Culture

«White God», et un chien vivant après elle

Un chien qui court dans la ville, c’est beau. Du moins lorsque c’est Kornél Mundruczó qui le filme. 

«White God», de Kornél Mundruczó
«White God», de Kornél Mundruczó

Temps de lecture: 2 minutes

Très tôt, cette sensation visuelle, plastique, dynamique, s’impose comme une évidence. Evidence à la fois nécessaire et suffisante à l’existence de ce White God au titre incompréhensible –sinon l’assonance God/Dog suggérant un sens plus vaste, voire métaphysique, à cette histoire centrée sur une adolescente et son gros chien, exclu par la famille et la société, dressé pour tuer et qui revient en Spartacus canin. Mais rien de commun avec le White Dog de Samuel Fuller.

Sens plus vaste? Métaphysique? A l’issue de la projection, les diverses significations de l’histoire de la jeune Lili, larguée par sa mère chez un père qui ne sait que faire d’elle en compagnie du gros chien qui a toute sa tendresse n’est assurément pas ce qui importe le plus. 

La question du racisme

La parabole sur le racisme et la xénophobie, sujet d’une sinistre actualité dans la Hongrie d’aujourd’hui comme dans les pays environnants, est sans doute le thème du film, mais une fois acté ce que signifie, littéralement et métaphoriquement, la traque systématique des chiens par les autorités soutenues par la majorité de la population, il est clair que la puissance du film réside ailleurs, aussi légitime soit ce thème.

De même ni la question du fossé des générations, ni le classique roman d’apprentissage de l’existence par une jeune fille n’auront grande importance. Et à peine davantage ce qui se trame d’un peu mystérieux, d’un peu complexe dans ce qui semble être la seule activité régulière de Lili, la pratique de la musique dans un orchestre, microcosme où s’affrontent et s’associent discipline de fer, élan passionné et quête de l’harmonie.

Car c’est bien du côté des sens, et des sensations, que se joue la véritable réussite de ce film. Kornél Mundruczó possède un sens puissant et attentif du cadre, du rythme, de la distance. Il filme aussi bien le visage et le corps, singulièrement peu classiques, de la jeune interprète de Lili, Zsófia Psotta, que la course solitaire d’un grand clébard dans les rues, ou une meute de chiens transformés en armée rebelle mettant la ville à sac. Filmant Budapest à hauteur de labrador, il redécouvre les humains avec une acuité impressionnante. L’énergie semble couler comme un fleuve aux multiples bras dans la ville transformée successivement en prison à ciel ouvert, en terrain de recherche, en lieu onirique, en champ de bataille.

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Cet apport musical au motif principal, la quête de son chien à travers la ville où les bâtards sont traqués pour être enfermés et tués, puis la révolte des chiens, est rendu plus singulier par le choix de l’instrument dont joue l’héroïne, trompette inattendue et tour à tour comique, enfantine, martiale, ou sublime.

Cette force cinématographique permet à Mundruczó de passer sans difficulté d’une histoire pas si loin de Disney type Quatre pattes dans l’aventure au film d’horreur façon Stephen King (Cujo), puis à son propre dépassement de ces références à la fois présentes et tenues à bonne distance. Plus les mois s’écoulent, déversant peu sur les grands écrans de nos villes ce qui fut présenté quasi-simultanément durant le dernier Festival de Cannes, plus on se dit alors qu’arrive ce White Dog lauréat de la section Un certain regard qu’il fallut des esprits singulièrement chagrins pour trouver «moyenne» une édition qui réunissait des œuvres allant de Sils Maria à Still the Water, de Saint Laurent à P’tit Quinquin et à L’homme qu’on aimait trop, de Mommy à Adieu au langage, de Party Girl et Geronimo à La Chambre bleue, à Bird People et à L’Institutrice, sans oublier Mercuriales… Et ce n’est pas fini, on attend Eau argentée, Timbuktu, Charlie’s Country, FLA, Le Challat de Tunis… 

White God 

De Kornél Mundruczó avec Zsófia Psotta, Sàndor Zsótér, Lili Monori. 

Durée: 1h59 | Sortie le 3 décembre.

 

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