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Que faire si mes photos intimes se retrouvent sur Internet?

A moins que ces images n'existent pas, il n'y a aucune garantie pour qu'elles ne se retrouvent jamais publiées. Mais vous pouvez agir.

<a href="https://www.flickr.com/photos/titlap/3532148634">«body pictures 1»</a> par <a href="https://www.flickr.com/photos/titlap/">julien haler</a> | FlickR <a href="https://creativecommons.org/licenses/by/2.0/">licence cc by</a>
«body pictures 1» par julien haler | FlickR licence cc by

Temps de lecture: 3 minutes

Des photos et vidéos volées de plus d’une centaine de célébrités dont Jennifer Lawrence, Avril Lavigne, Rihanna, Kirsten Dunst ou encore Winona Ryder, ont fuité en ligne le 31 août 2015. Au-delà du contenu hautement intime de ces clichés, cette affaire, baptisée «celebgate» ou «fappening» par les médias et les internautes, pose aussi une question plus générale, qui nous concerne tous: que faire s'il s'agissait ici de nos photos perso?

Premier constat: il est impossible de garantir que ces clichés disparaîtront à coup sûr, et pour toujours, de chaque recoin du Net, dans la mesure où il est extrêmement facile de copier et diffuser en masse des images sur le réseau. Néanmoins, des dispositions existent.

Ces photos, à condition que vous n'ayez pas l'habitude de dévoiler votre intimité –par exemple dans le cade de votre activité professionnelle–, font strictement partie de la vie privée. Un principe que protège le droit français. A ce titre, vous pouvez donc demander le retrait de la photo compromettante au site qui la diffuse. Ce dernier a deux mois pour s'exécuter. Une procédure qui s'applique évidemment si vous connaissez le site à l'origine de la fuite, mais aussi si ce dernier n'est pas hébergé à l'étranger, dans un pays où il serait plus difficile de donner suite à votre requête.

Si le site ne répond pas, la Cnil, commission notamment chargée du respect de la vie privée sur Internet en France, propose de vous épauler dans votre démarche. S'il ne répond pas à la demande de retrait, sachez que le site peut être puni d'une amende maximum de 1.500 euros.

Le formulaire de la Cnil.

Vous pouvez aussi vous tourner vers Google, Facebook, Twitter, qui, s'ils ne peuvent directement agir à la source du problème, peuvent néanmoins limiter la diffusion de l'image. Ces plate-formes ont prévu des procédures dites de signalement, vous permettant d'indiquer le lien de l'image compromettante, éventuellement l'utilisateur qui la diffuse –par exemple dans le cas de Twitter–, et les raisons pour lesquelles vous souhaitez leur retrait.

A noter que si ces procédures existaient avant cette décision, la Cour de justice de l'Union européenne a enfoncé le clou le 13 mai 2014 en imposant aux moteurs de recherche la mise en place d'un formulaire de retrait, au nom du droit à l'oubli.

Des sociétés spécialisées proposent par ailleurs aussi leurs services pour «nettoyer» les contenus qui peuvent être associés à notre nom sur Internet. Une activité essentiellement centrée sur les résultats des moteurs de recherche, à laquelle la systématisation des requêtes au nom du droit à l'oubli risque de porter atteinte.

Parallèlement à ces multiples demandes de retrait, vous pouvez aussi porter plainte contre la personne à l'origine de la fuite des photos embarassantes.

Si vos clichés sont dérobés à la suite d'une intrusion informatique sur un espace de stockage en ligne, comme ça semble être le cas pour Jennifer Lawrence et les autres, vous pouvez porter plainte pour accès frauduleux à un système de traitement automatisé de données, (STAD), une infraction passible en France de deux ans d'emprisonnement et de 30.000 euros d'amende. Reste néanmoins la question de l'identité de la personne ayant subtilisé les photos, qui complique considérablement l'application du texte.

Si vous n'êtes pas aussi célèbre que Jennifer Lawrence ceci dit, il y a des chances pour que vous connaissiez le responsable, qui encoure alors un an d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende pour atteinte à de la vie privée. Attention néanmoins: ce cas de figure n'est a priori valable –même si le débat reste ouvert– que si les photos dérobées ont été prises sans votre consentement! S'il s'agit de selfies coquins, il faut alors oublier la perspective d'un procès et se replier sur l'article 9 du code civil, qui garantit à chacun le droit à une vie privée, dans le but d'obtenir un dédommagement.

Le formulaire de signalement de Twitter.

A noter par ailleurs que si les images en question permettent d'identifier la personne à laquelle elles se rapportent, elles sont alors considérées comme des données personnelles. Leur protection est donc, à ce titre, complétée par la loi Informatique et libertés. La mise en ligne des photos faisant suite à l'opposition de la personne concernée est alors une infraction passible de 5 ans d’emprisonnement et 300.000 euros d’amende.

Autre subtilité qui peut s'avérer pratique: si ces photos sont de votre fait, vous pouvez toujours faire valoir votre droit d'auteur! En portant plainte pour contrefaçon, un délit puni d’une peine de 300.000 euros d’amende et de trois ans d’emprisonnement, ou, comme c'est plus souvent le cas, en portant l'affaire devant une juridiction civile –là encore pour obtenir dommages et intérêts, et retrait des photos.

Remerciements à tous les experts qui ont contribué à cet article, dont Olivier Iteanu, avocat à la cour spécialiste des nouvelles technologies, Valérie Sédaillian, avocate spécialisée en droit de l'informatique et de l'Internet, et la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

On en parlait ce lundi 8 septembre dans notre rendez-vous hebdomadaire de La Nouvelle Edition, sur Canal+.

 

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