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Peut-on encore sauver Android, le Googlephone?

Tout n'est pas perdu pour faire tomber l'iPhone de son perchoir: voici comment on peut sauver le Google Phone.

Temps de lecture: 5 minutes

J'ai longtemps chanté les louanges d'Android, le système d'exploitation open source et mobile et Google. Il vous offrait tout ce que vous attendiez d'un smartphone - une interface intuitive et stylée, avec des super programmes pour les e-mails, le web, et pour organiser votre vie. En effet, sur le papier, Android semble le meilleur système d'exploitation mobile du marché. Il est livré avec plus de fonctionnalités que le BlackBerry ou Windows Mobile, la flexibilité en plus, et parce qu'il fonctionne sur différents téléphones (et même sur certains ordinateurs), il promet d'être largement plus disponible que le Palm Pre. En théorie, Android est même un sérieux concurrent pour l'Iphone d'Apple, livré avec des restrictions et des complications - Apple et AT&T font passer les développeurs à travers de nombreux et inutiles obstacles s'ils veulent voir leurs logiciels sur le téléphone. Android, par contre, offre aux développeurs une plateforme largement ouverte pour leurs extensions - un système qui, vous l'espérez, créera une énorme et inégalée bibliothèque d'applications pour les téléphones Android.

Mais tout cela n'est vrai qu'en théorie. Dans la réalité, l'iPhone et le Blackberry dominent les ventes. Selon le cabinet d'analyses Canalys, l'iPhone approche les 14% de parts de marché, et le BlackBerry 21 %. Android: 3%. Vous pouvez dire que ce n'est pas si mal - après tout, le premier téléphone Android est sorti cet automne, plus d'un an après la mise sur le marché du premier iPhone. De plus, plein de nouveaux appareils Android sont sur le point d'être lancés, la plateforme est donc obligée de multiplier le nombre de ses utilisateurs. Que la part de marché du Google Phone croisse aussi vite que celle de l'iPhone reste pourtant de l'ordre de l'improbable - selon Canalys, l'usage de l'iPhone a explosé la barre des +600% l'an dernier.

Rendre Android «cool»

Car Android ne fait pas que courir derrière les ventes d'Apple. La plateforme est aussi dépourvue de ce que vous pourriez définir comme «l'état d'esprit» de l'iPhone. Même si elle est bien plus accueillante pour développeurs, Android n'a pas, de loin, réussi à rattraper les applications dont le nombre déborde aujourd'hui de l'iPhone. Le marketing omniprésent d'Apple et son incomparable design industriel ont fait de l'iPhone un accessoire de mode indispensable. Android tombe dans le même trou que le SanDisk Sansa, Creative Zen, le Zune, et tous ces autres lecteurs MP3 - des appareils qui sont moins chers et techniquement tout aussi similaires de l'iPod mais que personne ne voudrait mettre sur sa liste de cadeaux de Noël.

Qu'est-ce qui, exactement, plombe l'OS mobile de Google? Peut-on le sauver? Le blogueur John Gruber a récemment rassemblé ces questions dans un brillant essai qui, je l'espère, sera lu par Google. Pour Gruber, Google a eu tort de donner aux fabricants et aux opérateurs une telle latitude concernant l'apparence et le marketing des téléphones Android. Il n'existe pas de «Google Phone» idéal - mais des appareils Android aux noms bien spécifiques, tels le T-Mobile G1 ou le myTouch 3G, tous vendus séparément avec des capacités et des défauts distincts. De plus, les fabricants de coques manquent d'ambition — aucun d'entre eux ne semble chercher à égaler les capacités de l'iPhone, sans parler de nous mettre KO avec des fonctionnalités qui surpasseraient celles de l'appareil d'Apple.

L'ouverture, on s'en fout

L'iPhone a maintenant deux ans, fait remarquer Gruber. Ce qui était excitant et neuf relève aujourd'hui du domaine public. Un fabricant de téléphone pourrait très bien concevoir un appareil Android  haut de gamme qui éclipserait le téléphone d'Apple sur, au moins, quelques secteurs - une meilleure durée de vie de la batterie, un navigateur Web bien supérieur, un écran plus lumineux ou plus large, des commandes plus rapides ou plus fonctionnelles... quelque chose pour qu'Android crée l'envie de gadget. Mais, jusqu'à aujourd'hui, tout est resté lettre morte.

