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Pour Obama, la guerre en Afghanistan est une «nécessité»

Les élections du 20 août sont un enjeu majeur pour Karzai, pour la coalition et pour les talibans.

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Le regain de tension en Afghanistan à la veille de l'élection présidentielle et des élections provinciales du jeudi 20 août était prévisible. Depuis des mois déjà, les talibans sont passés à l'offensive et les scrutins sont pour eux l'occasion d'une démonstration de force. Ils perturbent une consultation censée prouver que le pays est sur la voie de la démocratie et terrorisent une population qui a de moins en moins confiance dans les soldats internationaux supposés les protéger.

L'attentat de samedi 15 août à proximité du QG de l'OTAN, qui a fait 7 morts et 90 blessés, puis la roquette lancée, mardi 18 août, contre le palais présidentiel sont les manifestations les plus spectaculaire de cette activisme. Mais ces actions spectaculaires ne doivent pas faire oublier que les talibans ont tendance à gagner du terrain partout en Afghanistan, en dehors du Sud pashtoun, dans des régions comme l'Ouest et le Nord, où ils étaient traditionnellement peu implantés. Le général américain Stanley McChrystal, nouveau commandant de l'ISAF, la force internationale de stabilisation, vient de le reconnaître.

Les Occidentaux, qui peuvent se prévaloir en l'occurrence du soutien quasi-unanime de la communauté internationale, ne peuvent pas perdre cette guerre, mais peuvent-ils la gagner? C'est la question qui, ouvertement ou à mots couverts, agite toutes les chancelleries. Après les attentats du 11 septembre 2001, les Etats-Unis, avec l'approbation du Conseil de sécurité des Nations unies, se sont lancés dans l'opération «Liberté pérenne» (Enduring Freedom) pour chasser du pouvoir les talibans accusés d'héberger les terroristes d'al Qaida. Une force internationale, qui compte aujourd'hui près de 100 000 hommes, a été constituée avec l'OTAN. Elle était destinée à stabiliser et à reconstruire l'Afghanistan, ravagé par vingt ans de combats, d'abord contre l'armée soviétique, puis entre les chefs de guerre afghans, enfin contre les «étudiants en théologie» qui imposaient la loi islamiste.

Déjà, vers la fin de la présidence de George W. Bush, les Etats-Unis ont réduit leurs ambitions. Il ne s'agissait plus de transformer l'Afghanistan - ce «tombeau des empires» -- en une démocratie de type occidental mais d'empêcher qu'il ne redevienne un repaire pour les terroristes. C'est l'objectif que Barack Obama a fait sien: «Cette guerre non seulement mérite d'être menée mais elle est fondamentale pour la défense de notre peuple», a-t-il déclaré, lundi 17 août, devant l'association des anciens combattants à l'étranger. Le président américain a repris à son compte la distinction entre la «guerre de choix» menée en Irak (rien n'obligeait à y aller, sauf l'aveuglement idéologique des néoconservateurs entourant George W.) et la «guerre de nécessité» en Afghanistan (en finir avec Al Qaida et empêcher les talibans de s'implanter dans le Pakistan voisin).

Pendant la campagne électorale de l'année dernière, Barack Obama a reproché à son prédécesseur d'avoir, par «sa» guerre en Irak, distrait des forces et des moyens de l'objectif essentiel qu'est l'éradication d'Al Qaida. Lui en a fait sa priorité. Il a consenti à augmenter d'un tiers les troupes américaines en Afghanistan, soit 68 000 hommes, auxquels pourraient s'ajouter une dizaine de milliers supplémentaires. Il a demandé à ses alliés de l'OTAN d'accroître leur effort, en élargissant leurs contingents et surtout en allant se battre dans les zones les plus dangereuses. Sans grand succès jusqu'à maintenant.

Non seulement les gouvernements sont réticents mais les opinions publiques sont difficile à convaincre. En France, en Allemagne, en Grande-Bretagne, une majorité est hostile à la guerre en Afghanistan. Aux Etats-Unis mêmes, alors que l'intervention sur les pentes de l'Hindou Kusch était moins impopulaire que l'expédition irakienne, le soutien s'effrite. En 2001, tout le monde croyait que l'opération afghane serait facile et rapide, et les premiers succès contre les talibans ont semblé justifier cette idée. Près de huit ans plus tard, force est de constater que tout reste à faire. Le pays est plus morcelé que jamais, la corruption et la violence sont quotidiennes, les chefs de guerre continuent de défier le pouvoir central, la communauté internationale ne sait pas si elle doit empêcher la culture du pavot au risque de ruiner les paysans ou la tolérer au risque d'alimenter le marché.

Le général américain Petraeus, responsable des forces américaine dans l'ensemble de la région, veut appliquer en Afghanistan la stratégie qui a réussi en Irak: gagner la confiance de la population en consacrant plus de soldats à la protection des gens afin que la force internationale n'apparaisse pas comme une armée d'occupation, s'appuyer sur les pouvoirs locaux pour isoler les rebelles et transférer progressivement la responsabilité de la sécurité aux forces de l'ordre afghanes.

Si le président américain n'a fixé aucune date, le secrétaire à la défense, Robert Gates, se donne un an pour que des progrès soient visibles. Un an, c'est aussi l'échéance des élections de mi-mandat aux Etats-Unis, et le premier test pour le président Barack Obama.

Daniel Vernet

Image de Une: Barack Obama avec les troupes américaines en Irak Jim Young / Reuters

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