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Emmanuel Macron, le visage libéral du virage gouvernemental

Le nouveau ministre de l'Économie est l’anti-Montebourg: il est discret, libéral, favorable à la rigueur budgétaire et franchement pro-européen.

Le nouveau ministre de l'Économie Emmanuel Macron lors de son investiture à Bercy le 27 août 2014. REUTERS/Charles Platiau
Le nouveau ministre de l'Économie Emmanuel Macron lors de son investiture à Bercy le 27 août 2014. REUTERS/Charles Platiau

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Notez l’intitulé du portefeuille d’Emmanuel Macron: il ne s’agit plus de «l’Économie, du Redressement productif et du Numérique» mais de «l’Économie, de l’Industrie et du Numérique».

Détail symbolique, on tourne la page, y compris dans le vocabulaire. Le terme de Redressement productif est abandonné comme ridicule (il faisait la risée dans les milieux économiques, administratifs et journalistiques) et comme sentant trop l’étatisme et le socialisme nationalisateur des années 70.

Adieu ce «redressement productif», qui d’ailleurs est un échec. L'an passé, l’institut Trendeo a relevé 263 fermetures de site, soit quasiment autant qu'en 2012 (267). Quant à la production industrielle, elle n’a cessé de reculer, baissant encore de 2% au deuxième trimestre par rapport à l'année précédente, selon l'Insee.

L'artisan du virage de l'offre

Emmanuel Macron, le visage du virage, est l’anti-Montebourg. Il est discret, libéral, favorable à la rigueur budgétaire et franchement pro-européen.

C’est à lui, comme conseiller de François Hollande –à lui entre autres, mais au premier plan– qu’on doit le virage du quinquennat vers la politique de l’offre en faveur des entreprises. La «macron-économie» avait-t-on dit.

Il n’est pas spécialement féru de l’industrie, au sens des usines, comme l’étaient Arnaud Montebourg ou aussi Nicolas Sarkozy, il a une conception sûrement plus moderne du «productif», qui fait la part aux services de haut niveau (y compris la banque) et qui, surtout, tient compte de la fragmentation desdites industries en réseaux où l’on produit des morceaux ici, d’autres là, selon les spécialisations et les délocalisations, en un tout multinational, affûté, mouvant, complexe.

La fin du «redressement» n’est pas qu’un mot, c’est la fin d’une vieille conception de l’industrie, ignorante de ces fragmentations, qui a été une révolution des processus de la même ampleur que l’a été la chaîne. Arnaud Montebourg ignorait cette nouvelle industrie, la refusait parce qu’elle faisait une place aux délocalisations, et cette ignorance expliquait qu’il courrait après un objectif, le retour de l’emploi ouvrier, impossible à atteindre car dépassé. Emmanuel Macron, c’est aussi la modernité qui entre à Bercy.

Hollande et Valls doivent foncer

Quand à la macro-économie, la caractéristique sera la vitesse. Avec une situation économique très mauvaise et une situation politique très fragile, le couple Hollande-Valls n’a plus le choix que de foncer.

Le Premier ministre va devoir surmonter deux préalables: le vote de confiance et le vote du budget. A chaque fois, il va utiliser l’arme atomique de la dissolution face aux députés PS: ou bien vous votez oui, ou bien on va aux urnes et la droite va gagner.

Les députés PS, y compris les frondeurs, devraient vouloir conserver leur siège: Valls parie, avec raison sans doute, qu’ils voteront oui. Le PS n’est pas suicidaire.

Ensuite, il n’y a plus d’élections pendant un an. Valls et Macron vont devoir en profiter pour aligner les réformes libérales en les faisant passer par tous les moyens, décrets, ordonnances, votes bloqués, 49-3.

L'Allemagne a eu besoin de dix ans

Relance radicale du bâtiment, seuils sociaux, travail le dimanche… Mais le point le plus dur est qu’il faudra aller plus loin que le pacte de responsabilité pour redonner confiance aux chefs d’entreprises, aujourd’hui attentistes.

D’autres mesures en faveur de l’investissement devront venir. Il faudra encore répondre favorablement aux demandes, déjà formulées, du Medef. Avec quel financement? Une hausse de la TVA reviendra sur le tapis.

Ce sont autant de mesures qui vont faire hurler la majorité des socialistes, toujours pas convaincue que le retour de la compétitivité est la seule voie pour obtenir des emplois. Les débats seront animés et les critiques monteront jusqu’au moment où arriveront les premiers résultats, à une date que personne ne peut prévoir. Il a fallu dix ans à l’Allemagne pour se rétablir après les mesures Schröder.

Pour Manuel Valls, qu’importe. Il laissera l’image d’un homme déterminé. Pour François Hollande, il en est autrement: lui a besoin de résultats pour se présenter. Mais, foutu pour foutu, il n’a plus le choix que lui aussi de foncer.

Emmanuel Macron était rapporteur général adjoint de la commission pour la libération de la croissance, dont Jacques Attali, cofondateur de Slate.fr, était président, et Eric Le Boucher, également cofondateur, était membre.

 

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