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La Hongrie, «Silicon Valley de l'Est»?

Le pays se verrait bien en champion d'Europe de l'innovation. Et, effectivement, il compte quelques start-ups prometteuses. Illustration en dix inventions.

Dans les locaux de Prezi, à Budapest en novembre 2014. REUTERS/Bernadett Szabo
Dans les locaux de Prezi, à Budapest en novembre 2014. REUTERS/Bernadett Szabo

Temps de lecture: 6 minutes

Le Rubik’s Cube dans le grenier? Du hongrois. Vos présentations Prezi ou vos vidéos sur UStream? Encore du hongrois. Les créations «made in Hungary» ont subtilement envahi notre quotidien.

Les start-ups pullulent sur les bords du Danube. Budapest ambitionne de devenir le hub centre européen dans le domaine d’ici 2020. Chaque année, la Hongrie forme, dans le cadre de cursus scientifiques de renommée mondiale, 8.000 à 10.000 ingénieurs. Et les employer coûte jusqu'à quatre fois moins cher en Hongrie qu'à Berlin (les débutants sont payés environ 250.000 forints par mois, soit 810 euros, alors que le salaire médian est de 500 euros net). Les fonds publics sont  abondants, notamment grâce au programme européen Jeremie qui favorise l’accès au financement des PME et des start-ups.

Le gouvernement met la main à la pâte via un Institut national de l’innovation lancé en 2012. Et la «magyar touch» étonne toujours. La preuve en 10 pépites à suivre de près.

1.Water HouseLa «maison en eau»

Dix mètres carrés, des grandes baies vitrées. Pour l’instant, la «maison» pensée par Mátyás Gutai, 34 ans, arbore un gabarit cabanon de luxe. Le prototype a néanmoins impressionné les observateurs lors de sa présentation officielle à l’été 2014. Les murs: des panneaux de verre doublés. L’épaisseur: cinq centimètres. Dans l’intervalle, de l’eau. Oui, de l’eau. Qui, imprégnant également le sous-sol et le plafond, se nourrit de la chaleur extérieure et se transforme, in fine, en source chauffante écologique.

«Cette eau, en utilisant ses propriétés naturelles, est capable de déplacer l’énergie là où elle est nécessaire. Elle absorbe, stocke, chauffe, refroidit et équilibre la température intérieure», explique l’architecte, actuellement chercheur à l’université de Tokyo. 

Le projet, sur le site AllWater

L’idée lui est venue en 2003, au cœur d’un bain thermal en plein air, lorsqu’il étudiait la construction durable dans la capitale japonaise. Bruxelles a financé les deux-tiers du projet en investissant près de 135.000 euros. Joli coup de pouce.

2.PiqniqLe Facefood

Támás Kiss a eu du nez. Durant une mission à l’étranger, cet ex-consultant informatique peu habile derrière les fourneaux imagine un réseau social axé autour de la bonne chère.

«Il s’est demandé comment la technologie pourrait servir à entrer dans la cuisine de monsieur ou madame tout-le-monde, voir ce qu’ils préparent, et, tout en jetant un œil au contenu des placards, acheter une portion de ces plats maison», raconte János Török, membre du triumvirat bâtisseur avec Misi Szilágyi.

L’appli propose de «montrer» ses recettes les plus réussies à la communauté. De «partager», admettons, une tarte aux pommes. Voire d’«inviter» ses amis au resto avec l’aide de Piqniq, histoire d’échanger des conseils pratiques. Chaque abonné peut aussi écrire une gastro-anecdote («food story») ou «highfiver» (liker) un mets qu’il apprécie.

En juin 2014, le logiciel comptait 2.000 aficionados, éparpillés entre la Hongrie, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l’Australie ou l’Allemagne.

3.SmartBrickLa Lego-commande

C’est un petit cube transparent et magique à la fois. Capable de contrôler un véhicule Lego Technics grâce au Blueetoth. Seule condition: posséder un smartphone ou une tablette pour le diriger. Sur l’écran, un tableau de bord customisable, une conduite enfantine au joystick ou en bougeant le mobile comme un volant, des courses online et une messagerie instantanée. La SmartBrick doit son existence à une campagne de crowdfunding démarrée en février 2014. L’équipe a récolté 110.000 euros en six mois.


