Santé

Rhume: les remèdes naturels prétendant «booster votre système immunitaire» ne marchent pas, et c'est tant mieux

En réalité, vous n'avez ni envie ni besoin de lui donner un coup de pouce. Les explications d'un médecin.

Une touriste chinoise enrhumée, à Francfort en janvier 2012. REUTERS/Kai Pfaffenbach
Une touriste chinoise enrhumée, à Francfort en janvier 2012. REUTERS/Kai Pfaffenbach

Temps de lecture: 4 minutes

Prenez n'importe quelle pharmacie ou n'importe quel rayon «santé» d'une grande surface américaine, surtout à cette saison, et vous tomberez à coup sûr sur un tas de produits prétendant booster naturellement votre immunité. Les études analysant de tels produits montrent qu'ils ne sont rien d'autre que des placebos hors de prix.

Ne pas confondre l'inné et l'acquis

Pourtant, nombreux sont ceux persuadés que ces potions peuvent améliorer leur santé. Des millions de gens tombent dans le panneau d'un marketing en apparence bienveillant –mais au final bien cynique– et vident avec allégresse leurs poches pour autant de poudres de perlimpinpin. Chers croyants (et vous, chers sceptiques à la recherche de nouveaux arguments), réfléchissez à ceci: booster votre immunité est en réalité une très mauvaise idée. Même si ces remèdes et produits préventifs avaient l'effet qu'ils prétendent, ce n'est pas quelque chose dont vous auriez envie.

Nous possédons deux systèmes immunitaires complémentaires: l'inné et l'acquis. L'immunité innée est le réflexe naturel du corps face à toute infection inconnue. L'immunité innée est rapide, puissante et incroyablement non spécifique. Quand elle s'active, nous en connaissons que trop bien les symptômes: fièvre, toux, nez qui coule et courbatures. En un mot: l'inflammation. Et vous comprenez déjà pourquoi l'idée de «booster» cette partie de votre système immunitaire est loin d'être judicieuse.

Qu'on le veuille ou pas, dès qu'un virus pénètre notre corps, l'immunité innée se fait sentir. Et, dans ce cas, les symptômes sont toujours à peu près les mêmes, qu'importe qu'il existe plusieurs centaines de virus responsables du rhume. Avant que votre corps ait déterminé l'identité exacte du nouvel envahisseur, votre immunité innée provoque une poussée de fièvre visant à cuire les microbes, puis génère de la toux et une production de mucus pour que ces sales bestioles retournent d'où elles viennent. Cette réaction au petit bonheur la chance est légèrement utile, excessivement pénible et –c'est là le plus important– n'est pas ce qui anéantit en réalité une infection. 

Le vrai travail de neutralisation d'une infection est du ressort de l'immunité acquise, la branche spécialisée de votre armée immunitaire, dont la formation dure toute votre vie.

Le système immunitaire acquis contient des lymphocytes B et T qui produisent des protéines, les anticorps, et interagissent avec elles afin de s'occuper d'un nombre incroyable d'infections spécifiques. 

Si un petit nombre d'anticorps est transmis de la mère à l'enfant, la grande majorité est produite à la première rencontre d'une personne et d'une infection donnée. Les anticorps qui en résultent sont comme une cache d'armes que stocke votre corps pendant des décennies, dans l'éventualité d'une invasion future.

Avez-vous envie de tousser, d'avoir de la fièvre ou le nez qui coule?

 

Si le corps a été exposé par le passé à un pathogène infectieux (ou qu'il a été vacciné contre celui-ci), le système immunitaire acquis s'en «souviendra» et sera capable de le reconnaître rapidement si une nouvelle infection pointe le bout de son nez.

Dès qu'il est réactivé, le système immunitaire acquis ne synthétise que les bons anticorps, avec une précision et une efficacité stupéfiantes. Assez trivialement, c'est ainsi que les virus les plus communs et les plus bénins se font rayer de la carte, en l'affaire de quelques jours en général. Soit l'une des manifestations les plus brillantes de l'évolution.

