Culture

C’est arrivé près de chez vous: et Madonna ne fut pas la Cléo 2 de Varda

Au début des années 1980, Madonna tombe en amour devant « Cléo de 5 à 7», l’un des premiers long-métrages d’Agnès Varda. Elle souhaite en faire un remake. Chronique d’un rendez-vous manqué.

Madonna à Tokyo en juin 1987. REUTERS/Shunsuke Akatsuka
Madonna à Tokyo en juin 1987. REUTERS/Shunsuke Akatsuka

Temps de lecture: 2 minutes

Petite vengeance, passions éphémères et bad timing… Tout au long du mois d’août, retrouvez les anecdotes obscures du cinéma français.

En 1962, l’année de son mariage avec Jacques Demy, la réalisatrice sétoise Agnès Varda réalise son deuxième film, Cléo de 5 à 7. L’histoire raconte les tribulations d’une chanteuse, Cléo, qui déambule deux heures durant dans Paris dans l’attente des résultats de sa biopsie. La caméra de Varda capture ainsi la frivolité des années 1960, les prémices du cinéma-vérité et –fait remarquable–  Jean-Luc Godard sans ses lunettes fumées.

Classé parmi les 1.001 films à voir avant de mourir, le film a tout pour capter l’attention de Madonna.

Pour commencer, la chanteuse est francophile à ses heures perdues (dans un entretien à Paris Match en pleine période Erotica, elle évoquera par exemple les noms de Julien Green et Georges Bataille).

Cléo, l’héroïne du film, est une pop star blonde platine un poil capricieuse (l’identification à son paroxysme) qui craint alors d’avoir un cancer (la mère de Madonna est décédée des suites d’un cancer du sein). La ville bouillonnante (la foule dans les cafés-bars de Cléo de 5 à 7) est une esthétique dont Louise Ciccone la citadine se sent proche (cf Recherche Susan Désespérément). Puis le temps réel, le temps qui passe et le temps présent sont des sujets qui paraissent bien préoccuper l’interprète de Who’s That Girl.

Quand, en pleine ascension dans les charts, elle propose à Agnès Varda d’acquérir les droits, la chanteuse américaine rêve déjà d’une carrière cinématographique. Voir son visage sur les canaux de MTV l’intéresse moins que de s’acheter une crédibilité sur grand écran. Elle veut être actrice. Et qui d’autre qu’elle peut tenir le rôle de Cléo? Varda admet d’ailleurs bien volontiers que Madonna possède «le même visage angélique» que Corinne Marchand, la Cléo originale, qu’elle est «une actrice-née» et un «génie de l’adaptation».

Les producteurs voulaient un scénario bouclé, Varda voulait faire du Varda

 

Pour ce remake 80’s outre-Atlantique, les deux femmes conviennent alors que le scénario se déroulera à New York (une ville importante pour Madonna) et que la vedette attendra les résultats de son dépistage VIH (Agnès Varda a révélé au magazine Têtu que Jacques Demy avait succombé au virus du sida en 1990, et non à un cancer). Tout semblait sur les rails.

Mais l’exigence des studios hollywoodiens n’a jamais su faire fi des méthodes de travail de Varda: les producteurs voulaient un scénario bouclé et prêt à tourner, là où la réalisatrice au bob auburn aime à travailler de façon improvisée.

Le projet capote, avec pour seul souvenir une conversation de deux minutes et 23 secondes filmée entre Agnès Varda et Madonna (disponible dans les bonus de l’édition collector du DVD). Malgré quelques vaines tentatives, les droits d’adaptation de Cléo de 5 à 7 ne seront jamais utilisés aux Etats-Unis.

Deux décennies plus tard, Varda deviendra commandeur de la Légion d’honneur pour l’ensemble de son œuvre. Madonna, quant à elle, se verra décerner le Razzie Award de la «pire actrice de tous les temps».

cover
-
/
cover

Liste de lecture