France

François Hollande, l'optimiste forcené

Oui, le président engage la baisse des dépenses. Oui, il s'engage en faveur de la compétitivité des entreprises. Mais les résultats intermédiaires du CICE, décevants, montrent que l'effort fourni est encore trop insuffisant.

François Hollande, le 19 septembre 2014 à l'Elysée. REUTERS/Gonzalo Fuentes
François Hollande, le 19 septembre 2014 à l'Elysée. REUTERS/Gonzalo Fuentes

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Vue de son bureau à l'Elysée, la situation a toutes les apparences de la bonne politique. François Hollande est critiqué par la droite, comme ne faisant pas les réformes et par la gauche comme en faisant trop. Il doit se réconforter en son for intérieur d'avoir trouvé le bon compromis, la synthèse.

Il ne manque pas d'arguments contre les uns et les autres pour bien se caler dans son fauteuil. Il engage un budget 2015 avec des économies de 21 milliards d'euros, du jamais-fait par ses prédécesseurs, preuve de «sérieux». Il accorde 40 milliards d'euros aux entreprises pour rétablir la compétitivité du pays et il tient bon contre les hurlements de son camp, preuve de courage.

L'erreur depuis le départ, et encore aujourd'hui, de François Hollande est son excès d'optimisme.

Les résultats ne sont pas là

Il s'est trompé dans la gravité de la crise, il l'a reconnu. Il s'est trompé en infligeant, sous la pression de son parti, un choc fiscal de 30 milliards aux entreprises et aux ménages, il l'a reconnu aussi et il veut maintenant baisser les impôts. Il s'est trompé en espérant que la reprise européenne allait tirer la France vers le haut, les chiffres de cet été l'ont dégrisé.

A l'automne 2014, il se trompe encore. Sa ligne est bonne en apparence: la priorité est de rétablir la compétitivité, c'est d'elle que viendra la croissance. Le déficit budgétaire passe au second plan, tant pis s'il dérape. Avec les Italiens et la nouvelle Commission Juncker, les keynésiens européens sauront faire poids pour contrer l'Allemagne, les nouveaux délais seront accordés, ça passera. Bref, «j'ai la bonne ligne, il suffit de tenir».

Hélas, il s'agit là d'une lecture hollandienne, toujours nourrie d'un optimisme forcené. Le président de la République fait des économies et baisse les charges comme aucun avant lui mais... cela ne sert à rien. La preuve chiffrée en est donnée par le déficit budgétaire qui ne bouge pas: 4,1% en 2013, 4,4% cette année, 4,4% en 2015. Mais surtout par le déficit commercial: 67 milliards d'euros en 2012, 61 milliards en 2013, petit gain qui ne s'explique que par des importations en baisse, et idem au premier semestre 2014, avec, c'est pire, des exportations en recul.

A mi-mandat, François Hollande n'a plus d'autre choix que l'option du radicalisme

 

Les résultats intermédiaires du CICE sont décevants, la transformation de la manne en investissements reste incertaine, les «fuites» vers les salaires et les dividendes sont grosses. Le risque économique est le gâchis, le risque politique est de donner raison aux frondeurs qui contestent ces «cadeaux aux patrons». Il serait plus que temps de trouver un mécanisme plus simple et plus incontestable sur son efficacité. Plus largement, le patronat a tort de demander tous les jours des mesures nouvelles, mais les chiffres du commerce extérieur font juges, il a raison sur le fond. L'effort fait en faveur de la compétitivité, premier volet de la politique économique du président, ne suffit pas.

La lecture de l'avis du Haut Conseil des finances publiques sur l'autre volet de la politique économique, le budget, va exactement dans le même sens. Il est vrai que le gouvernement inflige 21 milliards d'euros d'économies à la nation. Mais il s'agit, encore une fois, d'une apparence: la croissance espérée (1 %) est «trop optimiste», le détail des mesures est bien flou et, plus grave encore, le déficit structurel est au point mort. Le gouvernement se défausse, ici, sur l'inflation devenue trop basse. Au foot, ce n'est pas parce qu'il pleut qu'on est pardonné de ne pas marquer de buts.

Le risque, c'est celui de la synthèse ratée

La déception sur la politique budgétaire comme sur la politique de compétitivité tient à la même origine. Contrairement à ce que croit l'optimiste président, cela ne suffira pas. Contrairement à ce que lui dit son for intérieur, François Hollande voit son quinquennat filer sans qu'il améliore l'état du pays. Les Français vont, demain, voir que les «sacrifices» auxquels le président les soumet ne servent à rien, ni sur le déficit ni sur l'emploi, et ils le puniront alors même que ces «sacrifices» restent bien doux comparés à ceux subis ailleurs. Le président Hollande, s'il n'abandonne pas ses lunettes roses, risque de réussir une seule prouesse, celle d'avoir tort à la fois contre la droite et contre la gauche. La synthèse ratée.

La clef de sortie est la croissance.

Tout gouvernement est paralysé s'il n'a pas de grain à moudre. Sans elle, il se débat comme un perdu, il ne peut que blesser et se blesser. Le président devrait admettre que ce qu'il fait ne le conduira pas au port parce que la croissance française est très atteinte.

Comment la retrouver? Il est déjà tard, le budget 2015 devait en être l'occasion. Manuel Valls devait incarner cette radicalité, il déçoit. On ne voit pas les mesures radicales nécessaires, le travail le dimanche, la modification des seuils sociaux sont des mesures marginales. Le reste est coups de rabot.

A l'heure qu'il est, à mi-mandat présidentiel, François Hollande n'a plus d'autre choix que l'option du radicalisme.

Sur le fond, choisir trois ou quatre priorités: la réforme du marché du travail, celle de l'Etat, dont celle (urgentissime) d'un système scolaire qui produit 7% d'illettrés, celle de la fiscalité en faveur des créateurs d'entreprise.

Sur la forme, abandonner une volonté de dialogue social avec des syndicats conservateurs qui n'accouche que de réformettes.

Soit François Hollande retrouve la force politique qui le rend capable de redresser la croissance, soit il ne peut plus et, si tel est le cas comme le laisse voir le budget 2015, il doit abandonner son optimisme, parce qu'il nous inflige un quinquennat inutile.

Article également paru dans Les Echos

 

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