Santé

Un médicament anticancéreux à 70 euros le comprimé peut faire repousser des cheveux

Une illustration extraite du livre Dr. Evans' How to keep well (1917). <a href="https://www.flickr.com/photos/internetarchivebookimages/14583676039">Internet Archive Books Images</a> via Flickr CC <a href="https://www.flickr.com/commons/usage/">License by.</a>
Une illustration extraite du livre Dr. Evans' How to keep well (1917). Internet Archive Books Images via Flickr CC License by.

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Une équipe de quinze chercheurs du Columbia University Medical Center vient d'annoncer, dans une étude publiée dans la revue Nature Medicine, qu’un médicament anticancéreux récemment commercialisé a des effets inattendus, laissant entrevoir une nouvelle utilisation dans le traitement de certaines formes d’alopécie. «Nous commençons seulement les tests chez l’homme mais il est clair que si nos premiers résultats se confirment, ce médicament pourrait avoir un impact positif considérable sur la vie des personnes atteintes de la maladie», a commenté le Dr Raphaël Clynes (département de médicine, Columbia University, New York).

L’expérimentation a été menée avec le ruxolitinib, une molécule commercialisée depuis peu en France sous le nom de Jakavi® par la multinationale suisse Novartis. Son indication officielle est le traitement des complications de myélofibrose, un groupe d’affection de nature cancéreuse caractérisée par une transformation de la structure et des fonctions de la moelle osseuse et donc des différentes lignées des cellules sanguines.

Les effets inattendus mis en évidence par les auteurs de la publication de Nature Medicine concernent l’alopécie areata (alopécie «en aires» ou «en plaques»), une forme particulière de pelade, cette maladie dermatologique assez fréquente, et à bien des égards mystérieuse, qui peut toucher les cheveux, les poils ou les ongles. L'alopécie areata se caractérise par une atteinte en «patch» plus ou moins gros qui apparaît en un ou plusieurs endroits du cuir chevelu. Cette forme de pelade peut aussi atteindre toute la tête (alopécie totalis) ou l'ensemble du corps (alopécie universalis). Elle touche le plus souvent des adolescents ou de jeunes adultes.

Il ne s’agit pas ici de perturbations hormonales: les spécialistes pensent que ces manifestations spectaculaires sont la traduction de perturbations du système immunitaire. L’alopécie areata est ainsi à ranger dans le groupe des maladies auto-immunes. Schématiquement, certaines cellules du système immunitaire (les lymphocytes T) viendraient, pour des raisons inconnues, s’attaquer à certains follicules pileux, et ce jusqu’à les détruire. Un phénomène face auquel la médecine moderne n’a pas encore trouvé de remède.

Le décryptage cellulaire puis moléculaire de ce phénomène a conduit les chercheurs américains sur la piste d’une famille de molécules susceptibles de corriger ces perturbations immunitaires. En ayant recours à des inhibiteurs de la «Janus kinase 2», ils ont d’abord validé leur hypothèse chez des souris atteintes de pelade. Puis ils sont passés à l’homme.

Ils font aujourd’hui état de trois premiers cas, chez des volontaires qui avaient perdu plus d’un tiers de leur chevelure. Dans les trois cas, l’administration quotidienne de ruxolitinib (par voie orale et durant cinq mois) a permis d’obtenir une repousse ad integrum des cheveux. Tout s’est passé comme si l’agression contre les follicules pileux avait pu être déjouée. Des images saisissantes viennent d’en être publiées par la BBC.

C’est la deuxième fois qu’un médicament mis au point à d’autres fins démontre un effet inattendu sur le cuir chevelu. Il est toutefois très différent du précédent: il y a trente ans, on découvrait que le minoxidil (un anti-hypertenseur) pouvait aider à la repousse des cheveux dans le cas d’alopécies dues à des perturbations hormonales (alopécies androgéniques).

Le cas du ruxolitinib est d’un autre ordre. Si sa nouvelle utilisation (d’ores et déjà brevetée par la Colombia University) se confirme, une question financière sans précédent sera soulevée: pour le Jakavi®, Novartis a obtenu un prix de vente de 4211,95 euros la boîte de 60 comprimés (remboursés à 100%), soit environ 70 euros le comprimé. Un tarif que certains cancérologues trouvent exorbitant et qui, en toute hypothèse, n’est guère compatible avec une future indication dermatologique.

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