La réaction face à de nouveaux virus est à peu près similaire. La seule différence, c'est que le système immunitaire n'a pas de mémoire de ces nouveau virus, et la production des bons anticorps prend donc davantage de temps.

Pendant ce temps-là, le système immunitaire inné s'énerve bien plus longtemps que nécessaire. Si le système immunitaire acquis a déjà fait la guerre et l'ennemi signé sa capitulation, la branche innée n'a pas reçu l'information et continue à batailler dans le vide. Comme nous le savons tous, la toux et le nez qui coule peuvent durer des semaines, même après la plus bénigne des infections virales.

Et voilà pourquoi «booster» votre immunité est une si mauvaise idée. 

Objectif: annihiler notre réaction immunitaire innée

Les remèdes alternatifs et disponibles sans ordonnance en pharmacie ne peuvent stimuler votre immunité acquise. Même les tenants de la pensée magique devront admettre que le seul moyen de le faire est la vaccination –une pratique que les adeptes de la «médecine naturelle» semblent pourtant bouder– ou une transplantation de moelle osseuse[*], une procédure dangereuse, mais nécessaire, utilisée pour traiter certains cancers du sang et qui augmente aussi les cellules du système immunitaire.

L'immunité innée est donc la seule cible potentielle que pourraient avoir ces remèdes prétendant stimuler votre immunité naturelle. Mais qui en a envie? Aux dernières nouvelles, personne ne saute de joie à l'idée de tousser, d'avoir de la fièvre ou le nez qui coule.

Le principal objectif des traitements symptomatiques du rhume consiste à annihiler, et non à stimuler notre réaction immunitaire innée, si grossière et maladroite. Voilà pourquoi nous prenons des antihistaminiques et des médicaments qui font baisser la fièvre.

Et même s'il était possible de donner un coup de fouet à notre immunité naturelle, le concept est fondamentalement malencontreux. Dans les cas les plus extrêmes, une réaction excessive aux infections peut altérer notre système cardiovasculaire, ce qui peut provoquer une septicémie et un choc septique –nos vaisseaux sanguins deviennent trop faibles à cause de l'inflammation générée par, je vous le donne en mille, nos défenses immunitaires innées.

En règle générale, les extrêmes sont mauvais.

La prochaine fois, vous pourrez prendre de l'ibuprofène et des antihistaminiques

 

Un système immunitaire trop actif (c'est le cas, par exemple, des maladies auto-immunes) peut causer des allergies, abîmer les tissus et même provoquer une anaphylaxie. Avec une immunité trop faible, causée par exemple par la chimiothérapie ou le VIH/Sida, vous courez le risque de mourir d'infections dont la plupart des gens se débarrassent sans problème. Nos corps ont évolué vers un équilibre, mais il arrive que notre immunité innée fasse des excès de zèle et mérite d'être remise dans les clous.

Dès lors, la prochaine fois que vous vous sentez patraque, vous devriez peut-être aller voir du côté d'une légère immunosuppression, et pas d'un coup de pouce immunitaire. Des médicaments en vente libre comme l'ibuprofène ou des antihistaminiques pourraient vous aider à aller mieux. Et laissez vos lymphocytes B et T faire le reste du boulot.

Si vous n'êtes pas encore malade, voyez si vous êtes bien à jour de vos vaccinations, notamment le vaccin anti-grippal annuel.

Encore plus important: lavez-vous souvent et soigneusement les mains. Après tout, votre peau est aussi un élément de vos défenses naturelles et celui-ci peut, réellement, être fortifié par une bonne hygiène.

Prenez soin de vous en mangeant équilibré, en faisant attention à votre sommeil et en minimisant le stress. Il est prouvé que de telles interventions permettent à votre système immunitaire de fonctionner au mieux de ses capacités. Ce qui pourrait suffire à «booster» vos chances de ne pas tomber malade cet hiver.

1 — Une première version de l'article indiquait qu'il s'agissait de la moëlle épinière. Des commentateurs nous ont rectifié. Retourner à l'article

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