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Le mandat de Hollande raconté à travers la première question de ses conférences de presse

Comme la dernière fois, celle-ci n'a pas concerné le personnage Hollande, mais la Syrie, et la question de frappes militaires et de troupes au sol.

François Hollande lors de sa conférence de presse du 5 février. REUTERS/Philippe Wojazer.
François Hollande lors de sa conférence de presse du 5 février. REUTERS/Philippe Wojazer.

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Contrairement à ses prédécesseurs Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, François Hollande tient pour l'instant sa promesse d'une conférence de presse semestrielle. Le rituel est bien rodé: à chaque fois un propos liminaire du chef de l'Etat, plus ou moins long, puis une série de questions de la presse.

La première d'entre elles est particulièrement attendue: confiée à un média «important» (en cinq fois, elle a été posée trois fois par Alain Barluet du Figaro, président de l'Association de la presse présidentielle, une fois par l'AFP, une fois par Ouest-France, une fois par France 2), elle synthétise, en quelque sorte, l'air du temps, et celui des éditoriaux de la presse. Sans même lire ou rappeler les réponses qui y ont été apportées, les mettre bout à bout permet de raconter, en accéléré, l'histoire d'un quinquennat.

Novembre 2012: «Serez-vous au rendez-vous de ces réformes structurelles?»

Le 13 novembre 2012, Hervé Asquin, de l'AFP, interroge François Hollande sur le tournant économique que prend son gouvernement, six mois après son élection, moins d'un an après le discours du Bourget. Un virage symbolisé par sa décision, quelques jours plus tôt, d'augmenter la TVA pour financer une baisse des charges des entreprises, mesure qu'il avait refusée pendant la campagne présidentielle:

«Il y a six mois, vous appliquiez votre programme électoral à la lettre, c'était le temps de la générosité, celui des 60.000 emplois supplémentaires dans l'enseignement, du rétablissement partiel de la retraite à 60 ans, de l'abrogation de la TVA sociale. Six mois plus tard, vous changez de pied avec un pacte de compétitivité et une hausse de la TVA qui ont des accents libéraux. Beaucoup y voient, même si vous vous en défendez, un virage libéral, "le tournant c'est maintenant". Beaucoup, surtout, espèrent des réformes structurelles, en Europe, en Allemagne, les appellent de leurs vœux, sur le secteur bancaire mais aussi sur le coût du travail, la réduction de la dépense publique... La question est la suivante: serez-vous au rendez-vous de ces réformes structurelles?»

Mai 2013: «Êtes vous un social-démocrate assumé?»

Le 16 mai 2013, un an et un jour après le début du quinquennat, Michel Urvoy, de Ouest-France, interroge François Hollande sur l'ambiguïté de son positionnement. C'est l'époque où on commence à s'interroger sur le qualificatif à lui appliquer: social libéral? Social-démocrate? Socialiste?

«Vous défendez dans vos propos, dans ceux que vous avez tenus hier à Bruxelles, une certaine idée de la compétitivité, de l'entreprise et du pays. Et dans le même temps, on constate une hausse des prélèvements, des dépenses publiques qui restent élevées, et les deux ajoutés contribuent à paralyser la reprise de l'activité. Ma question est assez simple: on a l'impression que vous balancez régulièrement entre une conviction qui est sincère, qui est la vôtre, de vouloir libérer les énergies, et des contraintes politiques au sein de la majorité, qui réclame plus d'Etat, plus de dépenses, plus de contraintes. Ma question est toute simple: où est votre ligne, M. le Président? Est-ce que vous êtes un social-démocrate assumé?»

Janvier 2014: «Valérie Trierweiler est-elle toujours première dame de France?»

Le 16 janvier 2014, Alain Barluet interroge François Hollande sur la publication de photos volées le montrant en compagnie de l'actrice Julie Gayet. Un retour spectaculaire de la vie privée du chef de l'Etat dans l'arène politique, deux ans après l'affaire du tweet, qui affaiblit très légèrement sa dimension «sympathique», un des principaux traits qui ressortait des enquêtes d'opinion:

«Monsieur le président de la République, la publication, la semaine dernière, d'un article vous concernant dans un magazine, Closer pour ne pas le nommer, a suscité de l'émoi, des questions, de la curiosité, c'est inévitable. Il est un besoin de clarification vis-à-vis des Français, vis-à-vis aussi de ceux qui, à l'étranger, nous regardent –vous serez, dans quelques semaines, reçu aux Etats-Unis par le couple présidentiel américain. Alors, Monsieur le président, la question, je vous la pose sans détour: Valérie Trierweiler est-elle toujours, aujourd'hui, première dame de France?»

