Culture

Pour Terry Pratchett, la Mort aussi avait le sens de l'humour

Terry Pratchett avait remis une pétition au nom de l'Alzheimer Research Trust au 10 Downing Street en novembre 2008. REUTERS/Suzanne Plunkett.
Terry Pratchett avait remis une pétition au nom de l'Alzheimer Research Trust au 10 Downing Street en novembre 2008. REUTERS/Suzanne Plunkett.

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«La Mort aussi a le sens de l'humour», écrivait Terry Pratchett dans La Huitième Couleur. A son tour, Pratchett avait fait preuve de sens de l'humour à propos de la mort. Peu d'auteurs ont écrit à son propos avec autant d'amusement enjoué que l'écrivain britannique, mort ce jeudi 12 mars à 66 ans.

Bien longtemps avant que Pratchett ne se voie diagnostiquer un Alzheimer de stade précoce en 2007, et encore plus longtemps avant qu'il ne commence à prendre position en faveur du suicide médicalement assisté, le spectre de la mort planait littéralement sur son œuvre. La Mort en personne apparaît en tant que protagoniste dans l'immense majorité des 41 volumes du Disque-monde, la saga-fleuve de fantasy satirique de Pratchett, et en tant que personnage principal dans une poignée d'entre eux.

Quand nous rencontrons pour la première fois la Mort vue par Pratchett, elle est lancée à la poursuite de Rincevent, un magicien raté et malchanceux qui trace tant bien que mal son chemin à travers La Huitième Couleur et plusieurs de ses suites. Même si elle paraît menaçante au premier regard –après tout, elle est là pour emmener notre héros réticent–, la Mort reste étonnament enjouée, même après que sa cible l'a fuie. «Il serait inexact de dire que la Mort sourit», écrit Pratchett, «puisque n'importe comment ses traits restaient figés en un rictus calcaire. Mais il fredonna un petit air guilleret comme une fosse commune.» Son boulot est peut-être sinistre, mais son moral jamais découragé.

Les fans les plus acharnés de Pratchett vous diront que la Mort devient encore plus aimable au fil de la série. Elle s'avère une présence agréable, de bonne compagnie dans sa constance. Confronté à son propre caractère mortel, Pratchett nous a montré que cette familiarité croissante dépassait le cadre de la fiction. Dans la note annonçant son diagnostic, il rappelait à ses lecteurs qu'il n'était pas encore mort. Et pourtant, écrivait-il, «je serai, bien sûr, mort à un moment futur, comme c'est le cas pour tout le monde. Pour moi, cela pourrait survenir plus tard que vous ne le pensez –il est trop tôt pour le dire».

Dans les romans de Pratchett, la Mort n'est visible que des magiciens –grâce, explique-t-il, à leur sensibilité à «la huitième couleur, le pigment de l'imagination». Il est tentant de suggérer que Pratchett comprenait si bien la mort parce qu'il était lui aussi un genre de magicien, de ceux dont le travail tresse un sortilège presque sans fin. Pour sûr, une imagination prodigieuse irrigue son travail, chacun de ses romans rendant visibles des choses qui autrement resteraient cachées.

Néanmoins, il serait peut-être plus pertinent de se souvenir que les thèmes les plus profonds de son œuvre étaient finalement prosaïques. La force déshumanisante de la bureaucratie, du service postal au système bancaire, figurait parmi ses préoccupations principales, et beaucoup de ses meilleurs romans traitaient de la réforme de telles institutions. Dans son œuvre de fiction, la Mort faisait aussi partie d'un genre de bureaucratie, de celles qui ne toléraient aucun changement: donner à ce système un visage amical pourrait bien avoir été sa plus grande réussite. Pour Pratchett, la mort elle-même était une blague. Mais, comme chez tous les grands satiristes, les monstres qu'il moquait, et dont nous rions, n'en sont pas moins réels.

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