équitable), ou AB (agriculture biologique). Ces critères incluent notamment l’écart de salaire maximum entre le mieux et le moins bien payé des salariés, l’impact écologique des activités de l’entreprise et le bien-être des employés.

Questionner la finalité de l'entreprise

Lors de sa création, l’ONG a publié une «déclaration d’interdépendance» qui affirme ses valeurs. En substance, une entreprise «B Corp» évalue ses performances en fonction de son impact positif sur la société et sur l’environnement et ne met plus au premier plan les profits dégagés pour les patrons et les actionnaires.

Par-delà la réduction des impacts négatifs de l’entreprise sur son environnement, les acteurs du B Corp cherchent à redéfinir son rôle pour en faire une force de changement positif. Comme le soulignent Blanche Segrestin et Armand Hatchuel dans leur ouvrage Refonder l’entreprise, si elle est aujourd’hui «réduite à une organisation marchande destinée à faire du profit», et considérée comme le simple «instrument des actionnaires qui la possèdent», l’entreprise n’a pas toujours été caractérisée comme «un groupe d’intérêt, mais par un projet de création collective». En effet, loin de viser le seul profit, de la fin du XIXe siècle aux années 1970, le monde de l’entreprise aurait également cherché à prendre charge «l’activité innovante».

L’apparition de cette labélisation questionne la finalité de l’entreprise et son rôle croissant dans les réponses globales à proposer à la société. Au niveau individuel aussi, c’est une manière pour le consommateur de s’engager et d’avoir un peu plus d’emprise sur ce qui lui échappe. 

«Dire clairement qui vous êtes et quels objectifs vous poursuivez»

Ayant largement dépassé les frontières américaines, le label «B Corp» arrive aujourd’hui en France. Elisabeth Laville, fondatrice du cabinet de conseil en développement durable Utopies et de l'agence d'information Graines de Changement, est à la tête des deux premières entreprises certifiées «B-corporation» en France.

Pour elle, se rattacher au label «B-Corp» comporte plusieurs intérêts. Tout d’abord, au niveau de la communication de l’entreprise, «être B-Corp permet de dire clairement qui vous êtes et quels objectifs vous poursuivez; cela permet de souligner que même en étant une entreprise privée, vous pouvez chercher à servir l’intérêt général». Ce label permettant également, selon elle, de montrer que loin d’être une simple velléité, cette ambition est «fondée sur des critères précis et rigoureux». Pour cette ancienne d’HEC, il permet aussi «de faire partie d’une communauté internationale d’entreprises fonctionnant selon des objectifs communs», tout comme d’être dans une dynamique de progression car le questionnaire «oblige à se poser des questions auxquelles on n’aurait pas spontanément pensé». En France, parmi les entreprises qui se rallieront prochainement au label, on compte Nature & Découvertes, la biscuiterie Poult, la Camif, Cojean ou encore La Ruche qui dit Oui!

Cependant, Elisabeth Laville souligne une absence de statut juridique spécifique pour les entreprises privées «à mission sociétale». En effet, l’entrepreneuse relève que «pour des entreprises dont les externalités, c’est-à-dire les coûts de ses activités sur la société, sont réduites, il pourrait être cohérent d’accorder certains avantages fiscaux». Pour elle, cela ne fait en tout cas pas de doute, s’engager au service de la société représente bien l’avenir de l’entreprise. Si le réseau «B Corp» reste encore modeste face aux milliers d’entreprises traditionnelles, il crée des liens et anime une communauté d’entrepreneurs décidés à promouvoir une autre vision de l’économie.

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