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Dans une longue interview avec Christiane Amanpour sur CNN, l'ancien otage français de l'Etat islamique Didier François est revenu sur son enlèvement et sa captivité de dix mois. La présentatrice a notamment demandé au journaliste si ses gardes –parmi lesquels Mehdi Nemmouche– lui parlaient, ce à quoi il a répondu:
— Ils faisaient une sorte de prêche, ils essayaient de nous enseigner...
— Ils vous enseignaient le Coran?
— Ouais, mais ils essayaient plus de marteler ce qu'ils croyaient que de nous enseigner ce que dit le Coran. Parce que ça n'a rien à voir avec le Coran, on n'avait même pas le Coran, ils ne voulaient même pas nous donner le Coran, donc ça n'a rien à voir avec le Coran.
— Donc ce ne sont pas des fanatiques religieux?
— Non... Ce qu'ils croient, ce qu'ils pensent, ils essayaient de nous le marteler parce que c'est ce qu'ils croient, ça n'a rien à voir avec le Coran, c'est leur vision du monde.
CNN a apparemment mal compris le moment où Didier François dit «We didn't even have the Quran, they didn't want even to give us a Quran», transformant ça en «Ils n'avaient même pas le Coran» plutôt qu'en «nous n'avions même pas le Coran».
Ça fait un tweet et un titre très forts, parce que très simples:
Journalist Didier François was held captive by ISIS for more than 10 months: http://t.co/u4KWW5n1C4 pic.twitter.com/tltmHNEuwW
— Christiane Amanpour (@camanpour) February 3, 2015
Mais ce n'est pas ce que Didier François a dit. Contacté par Slate, l'ancien otage a confirmé qu'il voulait simplement dire que lui et ses co-otages avaient du mal à avoir accès à un Coran.
«On a eu beaucoup de mal à avoir un Coran. On se faisait chier à mourir, ils ne voulaient pas nous filer de livres, ils ne voulaient rien nous filer. A un moment, pendant trois jours, on a eu un Coran en français, et on l'a perdu dans un des transferts.»
Didier François raconte avoir demandé un Coran pour s'occuper, avec comme argument la présence de prisonniers musulmans:
«On se faisait chier, il fallait trouver un truc à faire, on pensait bien qu'ils n'allaient pas nous apporter L'étranger de Camus.»
Je ne pense pas que ça soit un mouvement religieux, je pense que c'est un mouvement politique
Didier François
Les prisonniers ont à nouveau eu accès à un Coran vers mars –en langue anglaise–, peu avant la libération de Didier François, que certains gardes leur donnaient de temps en temps. Ils avaient aussi parfois accès à une biographie en anglais de Mohammed ben Abdelwahhab, «une espèce de dialogue improbable entre un musulman et un chrétien, et à la fin, le chrétien se convertit», en anglais également, et enfin en français un «tout petit livre sur les formules religieuses» à dire à toutes sortes de moments de la vie.
Quant au rapport des gardes à l'islam et au Coran, «on n'était pas dans l'exégèse», se rappelle Didier François. «Ils sont religieux de leur point de vue», mais «on n'avait pas des discussions théologiques, plutôt politiques».
«Je ne pense pas que ça soit un mouvement religieux, je pense que c'est un mouvement politique et que leurs gardes ont un argumentaire contre la démocratie par exemple, ça n'a rien à voir avec le Coran. Eux, ils disent que la démocratie c'est le droit de vote et qu'on est soumis aux lois des Hommes et pas à la loi de Dieu, que c'est contradictoire et que donc la démocratie était un dévoiement de la foi.»
Rappelant ainsi ce qu'il disait déjà à Bruce Toussaint juste après sa libération, en avril dernier:
«Tout ça tournait beaucoup autour de la religion qui est assez omniprésente, mais enfin, soyons sérieux, ce n'est pas un groupe religieux, la religion à mon avis n'est qu'un prétexte.[...] Certains d'entre eux nous ont demandé d'apprendre des sourates. Mais soyons sérieux, ne croyons pas que l'affaire est religieuse. L'affaire est criminelle [...]»