Société / Monde

Un enseignant allemand condamné pour avoir recouvert des graffitis nazis

Photos de profanations de tombes avec des graffitis nazis, lors d'une exposition à Berlin le 1er août 2007. REUTERS/Fabrizio Bensch
Photos de profanations de tombes avec des graffitis nazis, lors d'une exposition à Berlin le 1er août 2007. REUTERS/Fabrizio Bensch

Temps de lecture: 2 minutes - Repéré sur Berliner Zeitung, Rhein Zeitung, Der Spiegel

991,55 euros. C'est le montant de l'amende que devra verser un enseignant allemand de 52 ans, qui vient d'être condamné, rapporte le quotidien Berliner Zeitung. La justice reproche à Ralf Bender d'avoir recouvert à la bombe de peinture des croix gammées taguées sur les murs de Limbourg, une petite ville des environs de Francfort.

Militant au SPD (le parti social-démocrate allemand), Ralf Bender a l'habitude depuis des années d'arracher les autocollants aux slogans racistes laissés par des néonazis dans les rues de la ville. Il dit n'avoir jamais tagué un mur avant ce jour où il a été pris en flagrant délit par la police locale, qui a porté plainte contre lui au motif que le nettoyage de la peinture était très onéreux. L'enseignant ne compte pas en rester là et a déclaré vouloir faire appel du jugement.

De son côté, la section locale du SPD a salué son engagement et lancé un appel aux dons pour payer l'amende. Comme l'explique le responsable communal Tobias Eckert au quotidien local Rhein Zeitung:

«Il est inacceptable que des centaines d'écoliers passent chaque jour devant ces graffitis lourds de sens.»

Cette décision de justice peut surprendre dans un pays où les graffiti nazis, en plus de réveiller les fantômes du troisième Reich, ont été à l'origine d'une vague de panique à la fin des années 1950, comme le rappelle l'hebdomadaire Der Spiegel. Le soir de Noël 1959, deux jeunes Allemands écrivent «les Allemands exigent le départ des juifs» sur les murs de la synagogue de Cologne et tracent des croix gammées à la peinture rouge. Quatorze ans après la fin de la Seconde guerre mondiale, cette action choque profondément les Allemands. L'apprenti boulanger Arnold Strunk et son comparse Paul Schönen sont condamnés à dix et quatorze mois de prison. Mais la vaste médiatisation de l'affaire a eu des conséquences inattendues:

«La date de leur action a assuré à Strunk et Schönen une grande visibilité –et des centaines d'imitateur: en l'espace d'un mois, les autorités ouest-allemandes enregistrèrent près de 500 dégradations semblables, et des inconnus profanèrent aussi des tombes et des édifices religieux juifs dans d'autres pays. Une grande partie de la presse étrangère et des dizaines de milliers de manifestants dans le monde entier se mirent rapidement à penser que l'Allemagne, c'était toujours les nazis.»

Ces profanations ont fait couler tant d'encre et soulevé tant de protestations que Konrad Adenauer, alors chancelier, s'est adressé en personne à la radio allemande le 16 janvier 1960, exhortant même ses concitoyens à faire usage de violence au cas où ils se trouveraient en présence des auteurs des graffitis racistes:

«Si vous attrapez un goujat quelque part, accomplissez la sanction sur place et donnez lui une raclée. C'est la sanction qu'il mérite.»

Les auteurs de ces profanations n'étaient pas d'anciens nazis comme l'avaient d'abord supposé les autorités allemande, qui avaient lancé une enquête au sein du parti d'extrême droite DRP dans l'optique de le faire interdire, mais majoritairement des jeunes hommes de moins de trente, dont plus de la moitié étaient mineurs, et étaient donc nés après la guerre.

Quelques mois après cette affaire, le Bundestag a voté une loi condamnant l'incitation à la haine raciale. Bien que le DRP n'ait finalement pas fait l'objet d'une dissolution forcée, il s'est finalement dissout lui-même en 1965, après que le Land de Rhénanie-Palatinat a prononcé son interdiction au motif que le parti était le successeur de l'organisation illégale Sozialistische Reichspartei.

cover
-
/
cover

Liste de lecture