Temps de lecture: 4 minutes
La 40e édition de la Ryder Cup, qui se déroule à Gleneagles en Ecosse du 26 au 28 septembre, devrait rassembler quelque 150.000 spectateurs en l’espace de trois jours. Agonisante à la fin des années 1970, cette compétition qui, à l’origine, ne concernait que Britanniques et Américains, est devenue avec le temps la plus célèbre et la plus attendue de l’actualité golfique.
Un programme réglé
Tous les deux ans, 12 Américains et 12 Européens (qui se battent pour le seul drapeau du Vieux continent dans un moment unique) se défient selon une formule qui a évolué dans le temps, mais qui s’établit désormais de la sorte.
Le vendredi et le samedi, les deux capitaines, l’Américain Tom Watson et l’Irlandais Paul McGinley pour cette édition 2014, doivent former des paires lors de deux journées de double composées chacune de quatre foursomes et de quatre «quatre balles». Les foursomes consistent pour deux joueurs d’une même équipe à frapper alternativement une même balle. Les «quatre balles» permettent aux deux joueurs des deux équipes de taper chacun leur balle, le meilleur des deux scores de chaque équipe étant retenu.
Le dimanche, enfin, les 12 sélectionnés des deux camps s’affrontent lors de 12 simples. Et le premier continent qui atteint le total de 14,5 points a remporté la Ryder Cup car 28 points sont distribués sur l’ensemble du week-end. Mais à 14 points, l’Europe, tenante du titre, aura également gagné car dans l’hypothèse d’un match nul (14-14), le trophée reste la propriété du camp qui a triomphé deux ans plus tôt. Le «challenger» –les Etats-Unis cette année– doit produire, en quelque sorte, un petit effort supplémentaire.
Une longue disette côté Américains
Depuis 1979, date où le match est devenu un affrontement entre les Etats-Unis et l'Europe après 52 années d’un duel Etats-Unis-Grande-Bretagne/Irlande, la physionomie de la rencontre a radicalement changé.
Si dominateurs dans le passé, les Américains ont fini par perdre pied face à des Européens qui les ont battus cinq fois lors des six dernières éditions, dont deux raclées mémorables en 2004 et 2006. Pour retrouver trace d’un succès des golfeurs de l’Oncle Sam en terre européenne, il faut même remonter à 1993 et à une Ryder Cup organisée en Angleterre où le capitaine américain s’appelait déjà Tom Watson, rappelé donc en 2014 comme un talisman pour mettre un terme à cette longue période de disette de l’autre côté de l’Atlantique. Watson, âgé de 65 ans et plus vieux capitaine de l’histoire.
Absent cette année en raison d’une blessure au dos, Tiger Woods, en sept participations, ne s’est ainsi retrouvé qu’une fois dans une équipe gagnante en Ryder Cup et c’était il y a bien longtemps, en 1999.
Les monstres d’individualisme que peuvent être les champions américains comme Tiger Woods et Phil Mickelson n’ont jamais franchement brillé en Ryder Cup où il faut oublier son ego le temps d’un double et se fondre parmi les autres lorsque les équipes se retrouvent le soir autour de la table.
Pour Woods, la Ryder Cup a même souvent ressemblé à un petit chemin de croix. Il y a deux ans, en quatre matchs, il n’avait grappillé qu’un minuscule 0,5 point. A l’inverse, les Européens, peut-être plus altruistes, ont souvent fait montre d’esprit de corps pour se sublimer en dépit de leurs nationalités différentes –l’équipe européenne, en 2014, est composée d’un Français, d’un Allemand, d’un Danois, d’un Suédois, d’un Espagnol, d’un Gallois, d’un Ecossais, de deux Nord-irlandais et de trois Anglais.
Une motivation: défendre le «drapeau»
L’Anglais Ian Poulter est le prototype même du joueur de Ryder Cup par excellence. Peut-être relativement discret le reste de la saison, il se métamorphose soudain pour défendre le drapeau bleu et jaune européen. Depuis sa première sélection en 2004, il s’est constitué l’un des palmarès les plus étincelants de l’histoire moderne en affichant un ratio de 80% de victoires pour déjà près de 20 matchs disputés. «J’éprouve plus de fierté et de passion en Ryder Cup que lors d’un tournoi majeur», a-t-il dit.
En 2012, lors de la dernière Ryder Cup organisée près de Chicago, alors qu’ils étaient distancés de quatre points au matin des simples, les golfeurs du Vieux continent, portés par un Poulter en état de grâce, étaient parvenus à renverser la vapeur dans un immense effort collectif lors d’une journée baptisée ensuite «le miracle de Medinah» en hommage au lieu précis de la rencontre.
Jamais dans l’histoire de la compétition, un tel écart n’avait été comblé l’espace d’un après-midi par une équipe visiteuse. Emu aux larmes, José Maria Olazabal, le capitaine espagnol de l’équipe européenne à Chicago, avait alors déclaré à ses troupes:
«Tous les hommes meurent, mais tous ne vivent pas. Cette semaine, vous m’avez fait me sentir vivant.»
Et il avait rendu hommage à son compatriote Severiano Ballesteros, héros de la Ryder Cup pendant de si longues années, mort d’un cancer en 2011. Ballesteros dont la silhouette ornait tous les sacs des joueurs européens sélectionnés cette année-là comme un rappel des valeurs de la compétition, Ballesteros ayant probablement été en Europe le golfeur le plus emblématique de la Ryder Cup.
Lors d’un week-end aussi fiévreux, tous les discours les plus enflammés, utiles ou pas, sont les bienvenus.
Cette année, les Européens ont fait appel à l’un des plus célèbres Ecossais, Alex Ferguson, l’ancien entraîneur du club de football de Manchester United, pour leur prodiguer la bonne parole. Les Américains ne seront peut-être pas en reste, comme en 1999 quand ils s’étaient appuyés sur… George W. Bush, alors gouverneur de l’Etat du Texas et en passe de devenir président des Etats-Unis. A Boston, alors qu’elle était dans de sales draps au soir des doubles, l’équipe des Etats-Unis avait écouté le politicien lui faire la lecture de passages des mémoires d’un soldat ayant participé au siège de Fort Alamo. Le lendemain, les Américains ne firent pas de quartier pour aller chercher un triomphe inattendu.
En débarquant en Ecosse, Rickie Fowler, le joueur américain le plus en vue de l’année, a annoncé la couleur en arborant une coupe de cheveux très particulière avec les lettres USA découpées sur son crâne. Il ne sera pas dit que les Américains sont moins passionnés par la cause de la Ryder que les Européens. En cette année où l’Europe a trusté trois des quatre tournois majeurs grâce à Rory McIlroy et Martin Kaymer, une défaite supplémentaire serait, il est vrai, pour eux presque insupportable.