Temps de lecture: 3 minutes - Repéré sur Libération, Le Monde, Le Nouvel Observateur, Les Échos, AFP (via Le Figaro)
Le PDG de Total, Christophe de Margerie, est mort, lundi 20 octobre, à l'âge de 63 ans dans le crash de son avion privé à l'aéroport de Vnoukovo, à Moscou, qui a fait au total quatre victimes. L'accident a été causé par un choc au décollage au niveau du train d'atterrissage avec une déneigeuse, dont le conducteur était ivre, le tout dans de mauvaises conditions climatiques. Selon la presse russe, le dirigeait revenait d'une réunion avec le Premier ministre Dmitri Medvedev.
Plusieurs médias (Libération, Le Monde, Le Nouvel Observateur, Les Échos, l'AFP...) ont republié à cette occasion des portraits qu'ils avaient consacré à Christophe de Margerie. Ils permettent de dessiner, en quelques mots-clés, la carrière d'un patron atypique qui faisait partie des plus connus du CAC 40.
Moustache. Sa première caractéristique aux yeux du grand public et donc des médias, cette «cultissime moustache» (Le Nouvel Observateur) de «colonel anglais» (Les Echos). Qu'elle «frisotte» simplement (Libération) ou lui vaille une description en «officier de l'armée britannique des Indes qui aurait gardé cette curieuse moustache en pétard comme seul souvenir de son passage au service de Sa Majesté» (Le Monde), elle attirait le regard des médias et lui avait valu en interne le surnom de «Big Moustache».
Dynastie. Christophe de Margerie descendait «d'une dynastie qui a pourvu la France d'ambassadeurs et de chefs d'entreprise», écrivait Le Monde. Son père adoptif, Pierre-Alain Jacquin de Margerie (son père biologique était un ancien militaire), a longtemps été à la tête de ce qui allait devenir Axa et appartenait à une famille bien pourvue en diplomates. Sa mère, Colette Taittinger, était la fille du fondateur de la maison de luxe. Christophe de Margerie avait notamment été le témoin de mariage de sa cousine Brigitte Taittinger avec Jean-Pierre Jouyet, dont le témoin était François Hollande.
Études. En 2009, nous présentions Christophe de Margerie comme un patron hors du «cercle très restreint de dirigeants issus des mêmes écoles et des mêmes réseaux». Il n'était pas membre des grands corps d'État qui permettent de faire carrière dans le CAC 40 et plus spécialement chez Total (Polytechnique, en l'occurrence) puisqu'il était diplômé de Sup de Co Paris. Et aimait raconter qu'il était rentré chez Total «par hasard» en 1974 parce que le siège du groupe pétrolier était proche de son domicile du XVIe arrondissement. «On m'a dit: tu as fait le plus mauvais choix, Total aura disparu dans quelques mois», racontait-il au Monde. À ses débuts chez Total, racontent les Échos, il était même syndicaliste, à la CGC.
Négociateur. C'est sans doute sa qualité professionnelle la plus souvent citée dans les portraits. «Dans le cadre d’une négociation, Christophe comprend très vite les attentes de ses interlocuteurs. C’est presque inné chez lui, il fait preuve d’une véritable curiosité à l’égard des autres cultures, des autres civilisations», racontait aux Échos son prédécesseur Thierry Desmarest. L’ancien ministre des Affaires étrangères Hubert Védrine jugeait Margerie «au même niveau que les meilleurs du Quai d’Orsay».
Alcools fins. En mars dernier, le Nouvel Observateur avait rencontré le PDG de Total dans son bureau de la Défense en fin de journée, une bouteille de vodka à la main: «Mais non ce n'est pas de l'éther! Elle a du goût, c'est la meilleure. C'est la Beluga!» En déplacement, l'homme d'affaires aimait, racontent Libération et Les Echos, proposer à ses collaborateurs et aux journalistes «de déguster [...] un whisky hors d’âge à 3 heures du matin», avec une préférence pour le Lagavulin, le tout «en lâchant quelques histoires grivoises».
Realpolitik. Les relations de Total avec des régimes autoritaires ont régulièrement suscité la critique, notamment en Birmanie, où le groupe a été accusé de complicité d'esclavage avec la junte. Récemment, ce sont celles entretenues par le groupe avec la Russie de Vladimir Poutine, qui représente 10% de son chiffre d'affaires, qui attiraient le regard, en pleine guerre de Crimée. Des relations que Margerie assumait sans complexe: la Crimée, pour la Russie, «c'est l'Alsace-Lorraine», déclarait-il en mars au Nouvel Observateur, lâchant que les sanctions contre Moscou «ne servent à rien et ne feront que pousser les Russes et les Chinois à mieux coopérer sur le dos de l'Europe».
Affaires. En décembre 2006, Christophe de Margerie avait passé plus de 24 heures en garde à vue dans le cadre d'une affaire de corruption avec l'Iran, qui devait arriver en procès à l'automne. «La légende veut que, enfermé dans les sous-sols du Palais de Justice dans le cadre d'une information pour corruption, Christophe de Margerie se soit mis à aboyer... puisqu'il estimait être traité comme un chien!», écrivait le Nouvel Observateur. Le dirigeant avait aussi été mis en cause dans l'affaire «pétrole contre nourriture» en Irak avant de bénéficier d'une relaxe en 2013, après huit ans de procédure.
Image. Au fil des années, l'image de Total avait successivement souffert des affaires Erika et AZF, des affaires birmane, irakiennes ou iraniennes ou encore des restructurations réalisées en période de profits records. En mai 2009, Christophe de Margerie avait donc eu, raconte Libération, une idée originale:
«Lancer une grande campagne avec distribution gratuite de paillassons siglés Total sur lesquels les Français pourraient s’essuyer les pieds à loisir et décharger ainsi leur agressivité contre le groupe pétrolier. Son service de communication n’a pas apprécié, il a remballé.»