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La droite majoritaire, deux sièges pour le FN... Ce qu'il faut retenir des élections sénatoriales

David Rachline, plus jeune sénateur de la Ve République, lors de son élection à la mairie de Fréjus, le 30 mars 2014. REUTERS/Eric Gaillard.
David Rachline, plus jeune sénateur de la Ve République, lors de son élection à la mairie de Fréjus, le 30 mars 2014. REUTERS/Eric Gaillard.

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Ce dimanche 28 septembre, le Sénat renouvelait la moitié de ses membres, élus au suffrage indirect par les grands électeurs (parlementaires et élus locaux) pour six ans. Voici les cinq principales leçons à retenir du scrutin.

1.La gauche n'aura gardé le contrôle du Sénat que trois ans

La gauche, qui contrôlait le Sénat depuis les élections d'octobre 2011, pour la première fois dans l'histoire de la Ve République, perd sa majorité et n'aura gardé le contrôle de la haute assemblée que trois ans. Selon un décompte provisoire établi par le Monde, la droite et le centre droit comptent 183 sièges dans le nouveau Sénat, contre 152 à la gauche et 2 au FN.

Cette majorité de droite ne signifie en revanche pas –contrairement par exemple à la situation qu'a connue l'UMP à l'Assemblée nationale entre 2002 et 2012– une majorité absolue pour le principal parti d'opposition, qui aura besoin de l'appoint des sièges de l'UDI.

2.Le FN fait son entrée au Sénat

C'est sans doute l'un des phénomènes les plus symboliques du scrutin: le FN entre au Sénat pour la première fois de son histoire, avec deux élus. Il s'agit de David Rachline, maire FN de Fréjus depuis les élections municipales de mars, et de Stéphane Ravier, qui fait lui aussi partie de la vague FN des municipales (il est maire du 7e secteur de Marseille, qui regroupe les XIIIet XIVe arrondissements). 

Jusqu'ici, le meilleur résultat du parti de Jean-Marie Le Pen aux sénatoriales était survenu en 1998, quand l'élu des Bouches-du-Rhône Ronald Perdomo avait raté son entrée dans la chambre haute de 19 voix seulement.

La formation frontiste bat par ailleurs ailleurs un record, puisque David Rachline, à seulement 26 ans, est le plus jeune sénateur de l'histoire de la Ve République –il faut dire que l'âge minimum pour y entrer était fixé à 30 ans jusqu'en 2011.

3.De nombreuses défaites symboliques pour la gauche

Effet collatéral de la défaite de la gauche: la majorité sortante a essuyé quelques défaites très symboliques.

Le vice-président PS de la commission des lois de la précédente mandature, Jean-Pierre Michel, sénateur depuis 2004, a ainsi été battu en Haute-Saône, et les adversaires du gouvernement y voient la sanction directe de la politique de la majorité. Présenté comme le «héraut des homos» par Le Monde dans un portrait publié en 2013, Jean-Pierre Michel avait été rapporteur de la loi sur le mariage pour tous lors de la discussion du texte au Sénat, après avoir déjà été le rapporteur du Pacs à l'Assemblée à la fin des années 90.

Le président du PRG, Jean-Michel Baylet, est largement battu dans le Tarn-et-Garonne. Un échec inattendu pour celui qui avait élu pour la première fois à ce poste en 1986, et qui avait fait partie des six candidats à l'investiture présidentielle lors de la primaire ouverte de 2011 (0,64% des voix). «Il sait bien que son parti jouit d'une marge de manoeuvre plus grande à l'intérieur qu'à l'extérieur d'un gouvernement qu'il rêve toujours d'intégrer. Les conditions de sa nomination à un poste régalien n'étaient pas remplies lors du remaniement du mois d'août. Mais Jean-Michel Baylet ne désespère pas», expliquait L'Express avant le scrutin. Cela va devenir plus compliqué...

