Santé

Quand la gym aide à lutter contre la maladie

Elle n'est pas (encore) remboursée par la Sécurité Sociale. Pourtant, la gymnastique adaptée a parfois des effets sidérants sur la maladie, par exemple le cancer.

Une vidéo de présentation du programme Activ par Siel Bleu/l'Institut Curie.
Une vidéo de présentation du programme Activ par Siel Bleu/l'Institut Curie.

Temps de lecture: 3 minutes

Ils se sont rencontrés lorsqu'ils étaient étudiants en Staps (sciences et techniques des activités physiques et sportives). Désormais, ils écument ensemble maisons de retraite et hôpitaux. Fondateurs, en 1997, de l'association Siel Bleu, Jean-Michel Ricard et Jean-Daniel Muller ont en effet un credo: l'activité physique n'est pas seulement une hygiène de vie qui nous aide à garder la santé, «c'est un véritable outil thérapeutique».

C'est d'abord une arme contre la dépendance. Depuis sa création, l'association organise des séances de gymnatique dans les maisons de retraite, dont une étude européenne publiée en janvier 2015 a établi le bénéfice: les personnes suivant ces séances évitent chaque année une chute bénigne, tous les dix-huit mois une chute accidentelle, tous les cinq ans une chute grave. Ce qui, outre un bien-être grandement amélioré, contribue aussi à d'importantes économies pour le système de santé: chaque chute lui coûtant entre 2.000 et 3.400 euros (sans compter les coûts induits par la plus grande dépendance), quand la gymnastique revient, elle, à 158 euros par an et par résident, les économies engendrées sur les 500.000 personnes se trouvant en maison de retraite s'établiraient, en cas de généralisation de ces programmes, entre 421 et 771 millions d'euros annuels.

Mais ce n'est pas tout: depuis quelques années, l'association tente de développer des programmes de gymnastiques adaptés à des pathologies spécifiques. De véritables protocoles, en quelque sorte. En 2012, elle a ainsi mis au point avec l'Institut Curie un programme, baptisé Activ, proposé aux femmes qui viennent d'être soignées pour un cancer du sein. Celui-ci consiste en un trimestre d'activité physique adaptée couplé à un accompagnement nutritionnel et motivationnel, idéalement poursuivis ensuite par la patiente elle-même. In fine, Activ permet une diminution de 30 à 50% du risque de décès par cancer du sein, autrement dit, du risque de récidive. Celui-ci est en général estimé, à dix ans, à 20-25%. La recette? «Elle n'est pas unique: nos formateurs peuvent proposer des pratiques très variées, step, gymnastique tonique, etc. En revanche, le critère à respecter est que les patientes doivent montrer à plus de 70% de leurs capacités, calculées par leur VO2max. Si l'activité reste trop douce, elle ne fera pas de mal, mais n'aura pas de bénéfices en termes de récidive», explique Jean-Daniel Muller. «On est sur des modification des règles d'hygiène de vie à long terme, qui induisent des bénéfices démontrés», renchérit le docteur Claude Boiron, chef du projet Activ à l'Institut Curie et médecin en soins de supports en oncologie à l'hôpital René Huguenin. Quelque 700 patientes de Curie, et 1.500 dans toute la France, ont déjà participé à Activ.

De la même façon, des séances spécifiques ont été mises en place avec l'hopital européen de Marseille pour les patients traités pour les cancers colorectaux. Un programme est en cours aussi pour engager les patients en cours de traitement pour un cancer du poumon: «Pour eux, il est en effet particulièrement crucial de pratiquer une activité physique car, pendant le traitement de cette maladie, tout ce qu'on mange se transforme en graisse et les muscles s'atrophient. Il devient alors très difficile de supporter à la fois le traitement et la maladie», explique Jean-Daniel Muller. L'activité physique constitue dans ce cas un soin presque indispensable.

Hors du champ de l'oncologie, Siel Bleu a développé d'autres programmes, pour les patients atteints d'obésité, de diabète de type 2 (en tout, 1.000 patients déjà suivis), mais aussi de la maladie d'Alzheimer (5.000 personnes). Pour les concocter, l'association pratique une veille internationale sur le sujet, et a construit un référentiel d'exercices, accessibles via internet à tous ses intervenants, tous diplômés Staps. L'association compte désormais 400 salariés et affiche 10 millions d'euros de chiffre d'affaires.

Mais le casse-tête est aussi financier. Il est plus facile en France de prescrire un médicament que des séances de remise en forme! A chaque nouveau programme, Siel Bleu travaille avec des partenaires locaux, et, une fois les évaluations réalisées, cherche des financements un peu plus pérennes: mutuelles, caisses de retraite, Carsat (caisses d'assurance retraite et de la santé au travail), sponsors privés tels Danone, la Fondation Macif, l'AG2R mondiale, etc.. L'ARS (agence régionale de santé) d'Ile-de-France prend ainsi en charge le programme Actif aux côtés de la mutuelle AG2R ,qui s'est engagée pour trois ans avec l'Institut Curie. Des financements toujours acrobatiques et précaires, car la gymnatisque thérapeutique n'est pas encore prescrite sur ordonnance! «L'activité physique présente pourtant l'un des meilleurs rapports qualité/prix thérapeutiques: Activ revient ainsi à seulement 650 euros par patiente», regrette le docteur Claude Boiron, qui poursuit:

«Les mutuelles sont assez sensibles à ces initiatives, car elles en voient le résultat sur la santé des personnes concernées et leur aptitude à retourner au travail. Mais elles hésitent à prendre en charge des programmes proposés uniquement dans certains établissements. C'est pourquoi nous essayons, via Unicancer (groupement des centres de lutte contre le cancer), de populariser ce programme sur tout le territoire.»

Mais avant de convaincre financeurs et patients, les hôpitaux doivent aussi convaincre... les prescripteurs, autrement dit les oncologues. «Nous nous rendons compte qu'ils ne parlent pas tous d'Activ à toutes les patientes susceptibles d'en tirer bénéfice, écartant parfois implicitement celles dont ils pensent, à tort ou à raison, qu'elles ne le suivraient pas. Les représentations ont parfois la vie dure», constate le Dr Boiron.

De son côté, l'association Siel Bleu va incessamment lancer un institut de recherches à Strasbourg, l'institut Siel Bleu, consacré aux thérapeutiques non médicamenteuses et qui tentera, encore plus qu'aujourd'hui, d'asseoir tous les programmes sur des données scientifiques susceptibles de convaincre autorités et financeurs.

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