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A la recherche du lancer le plus difficile au bowling

Contrairement à ce qu'on peut croire, ce n'est pas forcément celui où il ne reste que les deux quilles les plus éloignées.

Ten-pin bowling in action. <a href="http://en.wikipedia.org/wiki/Ten-pin_bowling#mediaviewer/File:Bowling_-_albury.jpg">Via Wikimédia Commons.</a>
Ten-pin bowling in action. Via Wikimédia Commons.

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Dans Kingpin, comédie classique de bowling, il arrive un moment où le personnage de Woody Harrelson, Roy Munson, fixe du regard un split 7-10, la configuration où ces deux quilles restent les seules debout après le premier lancer. «Le redouté split 7-10», énonce un commentateur. «Au bowling, il y a 1.022 spares différents. Et celui-là, le 7-10, est de loin le plus difficile.»

Un split 7-10. Via Wikimédia Commons.

Le 7-10 est-il le coup le plus dur au bowling? L’affirmation du commentateur correspond certainement à la sagesse populaire, mais pourrait-il y avoir un coup plus difficile encore?

Pour répondre à cette question, je me suis tourné vers les chiffres. J’ai compilé plus de 447.000 carreaux de bowling à partir de PBA.com, le site web de l’association professionnelle des joueurs de bowling américains. Ces données incluent tous les tournois PBA pour lesquels des résultats complets, carreau par carreau, ont été rapportés depuis 2003. À peine 60% de ces carreaux étaient des strikes. Mais dans les 180.000 autres cas, les joueurs ont fait tomber moins de dix quilles du premier coup. J’ai étudié ces 180.000 carreaux pour voir quels coups avaient donné le plus de fil à retordre aux joueurs.

Selon mon analyse, le split 7-10 est en effet l’un des coups les plus durs du jeu. Dans mon échantillon, il a été converti en un spare à peu près une fois toutes les 145 fois où le cas s’est présenté. Ce qui fait un taux de réussite de 0,7% parmi les gens qui font du bowling professionnel: vous pouvez donc imaginer à quel point c’est difficile pour un joueur amateur. Mais ce n’est cependant pas le coup le plus difficile au bowling.


Il y a deux coups que les joueurs de bowling réussissent encore moins souvent, du moins dans mon échantillon. Le premier est le split 4-6-7, qui a un taux de réussite de 0,6%. Il y a ici une quille supplémentaire en jeu, dont vous vous dites peut-être qu’elle doit donner aux joueurs plus de bois mort avec lequel causer des collisions, mais les données montrent que ce coup-ci est plus difficile que le split 7-10.

Notez au passage que, comme c’est le cas pour de nombreux splits, le 4-6-7 a un miroir: le split 4-6-10. Soit la même configuration, mais de l’autre côté du triangle de 10 quilles. Pour les besoins de cette enquête, j’ai traité les configurations en miroir comme des coups différents. D’une part, elles sont réussies à des taux différents, ce qui laisse penser que malgré leurs manifestes similitudes, elles ont leur propre degré de difficulté. (Peut-être la disparité est-elle purement due au hasard, ou peut-être que l’un des coups est plus difficile pour les joueurs droitiers.) Mais même si l’on combine toutes les occurrences du split 4-6-7 et du 4-6-10, le taux de réussite global (0,66%) est toujours inférieur à celui du 7-10.

«Une vieille église de type cathédrale avec ses flèches»

Et la configuration la plus difficile, alors? C’est le split 4-6-7-9-10. C’est ce que le lexique Bowling Lingo de la PBA nomme l’«église grecque», parce que son motif rappelle soi-disant «une vieille église de type cathédrale avec ses flèches». Les joueurs de mon échantillon ont fait tomber cette église grecque seulement 0,2% du temps, soit environ une fois tous les 390 essais. (Même si l’on compte toutes les occurrences du split 4-6-7-8-9-10 et de son image miroir, le split 4-6-7-8-10, les deux combinés ont le taux de réussite global le plus bas: 0,4%).

Ci-dessous, voici les dix configurations de quilles les plus difficiles à réussir pour les joueurs pros, d’après mon échantillon.


Il est important de garder à l’esprit que de nombreuses combinaisons ne sont jamais apparues dans mon échantillon, ou sont apparues très rarement, et que par conséquent je les ai exclues de mes conclusions. Par exemple, il est possible que la configuration 7-8-9-10 (toute la dernière rangée restée debout mais rien d’autre) soit terriblement difficile à réussir, mais elle n’est jamais apparue dans tout l’échantillon –la physique ne le permettrait pas.

Afin de se qualifier pour le schéma ci-dessous, une configuration devait apparaître au moins 50 fois, un chiffre dont je reconnais qu’il est arbitraire. Les trois coups les plus difficiles qui sont apparus dans mes données établissent un nombre confortable de 785, 1.818 et 3.069 occurrences. Mais comme de nombreuses configurations sont relativement rares –et que les cas où les joueurs les convertissent le sont encore plus–, il est difficile de dire avec une certitude absolue qu’un coup est clairement plus difficile qu’un autre, même avec ce qui semble être un large échantillon. Les chiffres sont cependant assez solides pour indiquer que vous feriez mieux de parier sur la réussite d’un 7-10 que sur celle d’un 4-6-7-9-10. 

J’ai demandé à Parker Bonh III, un joueur professionnel classé sixième du classement des titres PBA, quel est le coup le plus dur à son avis. Il est d’accord que ce n’est pas le split 7-10, qu’il décrit comme «un split tout à fait possible», pour un bon joueur du moins. «Cela requiert un bon coup de poche», dit-il.


Il m’a dit qu’il pensait que le spare le plus difficile à réussir était le 4-6-7-10. Avec un taux de succès d’à peine plus de 1% dans l’échantillon, celui-ci est proche du sommet de la liste établi à partir de mes données. Bohn a joué bien plus de parties que je ne l’ai fait et je le crois quand il dit que c’est le split qu’il aime le moins voir.

Les coups plus faciles sont moins mystérieux

Les coups les plus faciles sont moins mystérieux. S’il reste une quille, les pros sont assez efficaces pour la renverser. Quand c’est seulement la quille numéro 3 (deuxième rang, sur la droite), les pros réussissent le spare à un taux de 97,7%: selon mes données, faire tomber la quille numéro 3 est le coup le plus facile au bowling. La quille numéro 7 (dernier rang tout à droite) était la quille solitaire avec le taux de réussite le plus bas, bien qu’elle ait été renversée à un taux proche de 95%.

Ci-dessous, voici les dix configurations à trois quilles ou plus qui sont les plus faciles à compléter pour les pros. Comme avec la liste des coups les plus difficiles, les nombres sont ici proches les uns des autres.


Pourquoi le split 7-10 est-il le coup le plus iconique du bowling s’il n’est pas nécessairement le plus difficile? Bohn a une théorie qui n’est pas plus mauvaise qu’une autre: «Il y a deux quilles de part et d’autre de la piste. La plupart des gens regardent et se disent "Il n’y a pas moyen que je réussisse ça"», dit-il. «Et je suis d’accord: 99‰ d’entre eux n’y arriveront jamais.»

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