Cinq mille exemplaires ont été vendus sur les 10.000 premiers produits à Pécel, village voisin de Budapest. «Nous avons déjà passé commande pour 50.000 pièces supplémentaires. Notre produit est diffusé dans 40 pays, de l’Australie au Chili en passant par Hong-Kong et le Canada. La France est dans notre top 3 d’acheteurs. L’optimisme règne. Pour ne rien vous cacher, nous sommes en quête de bureaux plus grands», glisse András Baráth, pilier de l’aventure SmartBrick.

4.MistoLe facilitateur de coloc

Une plaie. Une source inépuisable de conflits. Les tâches ménagères blasent le commun des mortels. Dont le designer Ádám Sándor, assez bordélique, et donc souvent fâché avec sa copine de l’époque. Alors, le jeune homme songe à un pacificateur de vie à deux. Ou à plus. Misto relève le défi. Ajoutez les corvées et précisez celles qui vous conviennent le mieux. L’appli attribue une couleur à chacun, soumet un agenda potentiel, et avertit l’intéressé lorsque son tour vient.

Présentation sur le site de Misto

«Nous avons façonné cette création en nous fondant sur notre propre expérience. Les gens travaillent dur. Ils n’ont pas toujours le temps de faire la vaisselle ou des lessives tous les jours. Misto n’est pas une baguette magique, mais une sorte de manager distribuant équitablement les tâches à la maison», plaide Ádám Sándor, thésard en parallèle. Petit bonus: un onglet «remerciements» sert à reconnaître le travail accompli. Sympa. Les tests initiaux ont fait leurs preuves. Sortie prévue à la rentrée 2015.

5.CodieLe code est un jeu

On dirait un mini-aspirateur de table. Erreur. Codie est un robot conçu pour allier fun et bases du codage informatique. Les responsables? Ádám Lipecz et András Holló, deux ingénieurs sortis de la Budapest University of Technology. Objectif: propager leur matière de prédilection par le jeu.

Capteurs d’orientation et de luminosité, trajets réglables au centimètre près, ce «gadget intelligent» à combinaisons multiples obéit à des blocs de couleur. Les instructions émanent de votre smartphone.

 


«En mixant ces blocs avec des caractéristiques d’angle, de distance, de direction ou de vitesse, les utilisateurs découvrent comment la machine avance, recule, tourne à droite, à gauche, sur elle-même ou évite les obstacles. De plus, notre tutoriel les guide pas-à-pas pour enrichir leur expérience», précise András Holló. La «machine» magyare a intégré en octobre 2014 l’illustre K50 de la Kairos Society, célèbre pépinière de start-ups nichée au cœur de la Silicon Valley.

6.TepFaites du sport sinon cette girafe mourra

Prenez un Tamagotchi. Mélangez avec une once de Philippe Lucas. Vous obtenez Tep, trouvaille venue de Szeged, grande ville universitaire du sud du pays. Votre mission, si vous l’acceptez: prendre soin d’une girafe virtuelle en vous exerçant un maximum.

Jogging, vélo, natation, toute activité physique consignée rapporte des points destinés à acheter de quoi nourrir la bestiole ou lui offrir des accessoires. L’animal de poche trépasse si son «propriétaire» rechigne trop longtemps à entretenir son corps.

Présentation sur le site GetTep

Motivation supplémentaire: vous pouvez composer la bande-son de votre séance et compiler vos statistiques afin d’améliorer vos performances.

L’équipe de Norbert Budincsevity, développeur spécialiste des intelligences artificielles, s’est distinguée en terminant 2e de la Microsoft Imagine Cup 2014. Une compétition réservée aux concepteurs de high-tech étudiants.

L’application, gratuite, est téléchargeable sur l’App Store et Android depuis la mi-janvier 2015.

