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La France n'a pas l'Apple Watch, mais elle peut avoir des idées

Une tribune de Xavier Quérat-Hément, président de l'Association France Qualité Performance.

L'Apple Watch. REUTERS/Stephen Lam.
L'Apple Watch. REUTERS/Stephen Lam.

Temps de lecture: 3 minutes

Alors qu’Apple vient de lancer l’iPhone 6 et l’Apple Watch, de nombreux éditorialistes s’interrogent sur ces produits. Pourtant, une fois de plus, l’innovation à venir se trouve dans l’univers des services que va permettre cette nouvelle vague d’objets connectés.

La France peut y voir une belle opportunité pour son économie car ses entreprises de service vont pouvoir profiter de la croissance générée par ce modèle économique. Une bonne raison pour encourager l’innovation et libérer la création.  

Un univers de services à co-créer

En juin 2007, quelques jours avant le lancement de l’iPhone, la société Universal McCann avait sorti un rapport affirmant qu’aucun consommateur américain n’était a priori intéressé: l’auteur de l’étude, Tom Smith, affirmait qu’un appareil «tout en un» échouerait et il s’appuyait pour cela sur un sondage révélant que seuls 30% des Américains étaient «pour» avoir un appareil unique qui réalise tous les besoins.

Par analogie, Derek Thompson, dans The Atlantic, prétend que les consommateurs ne saisiront l’utilité de l’Apple Watch que le jour où ils découvriront les nouveaux usages qu’elle permet. En effet, avec l’iPhone a émergé un modèle économique inédit. Derrière l’émotion suscitée par la technologie, grâce au modèle de l’Apple Store, le consommateur a pu avoir accès à une offre de services qui fait de son appareil une source inépuisable d’usages multiples. Pour The Economist, Apple a évolué de «fabricateur de hardware» à «une plateforme d’écosystème» et cela va encore s’affirmer davantage avec cette nouvelle ère.

Ainsi, iMedicalApps nous apprend que les personnes souffrant du diabète utilisent aujourd’hui quatre appareils connectés différents. Grâce à l’Apple Watch, ils n’en n’auront plus qu’un seul et on imagine les services qui peuvent se greffer derrière avec les professionnels de santé, les mutuelles et aussi, pourquoi pas, l’industrie agroalimentaire.

C’est donc bien un nouvel écosystème qui voit ainsi le jour dans les secteurs de la banque, de la santé, de la maison intelligente, du sport… Ce modèle se décline, bien évidemment, pour tous les objets connectés. Ils représentent des «points d’ancrages» pour les entreprises de service, mais Apple ou Android sont les seuls à avoir la capacité de créer un univers unique et à donner l’opportunité à des entreprises tierces d’en profiter. Et c’est là que la co-création, l’innovation et le design de service entrent en piste.

Libérons l’innovation de service

Pour Jean-Marc Sylvestre, l’iPhone 6 est le meilleur exemple mondial de l’économie de l’offre. Et de rappeler qu'«aujourd’hui, 60% des dépenses de consommation dans les pays développés portent sur des produits et des services qui n’existaient pas il y a dix ans».

Dans notre engagement pour la promotion du secteur des services en France, nous voyons dans l’arrivée de nouveaux objets connectés l’occasion de rappeler qu’ils sont une opportunité pour les entreprises françaises de se démarquer par l’innovation en lançant des services innovants. Certes, la France est passée à côté de la révolution technologique. Il lui reste encore une chance de rester parmi les leaders du monde des services. Comme nous l’avons rappelé dans une note pour l’institut Sociétal, nous ne réussirons à conquérir l’immense marché, évalué à 40 milliards sur les pays émergents, que si nous nous démarquons de nos concurrents par l’innovation.

Il faut une volonté politique pour atteindre ce défi. Du point de vue de l’enseignement et de la formation, par exemple, il est fondamental de mettre en place et développer une filière design de service à la hauteur des enjeux et d’orienter les jeunes vers ces nouveaux métiers encore méconnus.

Il est essentiel également d’encourager les talents. Par exemple, Le Groupe La Poste a remis le prix du design de service à la start-up Illico, qui avait développé une solution pour scanner le QR code d’un objet repéré dans une vitrine et de se le faire livrer à la maison. Autre exemple, lors de la première édition de la Fête des services, en 2013, les professionnels ont attribué le prix Esprit de service à Spallian, dont l’un des services, Tellmycity, encourage la participation des citoyens à la gestion intelligente de la ville en leur permettant, par exemple, de signaler à partir de leur mobile un dysfonctionnement ou de partager une idée avec les élus. Beaux exemples qui permettent d’illustrer notre propos initial sur la fécondité des objets connectés, inspirateurs de nouveaux usages et donc d’activités de services.

Comme l’affirme Christian Nibourel, président du Groupement des professions de services (GPS), «il faut jouer la carte des services pour assurer la croissance», une idée malheureusement sous-estimée dans notre pays:

«A-t-on vraiment conscience que 80% des emplois qui seront créés d’ici à cinq ans dans notre pays le seront dans les services? […] Un domaine comme celui du numérique offre un potentiel de développement considérable.»

Il nous faut donc continuer d’encourager nos fleurons mondiaux (Veolia, Sodexo, Accor…) et favoriser l’émergence de nouvelles start-up. Nous avons les talents et les idées pour créer les services qui enchanteront les objets connectés, leur rendront leur âme et contribueront à la grandeur de la marque France.

N’oublions pas de lever les freins, également. N’est-ce pas Steve Jobs qui, en 1984, avait interpellé le président Mitterrand sur les lourdeurs administratives françaises ? Il nous donne une fois de plus l’occasion de penser différemment et de libérer la croissance en inventant de nouveaux services. Saisissons cette deuxième chance.

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