France

Charlie Hebdo: la photo qui résume les amalgames auxquels font face les musulmans en France

Temps de lecture: 3 minutes - Repéré sur Twitter, Huffington Post

Un montage photo circule sur Twitter, depuis l'attentat meurtrier perpétré contre Charlie Hebdo mercredi 7 janvier, qui montre les amalgames auxquels font face les musulmans en France:

Il présente à droite le policier Ahmed Merabet, de confession musulmane, mort en tentant d'arrêter les terroristes après leur attaque meurtrière, et à gauche un des terroristes, qui l'a abattu d'une balle dans la tête.

Le besoin de clarification n'est tristement pas de trop, étant donné les violences islamophobes qui se multiplient depuis mercredi. Actes criminels ou physiques –attaques de mosquée, aggressions de femmes voilées–, ou psychologiques, comme des injonctions explicites ou implicites.

Le Monde a ainsi publié un article évoquant Samir, qui travaille dans les cuisines d'un lycée de Saint-Germain-en-Laye, dans les Yvelines, et a appris à côté de ses collègues la nouvelle de l'attentat. A ce moment-là, il «se rend compte que le regard de ses quatre collègues se sont mis à le fuir»: «J'ai compris qu'ils attendaient que je parle, pour donner ma position», explique-t-il au journal, parce qu'il est le seul musulman du groupe:

Il se lance. «Ce sont des connards.» Normalement, il aurait longuement expliqué que «ce n’est pas ça, l’islam». Mais là, «j’ai utilisé un mot à eux pour bien qu’ils me comprennent. J’avais l’impression que le monde s’était coupé en deux».

Personne n'a demandé aux non-musulmans de se désolidariser de ceux qui ont tiré ou jeté des grenades sur des lieux de cultes de l'islam, alors que ces demandes faites aux musulmans de se désolidariser des actes terroristes sont constantes. Elles sont même tout à fait explicites dans le débat public, notamment depuis mercredi: par exemple, quelques heures après l'attentat contre Charlie Hebdo, Ivan Rioufol «somme» les musulmans «de bien nous faire comprendre qu'ils n'adhèrent pas», choquant Rokhaya Diallo, musulmane, qui réagit alors:

«Quand j'entends dire qu'on somme les musulmans de se désolidariser d'un acte qui n'a rien d'humain, oui, effectivement, je me sens visée. J'ai le sentiment que toute ma famille et tous mes amis musulmans sont mis sur le banc des accusés [...] Est-ce que vous osez me dire, ici, que je suis solidaire? Vous avez vraiment besoin que je verbalise? Donc, moi, je suis la seule autour de la table à devoir dire que je n'ai rien à voir avec ça»

Philippe Val, ancien directeur de Charlie, voulait lui aussi qu'on entende en France l'équivalent du «#NotInMyName» (pas en mon nom), lancé par certains musulmans britanniques après les exécutions d'otages par l'Etat Islamique. 

Un dessin rappelle cette double-peine que subissent les musulmans, qui sont les premiers dans le monde à mourir des actes terroristes et les premiers à être stigmatisés:

Dans une tribune au Huffington Post, la franco-syrienne Leila Alouf raconte:

«Pour la première fois de ma vie ce matin, j'ai eu peur de sortir de chez moi. Peur que ce que je porte sur la tête soit la cible de ceux qui, tout comme les auteurs de cet attentat, ne sont que les pantins d'un fanatisme injustifiable qui cherche à se justifier par n'importe quelle occasion.»

#VoyageAvecMoi

Dès mercredi, le hashtag #VoyageAvecMoi a été lancé par la comédienne et réalisatrice Amandine Gay (qui collabore aussi à Slate), et permet à tous de donner leur itinéraire en signalant à ceux qui en éprouveraient l'envie ou le besoin, parce qu'ils portent le voile par exemple, la possibilité de prendre les transports avec eux.

Le Collectif contre l'islamophobie en France, dont la permanence téléphonique reçoit les appels de victimes d'actes islamophobes, a publié jeudi un statut Facebook relevant «des attaques islamophobes en chaîne», et parlant notamment également de deux femmes voilées agressées dans le Val d'Oise. 

Le Collectif appelle toutes les composantes de la société française à «refuser de céder à la panique» et à «résister à la tentation de l'amalgame», s'adressant directement aux musulmans et aux non-musulmans:

«Aux uns, nous voulons dire que les musulmans ne sont ni vos ennemis, ni des êtres malfaisants, ils sont vos compatriotes.

Aux autres, nous voulons leur demander d’être eux-mêmes, de ne pas répondre aux provocations et aux violences, et de saisir le CCIF s’ils y sont confrontés afin de ne pas affronter seuls ces situations.

Enfin, nous saluons tous ceux qui ont compris que ces actes terroristes sont aux antipodes de l’islam et des musulmans, ainsi que les réactions responsables du gouvernement.»

Article actualisé le 11 janvier 2015 à 12h30: nous avons remplacé l'expression impropre «musulmans de France» par «musulmans en France».

 

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