Économie / France

Le Parti socialiste a perdu la culture du pouvoir

Depuis trente ans, les socialistes sont pris à revers par la réalité mondiale. Ils n'ont pas su prolonger ce qui se dessinait avec le tournant de la rigueur qu'ils avaient eux-mêmes engagé en 1983. Leur crédibilité est en cause.

Jean-Christophe Cambadélis, à La Rochelle le 29 août 2014. REUTERS/Stephane Mahe
Jean-Christophe Cambadélis, à La Rochelle le 29 août 2014. REUTERS/Stephane Mahe

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Les socialistes sont en train de faire la triste démonstration, semaine après semaine –on devrait écrire jour après jour–, qu'ils sont aujourd'hui incapables de gouverner la France. Le quinquennat de François Hollande est bien parti pour laisser la trace d'un échec.

La première fois qu'elle avait accédé au pouvoir suprême dans la Ve République avec François Mitterrand, la gauche avait, après un rapide tournant, montré qu'une fois au gouvernement elle avait su se convertir au réalisme économique et engager une politique de «désinflation compétitive» qui avait obtenu des résultats très honorables. Elle avait surtout relancé la construction européenne qui amena le grand marché et l'euro.

Pour la deuxième fois qu'elle accède à l'Elysée, cette gauche socialiste s'acharne à démolir ce passé en faisant montre de son irréalisme économique et de son opposition à l'Europe. François Hollande voulait se mettre dans les pas de son prédécesseur. Il essaie, mais son parti le force à marcher dans un sens opposé, celui de la destruction de la crédibilité du socialisme français.

La faute en revient bien entendu à François Hollande lui-même. François Mitterrand n'avait aucune culture économique et il a hésité très longtemps, à l'hiver 1982-1983, pour imposer la rigueur. Il avait finalement tranché, au nom d'une forte vision européenne, comme les hommes de sa génération. François Hollande n'a pas vraiment plus de culture économique, et il manque d'une vision haute et claire de ce que doit être la France au XXIe siècle. Mais il n'est pas le seul.

Son parti n'a jamais été capable d'en forger une. En 2010, Martine Aubry, première secrétaire, annonçait vouloir «redynamiser la pensée progressiste». Les Etats généraux convoqués aujourd'hui par Jean-Christophe Cambadélis s'intitulent «Inventons ensemble le nouveau progressisme».

Le PS force Hollande à marcher dans le sens de la destruction de la crédibilité du socialisme français

 

Il serait temps. Voilà plus de trente ans, depuis le tournant de 1983 justement, que les socialistes sont pris à revers par la réalité mondiale et qu'ils se complaisent à «débattre» sans jamais aboutir à un nouveau corpus. En attendant, leur diagnostic du monde, de l'Europe, de la crise est singulièrement court. Que François Hollande soit contraint lui aussi de provoquer un «tournant» après deux ans de pouvoir démontre à soi seul combien la pensée du parti était inadaptée à la réalité.

Relire les différents «projets socialistes» et les contributions des candidats à la primaire de 2011 est très instructif à cet égard. Le mot de «compétitivité» est à peine prononcé, l'essentiel est mis sur l'«injustice» de la politique conduite par la droite. Quelle solution? Il suffit, en gros, de supprimer les avantages fiscaux accordés par Nicolas Sarkozy et de taxer les transactions financières, pour retrouver des marges de manoeuvre qui, judicieusement réinsufflées dans le pouvoir d'achat, conduiront au redémarrage de la consommation. C'est tout simple: la croissance viendra de la justice sociale.

François Hollande ne tardera pas à comprendre que c'est l'inverse qui est vrai dans une économie ouverte schumpétérienne et que la croissance ne viendra que de la compétitivité des entreprises.

Au passage, il n'est pas inintéressant de se rappeler que Martine Aubry, qui veut maintenant «infléchir» la politique de Manuel Valls, était pour le maintien de la TVA instaurée par Nicolas Sarkozy, contre l'embauche de 60.000 enseignants et fermement pour le retour du déficit à 3% en 2013!

Olivier Ferrand, président de Terra Nova disparu depuis, notait:

«François Hollande et Martine Aubry font tous deux partie de la même famille sociale-démocrate

Amusant aussi de lire deux «frondeurs» d'aujourd'hui, Laurent Baumel et François Kalfon, qui écrivaient:

«Le premier défi auquel doit répondre le Parti socialiste est celui de son unité...»

Ils ajoutaient qu'il fallait en finir avec «les tâtonnements et les débats stériles entre "première" et "deuxième" gauche, "archaïques" et "sociaux-libéraux"». Le goût irrépressible de ces «débats stériles» et de la mise en avant médiatique est, chez ces élus socialistes, toujours plus fort que leurs engagements…

Le PS n'était pas plus prêt à gouverner en 2012 qu'il ne l'était en 1981. Arrive au bout de deux ans de pouvoir le moment du «tournant». François Hollande est aujourd'hui incapable de l'imposer –par sa faute, mais surtout à cause d'une effrayante dégradation du Parti socialiste, toujours dédaigneux vis-à-vis de la réalité, encore habité par la haine des entreprises, plus que jamais enfermé dans ses querelles solfériennes et que n'animent désormais que les petits appétits personnels.

Article également publié dans Les Echos

 

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