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Klaus Iohannis, le nouveau président roumain: un «Allemand» qui veut faire de la Roumanie un pays «normal»

Les électeurs ont voulu protester contre la corruption qui mine l'Etat, mais aussi contre la pauvreté d’un pays à la traîne dans l’Union européenne.

Klaus Iohannis célèbre sa victoire, le 16 novembre 2014 à Bucarest. REUTERS/Radu Sigheti
Klaus Iohannis célèbre sa victoire, le 16 novembre 2014 à Bucarest. REUTERS/Radu Sigheti

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En élisant Klaus Iohannis à la présidence de la République, dimanche 16 novembre, les Roumains ont manifesté leur rejet des vieux caciques de la politique, héritiers de l’ancien régime. Au deuxième tour de l’élection présidentielle, ils ont voté à plus de 55% pour un homme qui représente à lui tout seul deux minorités du pays: Klaus Iohannis fait partie de la petite communauté d’origine allemande en Roumanie (36.000 personnes, soit moins de 0,3% de la population) et il est de confession luthérienne dans un pays à majorité orthodoxe.

C’est une rupture en Roumanie.

Depuis la révolution de palais qui mit fin au régime policier du couple Ceausescu en décembre 1989, la nomenklatura post-communiste avait réussi à contrôler le pouvoir même si une forme d’alternance sauvait les apparences de la démocratie. Le Premier ministre, Victor Ponta, est membre du Parti social-démocrate qui a succédé au Parti communiste. Au premier tour, qui a eu lieu le 2 novembre, il était arrivé largement en tête des quatorze candidats alors en lice. Avocat, spécialisé dans les affaires de corruption, il est réputé pour ne pas avoir été très regardant sur ses fréquentations. Il était soupçonné de vouloir reprendre en main la justice après avoir nommé une jeune femme tenace à la tête de l’administration anticorruption (DNA) qui a pris son rôle trop au sérieux. De nombreux anciens cadres du parti au pouvoir ont été convoqués.

Klaus Iohannis doit son succès à la forte mobilisation des électeurs. La participation a augmenté entre les deux tours. Les jeunes se sont particulièrement mobilisés et les Roumains de l’étranger ont pu voter plus facilement qu’au premier tour où les consulats se sont laissé déborder par l’afflux des électeurs. L’opposition libérale soupçonnait les autorités d’avoir sciemment organisé le désordre.

Une campagne haineuse

Le nouveau président a bâti sa réputation d'«Allemand» dans sa ville de Sibiu (Hermannstadt en allemand) dont il est maire depuis quatorze ans. Réélu trois fois, il s’est attaché le soutien de ses administrés en transformant la ville, en attirant les investisseurs étrangers et en mettant de l’ordre dans une administration chaotique. Les ordures sont ramassées, les salaires sont payés, la ville s’est embellie, le clientélisme a été limité sinon éradiqué. «En Europe, Klaus Iohannis passerait pour un homme politique normal. En Roumanie, c’est une exception», dit une politologue roumaine.

Entre les deux tours de l’élection présidentielle, une campagne haineuse a été déclenchée contre cet élément perturbateur. Vilipendé comme un «étranger» –il est né en Roumanie et sa femme est roumaine– et un espion séparatiste, il a été accusé d’avoir vendu des enfants à des trafiquants d’organes et d’avoir utilisé l’argent public à des fins personnelles, notamment pour acquérir de l’immobilier. Mais ses accusations n’ont pas réussi à entamer sa bonne réputation.

Klaus Iohannis pourra-t-il réussir pour la Roumanie ce qu’il a fait à Sibiu? Dans un premier temps, il devra cohabiter avec son adversaire de l’élection présidentielle, Victor Ponta, qui reste Premier ministre avec une majorité social-démocrate au Parlement. Il devra aussi répondre aux aspirations de ses électeurs. Ceux-ci ont non seulement protesté contre la corruption qui met l’Etat en coupe réglée mais contre la pauvreté d’un pays à la traîne dans l’Union européenne. La tâche de Klaus Iohannis s’apparente à une gageure: faire de la Roumanie un pays européen «normal».

Mise à jour: comme nous l'a fait remarquer un internaute, Victor Ponta n'était pas le président sortant, mais bien, comme nous l'écrivions par la suite le Premier ministre. Le président sortant était Traian Băsescu. Toutes nos excuses.

 

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