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Les Afghans ont voté, mais rien n'est règlé

Un deuxième tour créerait un vide politique pendant huit semaines et même une victoire au premier tour devra être acceptée par tous ce qui est loin d'être assuré.

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Entre 40% et 50% environ de taux de participation selon la commission électorale, des fraudes plus ou moins importantes sur l'ensemble du pays, officiellement 26 morts et peut-être beaucoup plus avec de multiples incidents et explosions, l'élection présidentielle afghane a eu lieu comme prévu et le gouvernement afghan comme la communauté internationale s'en réjouissent déjà.

Cette dernière n'a pourtant pas vraiment de raison de louer un scrutin qui a eu lieu dans des conditions de sécurité beaucoup plus mauvaises qu'en 2004, qui n'a pas même attiré la moitié des inscrits et dont le déroulement serait considéré comme frauduleux dans n'importe lequel des pays dont les troupes sont présentes en Afghanistan.

Huit ans après l'instauration du nouveau régime toujours porté à bout de bras par la communauté internationale, les Afghans ont voté mais ils ont aussi par leur niveau d'abstention souligné qu'ils n'étaient pas dupes d'un processus qu'on leur présente comme démocratique alors qu'il ne répond en rien à leurs aspirations. Pour le premier scrutin présidentiel en 2004, plus de 70% des inscrits avaient pris part au vote. En 2005, les élections législatives n'avaient déjà plus attiré que 55% des inscrits, les électeurs potentiels faisant déjà part de leur désenchantement.

En l'absence d'indications officielles crédibles, les représentants des deux principaux candidats, le président sortant Hamid Karzai et l'ex ministre des affaires étrangères le Dr Abdullah affirment chacun que leur poulain a gagné.

«Les résultats initiaux montrent que le président a une majorité. Nous n'irons pas à un second tour» a affirmé à l'agence Reuters Deen Mohammad, le directeur de campagne du président sortant. «Selon nos observateurs dans les bureaux de vote le Dr Abdullah a gagné avec 63% des voix contre 31% à Hamid Karzai» a répliqué le porte-parole du Dr Abdullah, Fazl Sangcharaki. Le président Karzai pourrait toutefois avoir du mal à éviter un second tour compte tenu du faible taux de participation dans les zones pashtounes où l'influence des talibans est la plus grande. Toutes les indications recueillies dans le sud afghan montrent que le taux de participation a été très faible alors qu'au contraire dans les provinces du nord plus favorables au Dr Abdullah les électeurs se sont mobilisés et ont voté.

Pour éviter un deuxième tour, le candidat vainqueur doit obtenir 50% des suffrages. Un deuxième tour qui ne pourrait être organisé qu'environ dans huit semaines compte tenu du Ramadan qui commence ces jours-ci poserait outre d'énormes problèmes logistiques et financiers un problème de vide politique. Déjà l'attente de l'annonce des résultats officiels en principe début septembre va donner lieu à de multiples accusations et contre accusations qui ne peuvent que renforcer dans l'esprit des Afghans les doutes sur la crédibilité du processus.

Le défi de l'annonce des résultats sera de faire accepter par tout le monde le vainqueur et en particulier d'éviter ce qui pourrait très vite devenir un affrontement ethnique entre les partisans pashtouns du président sortant Karzai et les fidèles tadjiks du Dr Abdullah. Au delà, le nouveau président quel qu'il soit sera à la tête d'un pays en guerre, ethniquement divisé, totalement sous développé malgré les progrès accomplis depuis 2001 et dont le budget est à environ 90% fourni par l'étranger. Dans ces conditions il lui sera difficile d'assurer à la fois la bonne gouvernance et le développement, indispensables pour obtenir le soutien de la population.

Françoise Chipaux

Lire également: Les sondages afghans sont-ils fiables?, La grande désillusion des Afghans et Pour Obama, la guerre en Afghanistan est une nécessité.

Image de Une: Dans un bureau de vote à Kandahar   Reuters

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