Ce qui est extraordinaire, c'est que, visiblement, Google ne fait pas grand chose pour résoudre ce problème. Le premier argument de vente d'Android est son «ouverture» - à chaque fois que Google nous dit pourquoi nous aurions besoin d'un autre OS mobile, la compagnie souligne un besoin de plateforme complètement ouverte, qui permettrait aux développeurs de s'émanciper et de s'exprimer d'une manière impossible sur les autres téléphones. C'est un objectif merveilleux ; je me suis souvent insurgé contre le modèle de développement d'application d'Apple et ses verrous. Mais, pour Google, l'ouverture semble suffisante pour réussir - et c'est visiblement faux. Vous n'avez pas à seulement regarder l'iPhone vous comprendre que les gadgets fermés fonctionnent très bien sur le marché. Voyez, par exemple, l'iPod. Jusqu'à peu, vous ne pouviez acheter de musique pour votre iPod que via Apple, et quand vous en achetiez, vous n'aviez pas la permission de l'écouter sur d'autres appareils. Les barjots du droit en ligne, comme moi, ont souvent déploré ces restrictions. Mais le reste du monde continuait à s'arracher l'iPod. En d'autres termes, l'ouverture, on s'en fout.

Bing vs Kanye West, Mac vs PC

La même chose est en train d'arriver à Android. L'ouverture de la plateforme est certainement du pain béni pour les développeurs. Vous pouvez soumettre une application à l'Android Store et la voir apparaître sur les téléphones des consommateurs quasi instantanément - ce processus met des semaines, voire des mois avec l'iPhone. Le problème, c'est que même s'il est facile pour les développeurs de concevoir des applications pour Android, ils n'ont pas tant d'intérêt que ça à le faire. Comme l'iPhone est synonyme de consommateurs voraces et nombreux, ça vaut le coup d'attendre toutes ces semaines pour voir son programme disponible dans l'Apple Store. Sans super téléphones — et donc sans tout un tas de consommateurs — les développeurs n'ont pas trop de raison de se faire suer à coder des programmes pour les voir terminer dans une autre boutique d'applications mobiles.

Ce n'est pas trop tard pour Android. Mais si Google ne veut pas que sa plateforme devienne un énième échec commercial, il lui faut allouer bien plus de ressources à son univers mobile. En plus de l'appel de Gruber pour des Android Phones haut de gamme, je leur conseillerais d'imaginer une énorme campagne pub faite pour montrer qu'Android est cool. Les téléphones sont des objets sociaux; ils vivent et meurent au gré des perceptions culturelles, dans ce que nous pensons qu'ils peuvent faire pour notre style. Heureusement pour Google, ce genre de perception n'est pas gravée dans la roche - elle est plutôt malléable, et un usage judicieux de la publicité peut facilement transformer le dernier des péquenots en latin lover. (Voyez comme un budget de 100 millions de dollars fonctionne pour Bing!).

Montrez-nous Kanye West nous expliquer comment cette géniale application d'Android a changé sa vie et sa liste de courses. Montrez-nous des produits Android dans des films et des séries télé. Montrez-nous des pubs dans des magazines qui s'extasient devant un magnifique téléphone Android.

Du neuf

Google pourrait même se lancer dans une campagne du genre Mac vs PC qui listerait tous les avantages de son téléphone sur celui d'Apple — comment Android s'intègre parfaitement avec Gmail ou d'autres applications Google, par exemple. Vous souvenez-vous de cette campagne pour Chemistry.com qui accueillait à bras ouverts tous les clients exclus de eHarmony, un site de rencontres rival? Android pourrait faire de même avec les développeurs d'applications. Que diriez-vous d'un spot de pub pour Android où l'on verrait Sean Kovacs, dont l'application GV Mobile a été interdite sur l'iPhone parce qu'elle utilisait Google Voice? Ou Alex Sokirynsky, créateur d'un programme appelé Podcaster, permettant de télécharger des podcasts! Bref, faire que tous ceux qui se sont faits refouler par Apple parlent librement... Je sais que ce genre de campagne n'est pas du goût de Google. Et alors? Il serait temps d'essayer quelque chose de neuf.

Farhad Manjoo

Image de une, image officielle de Android / Google.

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