Santé

La «nouvelle étude qui met en cause la cigarette électronique» va a priori un peu loin dans la surchauffe

Au salon «Vapexpo» de Bordeaux. REUTERS/Regis Duvignau
Au salon «Vapexpo» de Bordeaux. REUTERS/Regis Duvignau

Temps de lecture: 2 minutes

«Une nouvelle étude accable la cigarette électronique». C’est ainsi que plusieurs médias  vendent depuis le 22 janvier le sujet. On retiendra le verbe accabler. Cette étude a été réalisée par des chercheurs de l’Université d’Etat de Portland et elle a été publiée dans la dernière édition du New England Journal of Medicine (NEJM).

A la vérité il s’agit d’une simple «correspondance» adressée à la prestigieuse revue –un courrier qui n’a pas le rang d’une publication. Cette lettre est titrée «Hidden Formaldehyde in E-Cigarette Aerosols». Elle a aussitôt été médiatisée par l’université où travaillent les auteurs, comme on peut le voir ici.  Ou bien encore là.

Vieux formol

Le formaldéhyde, donc. C’est ici une question aussi vieille que la cigarette électronique. Gaz formaldéhyde qui, liquide, devient le formol des anciennes classes de sciences naturelles. A la fois désinfectant et dangereux, cancérigène. On le trouve dans les produits d’une combustion incomplète de substances carbonées. Aussi y en a-t-il  dans la fumée des feux de forêt, dans les rejets des voitures automobiles, et dans la fumée du tabac. C’est dire si les peurs nées du formaldéhyde sont légitimes.

Que nous disent les six signataires de Portland? Que dans certains cas, la combustion des e-liquides des e-cigarettes peut produire du formaldéhyde. Ils nous disent aussi que, selon leurs travaux, cette substance ne se forme pas lorsque la cigarette électronique fonctionne à faible voltage (3,3 volts). Le formaldéhyde  apparaît lorsque le e-liquide est chauffé à une puissance plus importante (5 volts). A cette puissance, le taux de formaldéhyde fabriqué est alors largement plus élevé (de cinq à quinze fois) que ceux trouvés avec la combustion des cigarettes conventionnelles.

Conditionnels

Selon les auteurs, un utilisateur de cigarette électronique qui inhalerait chaque jour l’équivalent de trois millilitres de ce liquide vaporisé chauffé au maximum, absorberait environ 14 milligrammes de formaldéhyde. Une personne qui fume un paquet de cigarettes de tabac par jour absorbe environ trois milligrammes de ce cancérigène. On peut encore extrapoler: sur le long terme, l’absorption quotidienne de 14 milligrammes (à plus ou moins 3 mg près) pourrait multiplier le risque de cancer par des facteurs allant de 5 à 15.

Tous les experts du domaine ne partagent pas cette lecture. C’est le cas du Pr Peter Hajek. «Quand les fumeurs de cigarettes électroniques surchauffent le liquide cela produit un goût âcre désagréable ce qu’ils évitent de faire», dit-il.

Métaphore du steak

«Il semble qu’ils ont testé du dry puffing, des bouffées sans liquides, qu’aucun vapoteur n’inhale, nous a pour sa part expliqué le Pr Jean-François Etter (université de Genève), autre expert international du sujet. Comme dit mon collègue Konstantinos Farsalinos, c’est comme carboniser un steak et ensuite tester s’il y a des substances cancérigènes. Mais personne ne mangera jamais ce steak.»

La publication de la correspondance du New England Journal of Medicine fait aussi l’objet de sérieuses critiques dans le milieu scientifique spécialisé, comme on peut le voir ici (Dr Michael Siegel) ou encore ici (Dr Konstantinos Farsalinos).

Cette nouvelle publication va, une fois encore, alimenter la controverse quant à l’innocuité d’un procédé qui démontre pourtant chaque jour un peu plus sa capacité à réduire les risques cancérigènes (amplement démontrés) de la consommation de tabac.

C’est là une situation qui résulte du désintérêt majeur des autorités sanitaires vis-à-vis des recherches scientifiques et médicales sur ce sujet. Qui, par exemple, pourrait dire ce que fait, en France, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) sur ce sujet majeur de santé publique?

Article également publié sur le blog de Jean-Yves Nau Journalisme et Santé publique

 

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