Jean-Pierre Chevènement ne se représentait pas cette fois, mais son bastion, le Territoire de Belfort, bascule: l’UMP Cédric Perrin y est élu au premier tour, avec 52,59% des voix. La gauche contrôlait le seul siège de sénateur du département depuis... 1980.

Le maire de Tulle Bernard Combescandidat en Corrèze, a été battu au second tour. Une défaite symbolique sur les terres de François Hollande puisqu'il est également, depuis juin 2012, conseiller du président à l’Elysée, en charge des relations avec les élus.

Deux anciens ministres du gouvernement Ayrault ont également été battus: Thierry Repentin, ministre de la Formation professionnelle puis des Affaires européennes, en Savoie; Anne-Marie Escoffier, ministre de la Décentralisation, dans l'Aveyron.

Dans les Bouches-du-Rhône, en dehors de l'élection de Stéphane Ravier, la cuisine politique départementale se montre à la hauteur de sa réputation: en délicatesse avec le PS, Jean-Noël Guérini remporte trois sièges avec une liste sans étiquette, tandis que la candidate malheureuse aux primaires PS lors de l'élection municipale marseillaise Samia Ghali conserve son siège (le maire UMP de la ville Jean-Claude Gaudin également). Samia Ghali a dénoncé dans l'après-midi sur Public Sénat des achats de votes, accusant des candidats de «distribuer l'argent public par rapport à des voix».

4.Une bataille serrée pour la présidence

Avec une majorité de sièges pour l'UMP, le prochain président du Sénat sera choisi dans les rangs de la droite, la première étape étant une primaire qui se déroulera le 30 septembre.

Réélu avec un meilleur score que lors de sa précédente campagne (59,61%), l'ancien premier ministre Jean-Pierre Raffarin va défier Gérard Larcher, qui a présidé le Sénat de 2008 à 2011, et l'outsider Philippe Marini, président de la Commission des Finances. Selon L'Opinion, le match retour entre Raffarin et Larcher, qui s'étaient déjà affrontés en 2008, devrait se jouer à une dizaine de voix.

Nathalie Goulet, sénatrice (UDI-UC) de l'Orne, est la seule candidate déclarée au «plateau»: comme le rappelle notre chroniqueur Olivier Biffaud, jamais le Sénat n'a été présidé par une femme, mais ses chances apparaissent très minces. Le PS devrait présenter le sénateur de la Drôme Didier Guillaume.

5.Quel impact sur la suite du quinquennat?

Cette défaite est évidemment un coup dur pour la majorité gouvernementale, qui essuie son troisième revers de l'année après les municipales et les européennes –elle est d'ailleurs la conséquence directe de celle des municipales, ce que n'ont pas manqué de souligner plusieurs responsables socialistes.

Elle emporte au moins deux conséquences constitutionnelles très concrètes: en cas d'«empêchement» de François Hollande, c'est un élu de droite qui assurera l'intérim de la présidence de la République; le chef de l'État peut difficilement imaginer lancer une révision constitutionnelle, qui suppose un vote en des termes identiques de l'Assemblée nationale et du Sénat. En revanche, la gauche va pouvoir faire continuer à voter ses lois, puisque l'Assemblée a le dernier mot en cas de désaccord entre les deux chambres.

Seule consolation: cette défaite va éviter au gouvernement d'essuyer régulièrement des couacs au Sénat, où le PS avait besoin des voix de tous ses partenaires (PRG, EELV et PCF) pour atteindre la majorité absolue, ce qu'il a régulièrement échoué à faire sur des textes importants. «Hollande sera plus à l'aise avec un Sénat à droite car cela aura au moins le mérite de la clarté: les ministres sauront d'avance à quoi s'en tenir en venant défendre un texte, et les médias ne gloseront plus sur l'incapacité du gouvernement à tenir sa majorité», expliquait ce week-end dans Le Monde le chercheur Olivier Rozenberg.

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