France

La nation a fait son travail, à l’Etat de faire le sien

Après l'émotion née des attentats parisiens et de la grande manifestation du 11 janvier, place à l'analyse et à l'action. Une tribune de Nicolas-Jean Brehon.

A Bruxelles, le 11 janvier 2015. REUTERS/François Lenoir.
A Bruxelles, le 11 janvier 2015. REUTERS/François Lenoir.

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L’assemblée générale des Nations unies s’est tenue à Paris ce dimanche 11 janvier 2015. Ce fut une journée magnifique, une mobilisation historique. Paris était au cœur du monde et le cœur des Français se remettait à battre pour une juste cause. 40 chefs d’Etat et de gouvernement défilaient ensemble et 1,5 million de personnes, de toutes origines, de toutes confessions, battaient le pavé. Les Français peuvent être fiers. La nation était reconstituée. Unie pour l’occasion.

C’était grandiose. Les Français avaient le sentiment de vivre un moment d’exception, d’unité, de confraternité. La devise de la République était vivante. Ce mardi 13 janvier, la Marseillaise des députés fut magnifique. Merci pour ce moment.

C’était grandiose et cocasse. Car la quasi-totalité de ces millions de défilants n’avaient jamais acheté Charlie hebdo. Car les CRS caillassés dans les quartiers, comme on dit, étaient ovationnés. Car on pouvait sourire à entendre une petite fille d’une dizaine d’années dire qu’elle était là pour défendre la liberté d’expression, quand on pense que Wolinski proposait tout de même beaucoup de dessins qui n’auraient certainement pas plu à ses parents.

C’était grandiose avec une part de doute. Le vrai courage aurait été que la presse mondiale publie les fameuses caricatures, non pas pour provoquer qui que ce soit mais juste pour rappeler que c’est à cause de ça que Cabu, Wolinski, Charb et les autres étaient morts.

C’était grandiose avec une part d’interrogation. Que va-t-il se passer maintenant? Le Premier ministre a fait un pas considérable en nommant explicitement l’ennemi: «La France est en guerre contre l’islamisme radical». Jusque là, on préférait s’en prendre aux terroristes, aux criminels, aux intégristes, aux fous. De peur des amalgames, on se réfugiait dans les périphrases et le floutage. Le floutage de gueule. Alors que c’est le contraire! Nommer son ennemi est le seul moyen d’y faire face, de faire la différence entre le bon grain et l’ivraie, entre les hommes de bonne volonté, de toutes confessions, et l’ivresse religieuse.

La phase deux sera l’analyse. Difficile d’accepter que nos services de renseignement aient été alertés par leurs collègues algériens. Difficile d’entendre que le nombre de terroristes potentiels a été multiplié par cinquante en dix ans et que la police est débordée. Difficile d’admettre que nos lois sont bafouées tous les jours et que la République recule face au communautarisme. Au lieu d’interdire aux terroristes de sortir du territoire, on préfèrerait qu’ils n’y entrent pas. La terreur du jour exigerait de penser le tragique, de comprendre comment nous sommes arrivés là, de laisser la place et aux caricatures, puisque c’est notre liberté, et à l’expression des souffrances qu’elles impliquent, puisque c’est notre fraternité.

La phase trois sera l’action. On pourrait, par exemple, «combattre les conduites préoccupantes, réfréner l’incitation dans les lieux propices (prisons, lieux de culte), partager les analyses, réduire la vulnérabilité des cibles aux attentats, poursuivre les terroristes au-delà des frontières, réfréner la communication et la diffusion des connaissances techniques des terroristes, notamment par le biais d’internet...». Tout ce qui se dit aujourd’hui a déjà été dit, à la virgule près, lors du Conseil de l’Union européenne du 30 novembre 2005 consacré à la stratégie européenne visant à lutter contre le terrorisme.

La nation s’est mobilisée, elle a vibré, elle a clamé son émotion. Mais on n’attend pas l’émotion des pouvoirs publics. On attend des actes et des résultats. La nation a fait son travail, à l’Etat de faire le sien.

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