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Les États-Unis s'interrogent sur le comportement de la police envers les malades mentaux

Un officier de la police de St. Louis (Missouri). REUTERS/Joshua Lott.
Un officier de la police de St. Louis (Missouri). REUTERS/Joshua Lott.

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La mort du jeune Afro-Américain Kajieme Powell, tué la semaine dernière près de Ferguson (Missouri) par des policiers, a fait moins de bruit que le décès de Michael Brown, notamment car Powell avait un couteau alors que Brown n’était pas armé.

Pourtant, la vidéo de la mort de Powell, diffusée par la police de St. Louis, est extrêmement choquante. Le passant qui a filmé l’événement s’amusait d’abord de voir un homme visiblement fou qui parle tout seul dans la rue. Quelques minutes plus tard, les policiers arrivent. Ils sortent de leur voiture et 23 secondes après, Powell se retrouve par terre criblé de balles (neuf en tout). On ne le voit pas accélérer vers les policiers ou brandir son couteau, et on ne comprend pas pourquoi il n’aurait pas été possible de l’immobiliser ou de le blesser sans porter des coups fatals.


«Tuez-moi»

Si la mort de Brown pose la question du racisme au sein de la police, celle de Powell interroge la façon dont les forces de l’ordre américaines gèrent les personnes souffrant de troubles mentaux.

Vu que Powell a provoqué verbalement la police en criant «Tuez-moi», la version officielle est qu’il s’agit de ce qu’on appelle un suicide par police interposée, lorsqu’un individu fait exprès de pousser les policiers à bout jusqu’à ce qu’ils tirent. Selon une étude de 2009, ces incidents représentent 36% des cas où les policiers tirent sur des suspects en Amérique du Nord.

En règle générale, les policiers ont très souvent à faire à des personnes mentalement instables, mais ils ne sont pas toujours bien formés pour les gérer.

En janvier dernier, en Caroline du Nord, les parents d’un schizophrène de 18 ans ont appelé la police car ils n’arrivaient plus à le contrôler. Le jeune, armé d’un tournevis, a été abattu par un policier: il a d’abord été immobilisé par un Taser, puis tué par balles. L’officier impliqué a par la suite été arrêté pour homicide. En 2011, deux policiers de Los Angeles ont battu à mort un SDF non armé et atteint de schizophrénie (ils ont été acquittés lors du procès, mais le FBI a ouvert sa propre enquête en 2014).

Un officier de police spécialisé dans les interactions avec les malades mentaux expliquait récemment au site Al Jazeera America:

«Les tactiques habituelles de police sont fondées sur le raisonnement logique et les ordres: la personne interpellée doit obéir, et dans certains cas, elle sera arrêtée. Le problème, c’est qu’hurler des ordres à une personne qui souffre de troubles psychiatriques, ça ne marche pas.»

Des formations existent

Suite à la mort d’un homme malade mental tué par un policier à Memphis dans le Tennessee en 1988, un groupe de défense des personnes touchées par les troubles psychiatriques a créé une formation de plus de 40 heures intitulée «Equipes d’intervention de crise».

Les policiers y apprennent à reconnaître différents symptômes de maladies mentales, ils écoutent des interventions de psychologues, de personnes qui souffrent de troubles psychiatriques, ainsi que de membres de leurs familles. Ils font des jeux de rôle pour apprendre à désamorcer des situations dangereuses et vont visiter des hôpitaux et cliniques psychiatriques. Au-delà de l’aspect purement informatif, le programme permet aux officiers d’avoir plus d’empathie pour cette partie de la population.

A Memphis, dans les trois années après l’instauration de la formation, le nombre de blessures lors des interactions entre policiers et malades mentaux était cinq fois moins élevé qu’auparavant. Pourtant, seulement 2.700 polices locales ont mis en place ces unités et plusieurs grandes villes, comme New York, n’ont pas ce genre de formation.

A San Antonio, au Texas, une journaliste du site de santé Kaiser Health News a suivi le travail de cette unité spéciale. Lors de leur intervention auprès d’un schizophrène menaçant qui avait mis feu à une couverture, un des policiers s’assoit, appelle l’individu par son prénom et lui pose des questions comme:

«Qu’est-ce qui est arrivé à ta couverture… est-ce que tu entends des voix?»

Les policiers l’emmènent ensuite dans un centre de soins psychiatriques récemment construit par la ville. Ce lieu alternatif, qui garde les patients pendant 48 heures maximum, permet d’éviter un afflux vers les prisons et hôpitaux, une stratégie qui a permis à la ville d’économiser près de 50 millions de dollars en cinq ans…

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