Septembre 2014: «Qu'est-ce qu'un exercice de vérification démocratique si ce n'est un recours au vote du peuple?»

Le 18 septembre 2014, Valérie Trierweiler fait encore la une de l'actualité avec son livre Merci pour ce moment, après une rentrée catastrophique pour le pouvoir entre remaniement ministériel et affaire Thévenoud, au point que monte la ritournelle d'un quinquennat écourté ou d'une dissolution, y compris dans la première question de Jeff Wittenberg, de France 2:

«Depuis votre dernière conférence de presse, le 14 janvier, la situation économique et politique du pays, votre situation personnelle, s'est dégradée. La courbe du chômage, que vous avez souhaité inverser, ne cesse d'augmenter. Le parti qui vous soutient, le PS, a subi deux lourdes défaites électorales. Vous avez changé de Premier ministre, vous avez été contraint à un remaniement dans l'urgence en août. En 2006, vous aviez écrit avec Edwy Plenel un livre qui s'appelait Devoir de vérité. Vous disiez qu'un exercice de vérification démocratique devait s'imposer au milieu d'une législature. Alors, qu'est-ce qu'un exercice de vérification démocratique si ce n'est un recours au vote du peuple? Et au-dessous de quel seuil d'impopularité vous considérez que cette vérification deviendrait inévitable?»

Février 2015: «Ne faut-il pas replacer la défense dans une perspective de remontée de ses effectifs?»

Ce 5 février 2015, c'est à nouveau Alain Barluet qui a posé la première question de la conférence de presse, après avoir rendu hommage aux victimes des attentats et réaffirmé la nécessité de protéger la liberté d'expression. Contrairement aux questions précédentes, celle-ci ne concerne pas la scène intérieure stricto sensu:

«Les événements que nous avons traversé ont confirmé qu'il y a un continuum entre sécurité intérieure et sécurité extérieure. Nos soldats sont sur tous les fronts, les armées au maximum de leurs capacités. Les moyens de la défense diminueront moins que prévu, mais est-ce suffisant? Ne faut-il pas prendre une décision majeure, replacer la défense dans une perspective de remontée de ses effectifs et d'augmentation de son budget?»

Vous avez remarqué une différence? Pour la première fois en trois ans, la première question de la conférence de presse n'a pas concerné qui est Hollande, son positionnement idéologique (incertain), sa vie privée (compliquée), sa situation électorale (précaire), mais ce que peut faire l'Etat –son chef en premier, mais pas seulement. Elle aurait sans doute pu être posée, telle quelle, à n'importe quel président de la République dans la même situation. Le «faut-il» a remplacé le «allez-vous», comme si la question ne concernait pas François Hollande mais la France en général. Un bon reflet de la popularité partiellement (et provisoirement?) retrouvée du chef de l'Etat et de ce contexte «inédit» qu'avait abondamment souligné la presse ces derniers jours.

Septembre 2015: «La France va-t-elle s'engager militairement en Syrie?»

Cette fois, comme en février, la première question –encore posée par Alain Barluet– ne concerne pas la politique intérieure ou le personnage de Hollande, mais la politique étrangère. La Syrie est au cœur du débat alors que des réfugiés affluent en Europe en provenance de ce pays. Après la diffusion de la photo du petit Aylan Kurdi, l'enfant syrien mort noyé dont le cliché a fait le tour du monde, de nombreux responsables politiques à droite et quelques-uns à gauche plaident pour une intervention militaire, qui, croient-ils, permettra peut-être à terme de stopper les déplacements de populations. Une manière, selon, eux, de traiter le problème «à la racine». La question du journaliste s'inscrit donc dans ce contexte de pressions sur l'exécutif, et alors que François Hollande vient tout juste d’annoncer dans son propos liminaire des vols de reconnaissance en Syrie:

«Pouvez-vous préciser sur la Syrie? La France va-t-elle s'engager militairement en Syrie, comme elle le fait en Irak depuis un an, au-delà des vols de reconnaissance? Des frappes seront-elles effectuées? Écartez-vous tout envoi de troupes au sol?»

La réponse sera négative. Le président repousse pour l’instant l’idée d’une intervention militaire au sol, expliquant préférer pour l’instant «vouloir savoir ce qui se prépare». Il juge «inconséquent» et «irréaliste» d’envoyer des troupes au sol, et estime que c’est aux pays voisins de prendre le problème à bras-le-corps. «En fonction de la reconnaissance nous serons prêts à faire des frappes», précise cependant François Hollande.

Cet article de février 2015 a été mis à jour après la dernière conférence de presse de François Hollande le 7 septembre 2015.

 

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