France / Économie

La bourse ou l'emploi? Les stars du CAC 40 continuent de préférer leurs actionnaires à l'investissement

Les dividendes distribués aux actionnaires ont augmenté et les bénéfices des entreprises en 2014 sont en hausse, mais les investissements nécessaires à la reprise de l’emploi en France ne redémarrent pas.

Des dollars et des euros. REUTERS/Nikola Solic
Des dollars et des euros. REUTERS/Nikola Solic

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La baisse du coût de l’énergie va réduire les coûts de production, le recul de l’euro va soutenir la compétitivité des entreprises qui exportent au-delà de l’Union européenne… mais l’investissement va-t-il redémarrer en France? Car c’est bien là le nerf de la reprise, notamment pour l’emploi.

Or en 2014, malgré le CICE (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi) et à cause notamment de la baisse d’activité dans la construction, il a reculé de 1,6% dans l’Hexagone, après un précédent repli de 0,8% en 2013, évalue l’Insee dans sa note de conjoncture publiée début février. Or, l’emploi ne redémarrera pas tant que l’investissement ne repartira pas.

De très bons résultats

Pourtant, les grosses entreprises du CAC 40 ont enregistré un exercice en progression, si l’on en juge par leurs résultats qui, selon les analystes cités par le journal Les Echos, devraient globalement afficher un bond de près de 30% par rapport à 2013. C’est le cas de la Société Générale qui a dégagé l’an dernier 2,7 milliards d’euros de résultat net. Sans parler de ceux qui  affichent des performances encore plus élevées, comme LVMH avec un bénéfice en hausse des deux tiers à 5,6 milliards d’euros, et Renault dont le profit a quasiment triplé en un an à près de 2 milliards d’euros.

Mais il n’existe pas de relation directe et mécanique entre les bénéfices des valeurs phares de la bourse parisienne et leurs investissements dans l’économie réelle. Certes, on pourrait rétorquer que Renault a annoncé, en même temps que son bénéfice, un millier d’embauches en France en 2015. Mais ce serait oublier que, parallèlement à ces nouveaux emplois destinés entre autres à produire des véhicules Nissan sur les chaînes françaises, le constructeur poursuit par ailleurs depuis 2013 un plan de réduction de 8.000 postes sur quatre ans.

Ainsi, la déconnexion entre la Bourse et l’économie réelle se poursuit. L’année 2014 en fournit une illustration: alors que, selon la lettre spécialisée Vernimmen reprise par La Tribune, les actionnaires du CAC 40 ont été gratifiés de 56 milliards d’euros au cours de l’année (une hausse de 30% par rapport à 2013) par les versements de dividendes et rachats d’actions, les investissements dans l’Hexagone n’en ont pas profité. 

Des investissements qui échappent à la France

En réalité, les fonds de pension et autres investisseurs institutionnels représentés au capital des entreprises du CAC 40 réinvestissent les dividendes versés dans des opérations où les perspectives de rentabilité sont les plus prometteuses. Ce qui n’est pas forcément le cas en France aujourd’hui, compte tenu des incertitudes qui planent sur les capacités de son économie à s’inscrire dans la même dynamique que d’autres pays, en Asie mais aussi aux Etats-Unis voire en Grande-Bretagne.

Or, ces fonds ont des objectifs à atteindre pour, dans le cas de fonds de pension par exemple, honorer les retraites versées aux adhérents. La performance passe, pour eux, par la sécurisation des investissements.

En outre, les fonds français qui peuvent s’intéresser de plus près aux réinvestissements possibles à l’intérieur de l’Hexagone ne sont plus majoritaires face aux fonds étrangers: selon la Banque de France, ceux-ci détiennent environ la moitié du capital des entreprises du CAC 40. Mais si l’on fait abstraction des actionnaires individuels et des actionnaires salariés qui ne sont pas forcément dans des logiques de réinvestissements, les fonds étrangers représenteraient les trois quarts des fonds investis sur le CAC.

Il n’y a pas que les actionnaires qui appliquent des stratégies en s’exonérant de tout nationalisme économique. Les entreprises elles-mêmes se projettent à l’international  et même largement au-delà de l’Europe, réalisant pour la plupart plus de la moitié de leurs chiffres d’affaires à la grande exportation.

Or, pour fidéliser leur actionnariat, elles doivent non seulement rétribuer leur participation au capital (d’où les dividendes et les rachats d’actions destinés à dissuader les actionnaires de se tourner vers d’autres valeurs qui les rémunéreraient plus) mais aussi cibler les investissements les plus porteurs pour consolider la rentabilité future.

Problème: le contexte économique français n’est pas favorable, comme le montre le recul des investissements directs étrangers passés, en flux annuels en 2013, au 42e rang mondial selon le ministère des Finances.

En outre, si les résultats des locomotives françaises de la Bourse sont en hausse, c’est moins pour leur activité en France que dans les autres pays où elles sont implantées, notamment hors d’Europe. Ces pays qui, précisément, reçoivent la plus grosse part de leurs investissements. Alors que la France accumule un retard d’investissement depuis 2007, selon une étude de France Stratégie.

CICE, prix de l’énergie et reflux de l’euro

Cependant, il n’y a pas que les entreprises du CAC 40 qui investissent. D’ailleurs, le CICE dont l’assiette est établie à partir des salaires ne dépassant pas 2,5 fois le Smic, cible plutôt les PME, ETI et les grosses entreprises implantées dans les territoires et qui produisent en France –les grands groupes très internationalisées avec des moyens de production hors de l’Hexagone sont moins concernés, même s’ils en profitent aussi.

Jusqu’à présent, ces entreprises ont surtout utilisé le CICE pour rétablir des marges, reconstituer les trésoreries et éventuellement distribuer quelques largesses aux actionnaires comme aux salariés, comme l’a relevé le ministre de l’Economie Emmanuel Macron à la fin de l’année dernière. 

Toutefois, selon le rapport établi par le Comité de suivi du CICE sur la façon dont les entreprises anticipent leur utilisation du crédit d’impôt, l’investissement serait «l'usage le plus fréquemment cité par les entreprises devant l’emploi, les salaires et les prix»: environ la moitié des entreprises de l'industrie et des services placeraient l'investissement en tête.

Mais encore faut-il remporter des marchés qui justifient ces investissements, c'est-à-dire répondre à des demandes à des conditions suffisamment attractives pour signer de nouveaux contrats et obtenir de nouveaux débouchés.

C’est là que les effets combinés du CICE avec la baisse du prix de l’énergie et le recul de l’euro pour les exportateurs peuvent se traduire par des investissements de PME et ETI, plus favorables pour l’emploi en France que les résultats des stars du CAC 40, toujours aussi déconnectés de l’économie réelle.

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