7.CryptTalkConversation(s) secrète(s)

Pour 10 dollars par mois (30 dollars si vous êtes une entreprise), ce logiciel équipé d’un système de brouillage AES-256, réputé infaillible et approuvé par les services secrets américains, vous protège de toutes les oreilles indiscrètes à chaque appel émis ou reçu. Idem sur Skype et Viber. SMS aussi inclus dans le pack. Cryptalk garantit 15 contacts sûrs minimum.

De quoi retrouver une vie 100% privée au bout du fil ou échanger sereinement des coordonnées bancaires lors d’une transaction business. Le «bébé» de Szabolcs Kun et d’Attila Megyeri a été désigné start-up de l’année et meilleur projet innovant au Hungarian Innovation Tech Show 2014. Primant soixante mois de brainstorming chez Arenim Technologies, dont le QG est à Stockholm. Cryptalk offre 30 jours d’essai gratuit.

8.Pocket GuideLe guide même hors connexion

Oubliez le touriste au sac-à-dos globe terrestre et ses recommandations. Pocket Guide s’en charge. Vous orientant dans plus de 150 villes, parmi lesquelles Buenos Aires, Sydney, Bangkok, San Francisco, Londres, Paris, et bien entendu Budapest. Sur votre route, vous entendrez notamment que le sculpteur des deux lions ornant le Pont de Chaînes pestois se serait suicidé, apprenant qu’il avait oublié de fabriquer les langues des félins. Qui, à dire vrai, existent, mais ne sont visibles que du dessus.


Quel que soit le lieu de votre séjour, l’endroit où vous flânez, ce Routard de poche conte les légendes urbaines et les monuments incontournables. Indique les chemins de traverse, les bars et bonnes tables. Tout ça, sans connexion Internet une fois l’appli téléchargée. Branchez vos écouteurs et c’est parti.

Côté contenu, pas de panique. Les circuits, certifiés par des professionnels locaux du tourisme, ont été personnellement testés par Martin Rétai et son équipe.

9.JoobiliLe dénicheur de voyages

«Vous dites quand. Nous disons où.» Pour ceux qui veulent s’évader le temps d’un week-end, d’une semaine voire deux, mais sont en panne de destination, Joobili est là.

Choisissez une période et le site fournit une liste d’événements susceptibles de vous plaire. Pitch et GoogleMap compris. Exemples: la fête nationale bulgare, le carnaval de Viareggio (Italie), le jour de la bière à Reykjavik (Islande) ou le Mardi Gras gay-lesbien à Sydney (Australie). Plus 120 autres suggestions rien que du 1er au 8 mars.

Un périple à venir? Hop, sur la «GoList». Une expédition déjà vécue? Tac, sur la «WentList». L’inscription,gratuite, donne accès aux guides type Petit Futé en rapport avec la localité de vacances, aux chambres d’hôtel, ainsi qu’aux locations de voitures et réservations de billets d’avion.

PC Magazine, revue new-yorkaise informatique de référence, a admis Joobili dans son top 100 des meilleurs sites web 2009. Pas mal pour une PME fondée l’année d’avant.

1O.LiteUpL'université pop

Miklós Hajnal et Adrian Stickel sont potes depuis le lycée et camarades à Oxford. Ils révisent ensemble en vue d’un examen et s’ennuient profondément. Puis ils cherchent sur Internet un contenu plus attractif, intuitif, bref, moins pesant que les leçons de papa. Peine perdue. Rien de potable à l’horizon. Arrive cette question: pourquoi les étudiants n’expliqueraient-ils pas un sujet de fac à leurs condisciples? Un module court, visuel et informel en ligne, c’est moins barbant qu’un cours magistral.

Le MIT (Massachussetts Institute of Technology) confirme. LiteUp souhaite réinventer l’éducation. Mais connaître les secrets de la matière noire en dessin ou l’intrigue de Crime et Châtiments (Dostoïevski) disséquée par un pseudo-rappeur black aux faux airs de Busta Rhymes, ça peut servir. 


Certains enseignants, surtout en maths, s’emparent volontiers de l’outil afin de clarifier les bases.

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