Société

Première Guerre mondiale: comment connaître tous les «Morts pour la France» de votre ville

Les Archives nationales ont récemment mis en ligne les recensements des victimes du conflit réalisés pour chaque commune après la guerre.

Détail de la liste des «Morts pour la France» de la commune de Bourg-la-Reine (Hauts-de-Seine).
Détail de la liste des «Morts pour la France» de la commune de Bourg-la-Reine (Hauts-de-Seine).

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Cette semaine, l'armée française va commémorer le centenaire de la journée la plus meurtrière de son histoire: le 22 août 1914, moins de trois semaines après la mobilisation générale, on dénombrait dans ses rangs 27.000 tués ou disparus en une seule journée dans les Ardennes.

En quatre ans, ils seront au total environ 1,3 million à recevoir le titre de «Mort pour la France». Ces morts, il était possible, depuis déjà plusieurs années, de parcourir leurs noms sur la base de données Mémoire des hommes, qui regroupe les fiches individuelles des «Morts pour la France». Depuis très peu de temps, c'est un autre type de document funèbre qui est disponible en ligne, comme l'ont souligné ces derniers jours le compte Twitter des Archives nationales ou le blog spécialisé dans la généalogie D'aïeux et d'ailleurs: les «livres d'or» recensant l'ensemble des soldats morts dans chaque commune.

Pour les trouver, il suffit de se rendre sur le site des Archives nationales et de taper une recherche de type «livre d'or [nom de commune]» ou «livre d'or [nom de département]».

Feuillets jaunis et noms dactylographiés

Prenons par exemple une commune petite par la taille mais grande par la célébrité, Saint-Tropez (Var), 3.700 habitants au moment de la guerre. Son livre d'or se présente sous la forme de huit feuillets jaunis sous l'intitulé «Ministère des Pensions. Direction de la liquidation. Bureau de l'état civil». Suivent, dactylographiés, les noms et prénoms des soldats, leur date et lieu de naissance, leur grade et unité d'affectation et leur date et lieu de décès. Parfois, le maire a ajouté ou barré des noms à la liste de l'administration.

Dans ces feuillets jaunis, on trouve parfois des «célébrités». Par exemple, sur celui de Bourg-la-Reine (Hauts-de-Seine, à l'époque intégré au grand département de la Seine), le nom de l'écrivain Charles Péguy, résident de la commune, dont on célébrera le 5 septembre 1914 le centenaire de la mort, a été rajouté à la main par le maire.

Parcourir ces registres permet aussi d'appréhender concrètement, y compris à une échelle personnelle ou familiale, le carnage qu'a représenté le conflit, où plus de 16% des soldats mobilisés ont trouvé la mort. Par exemple, le registre de la commune d'un de mes arrières-grands-pères, mort près de Verdun en 1917, compte, à raison de treize pages et sept noms par pages, près de 90 noms –le tout pour une population totale d'environ 2.200 personnes à l'époque, femmes, enfants et vieillards compris, pour ce village des Côtes-du-Nord. (Il faut dire que, comme nous le rappelions l'an dernier, la Bretagne rurale fait partie des régions qui ont payé un lourd tribut au conflit).


Ces livres d'or ont été créés par l'article 3 de la loi du 25 octobre 1919 «relative à la commémoration et à la Glorification pour la France au cours de la Grande Guerre»:

«L’Etat remettra à chaque commune un livre d’or sur lequel seront inscrits les noms des combattants des armées de terre et de mer, Morts pour la France, nés ou résidant dans la commune.

 

Ce livre d’or sera déposé dans une des salles de la commune et tenu à la disposition des habitants de la commune. [...]»

Un gigantesque livre des morts qui n'a jamais vu le jour

«Le ministère des Pensions a probablement établi ces listes à partir du fichier des Morts pour la France, puis les a adressées en 1929 au maire de chaque commune pour contrôle. Entretemps, les communes avaient fait construire des monuments aux morts avec leurs propres critères concernant "leurs" morts de la Première Guerre mondiale, ce qui explique certains décalages», souligne Michèle Conchon, responsable du pôle Première Guerre mondiale aux Archives nationales. Comme l'explique le site de l'institution:

«En principe, les personnes mentionnées sont celles qui sont nées ou résidaient dans la commune au moment de la mobilisation, mais un flou a longtemps subsisté sur cette question; c'est ce qui explique, pour une part, les divergences entre les listes communales de Morts pour la France et les noms portés sur les monuments aux morts.»

L'idée de départ, à l'époque, était de réaliser un gigantesque ouvrage en plusieurs volumes, dont un exemplaire serait déposé au Panthéon, mais elle n'a jamais abouti. «Elle s'est heurtée à des contraintes budgétaires, puis la Seconde Guerre mondiale a éclaté. Mais les listes ont été versées aux Archives nationales», explique Michèle Conchon.

Même inachevé, le projet constitue en tout cas aujourd'hui, comme l'explique le blog Sources de la Grande Guerre, «une excellente base de départ pour qui désire effectuer des recherches sur les morts par la France d’une commune.». Des «morts pour la France» qui, rappelons-le, ne coïncident pas totalement avec les morts du conflit, puisqu'en ont été exclus certains soldats morts de maladies ou de blessures, suicidés ou encore fusillés.

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