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Archéologie moderne: des jeux vidéo Atari déterrés et vendus aux enchères sur eBay

Les jeux en vente sur Ebay.
Les jeux en vente sur Ebay.

Temps de lecture: 2 minutes - Repéré sur Archaeogaming

Ce n’était pas une légende. Des centaines de milliers de jeux vidéo Atari étaient bien enfouis depuis 1983 dans le sol d’une décharge d’Alamogordo, au Nouveau Mexique. En avril, une équipe a déterré pas moins de 1.300 jeux, mais aussi 2.600 consoles, manettes de jeux et claviers. Depuis le 4 novembre, la ville d’Alamogordo a mis aux enchères sur eBay une centaine de ces trouvailles, relate Alamogordonews.

Pour les trouver, il suffit de chercher «Atari dig» sur le site d’enchères. Alamogordo ne garantit pas que les produits en vente soient en état d’usage, mais ils sont numérotés et fournis avec un certificat d’authenticité de la ville, qui raconte l’histoire de leur enfouissement et de leur redécouverte.

On ignore pourquoi Atari s’est débarrassée de ces biens, d’autant que les documents recueillis auprès des cadres de l’entreprise nient ce nettoyage par le vide, selon Joe Lewandowski, de la société d’histoire du bassin de Tularosa. Selon lui, le créateur du jeu Atari E.T. l’extra-terrestre, Howard Scott Washaw, était même convaincu que son jeu avait été recyclé jusqu’à ce qu’il le voie déterré. La décharge du Nouveau Mexique n’est pas le seul endroit où l’on peut se procurer d’anciens produits Atari, mais le mystère qui l’entoure leur donne une valeur financière, selon l’archéologue Andrew Reinhard.

Sur son blog, Archaeogaming, il estime que cette situation pose le problème de la capitalisation de l’archéologie. Certes, Atari ne peut plus prétendre à quoi que ce soit concernant le matériel dont elle s’est débarrassée:

«La ville possède le terrain et la vieille décharge, qui a fermé dans les années 1990. En jetant ses produits dans la décharge Atari Inc. a lâché les droits sur le matériel, et les cartouches [...] sont passées de biens de consommation à ordures numériques.»

Mais pour lui, le fait qu’Alamogordo s’approprie ces objets pour faire du profit est discutable, même si l’ensemble de l’opération s’accompagne d’un prétexte de documentation:

«Notre présence en tant qu’archéologues à ce qui aurait autrement été un “vol” a (peut-être) prêté de la légitimité à l’opération, puisque nous avons tenté de donner un sens au dépôt des ordures, à la stratigraphie des ordures et du sable, et aux effets des jeux sur l’environnement et de l’environnement sur les jeux. [...]»

Il explique qu’avant la Convention de 1970 sur le trafic illicite des biens culturels, les archéologues étaient libres de choisir ce qu’ils voulaient faire des objets trouvés, à la seule condition de verser une contribution financière à l’Etat. Mettre aux enchères ces jeux anciens, insiste-t-il, revient à la fois à les déprécier et à donner une valeur différente au travail archéologique: certains pourraient être tentés d’entamer des fouilles uniquement pour en retirer de l’argent.

La ville envisage d’ailleurs déjà de mettre en vente entre 450 et 800 produits supplémentaires issus de la décharges, si les ventes sont un succès, selon Joe Lewandowski.

Au-delà de cet aspect financier, le fait même de disséminer ces indices du passés entre des collectionneurs particuliers est peut-être une erreur d’un point de vue archéologique, explique Andrew Reinhard. Au mieux, cela complique les choses pour les futurs chercheurs, au pire, cela les prive de certaines informations:

«C’est un héritage culturel numérique. Ce sont aussi des ordures. Mais il en est ainsi de beaucoup de choses qu’utilisent les archéologues “traditionnels” chaque saison. C’est de la vieille camelote, mais ça nous raconte quelque chose».

Plus optimiste, le site Rainford Guns considère que la mise aux enchères sur un site Internet peut aussi constituer un support d’étude intéressant:

«Les chercheurs pourraient aussi considérer la présentation des produits sur eBay comme génératrice de nouvelles significations et de nouvelles valeurs. Nous pourrions même nous demander: que deviennent ces objets à l’intérieur de cet espace? [...] Sont-ils des curiosités archéologiques? [...] le “saint Graal” pour un collectionneur privé [...] ? en chemin pour devenir des “objets de musée ?” [...]»

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