Économie

Votre travail n'est pas votre vie

Les entrepreneurs devraient penser à qui ils ont envie d'être, comme personne. C'est un patron américain qui le dit.

En Grèce en 2007. REUTERS/Yannis Behrakis
En Grèce en 2007. REUTERS/Yannis Behrakis

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Nos vies sont rarement faites d'absolus. Tout est affaire de degrés, que ce soit notre attention, notre patience ou encore la gamme et l'intensité de nos émotions. Et, en même temps, certaines choses sont des absolus: il vous est impossible d'être tout pour tout le monde; vous ne pouvez pas danser toutes les danses et, au cours de votre vie, vous avez des choix difficiles, des sacrifices et des compromis à faire –et il vous faudra vivre avec, pour le meilleur et pour le pire, pendant très longtemps.

Avec le temps, vous devenez la somme des choix que vous avez faits. Ces choix déterminent la personne que nous finissons par être –et la façon dont le monde nous voit et nous estime.

Ce que nous devenons n'est pas forcément le produit du hasard ou du destin. Et rien n'est déterminé ni ordonné à l'avance. Tout au long de notre vie, nous sommes des processus inachevés. Il n'y a pas que dans la vie des produits que les versions se succèdent, c'est aussi une stratégie à mettre en œuvre pour bien vivre la nôtre. Il nous est possible de moduler et de modifier nos objectifs pour les faire correspondre à nos désirs, à condition que de le faire avec soin –consciemment, activement et invariablement.

Toutes les bonnes choses que tout le monde espère ne surviennent pas par magie: il faut y faire attention, et faire en sorte qu'elles se produisent.

Déterminer ses objectifs.

Mettre les choses en perspective.

Et garder la mesure.

Au début d'une carrière, le choix le plus essentiel que vous aurez à faire est de savoir précisément quel genre de personne vous voulez être.

A l'heure actuelle, les bourreaux de travail semblent revenir à la mode. Mais pour certains, cette figure a toujours été d'actualité. Aujourd’hui, quasiment tout le monde veut devenir entrepreneur, créer son entreprise, et toucher le gros lot du jour au lendemain. Mais ce n'est qu'une partie de l'histoire. Au final, l'important n'est pas de faire de l'argent, mais de faire la différence. Et il ne s'agit pas seulement de gagner sa vie, mais de la concevoir, la fabriquer. La personne que vous deviendrez aura un rôle énorme à jouer dans la vie que vous construirez, que ce soit dans votre travail ou à l'extérieur.

Dans l'effervescence du monde et du travail, il est essentiel de ne pas perdre de vue vos objectifs, de ne pas oublier de mettre les choses en perspective et de toujours garder la mesure –ou sinon, ce que vous risquez de perdre en cours de route, c'est vous. Votre entreprise et votre travail seront toujours les choses que vous ferez. Mais ces choses ne seront jamais ce que vous êtes. Dès le départ, il est fondamental de ne pas confondre ni de mélanger les deux.

Votre entreprise, votre travail, ce sont des choses que vous faites. Pas ce que vous êtes

 

Et c'est beaucoup plus facile à dire qu'à faire. De nos jours, trop de gens vouent un culte à leur travail, transforment leurs loisirs en travail (la forme, la forme, la forme) et consacrent leur temps libre à ce qu'ils estiment le moins dans leur vie. Où trouver de l'âme, de la valeur dans tout ça? Et (en partant du principe que l'objectif soit désirable) comment garder la main sur notre existence, comme ne pas se laisser submerger?

Pour gérer le flot constant d'informations pertinentes, d'intuitions hasardeuses et de bavardages inutiles qui ne cesse de nous assaillir et entrave notre capacité à passer des journées réussies, il nous faut donc un nouveau plan.

Aujourd'hui, la noyade est facile –dans les données, les documents, les délibérations et les débats sans fin. Nous avons besoin de nouvelles compétences pour gérer à la fois les données et les gens qui constituent nos vies. Le processus est comparable à celui qui régit la salle de triage d'un service d'urgences. Mais les variables à faire entrer dans l'équation sont aussi nombreuses que diverses. 

Au travail, nous avons tendance à nous concentrer automatiquement sur les flammes les plus hautes, sur les incendies qui nous semblent les plus dangereux. Nous laissons notre attention se porter sur les crises les plus récentes, plutôt que de garder notre sang-froid et de nous consacrer aux choses les plus essentielles et les plus signifiantes.

L'attention est une matière aussi glissante que le mercure, et tout aussi fluctuante. Si personne ne fait attention aux choses qui comptent réellement, l'indifférence s'installe. Dès que vous cessez de vous consacrer aux personnes qui, dans votre entreprise, sont les plus importantes, elles cessent alors de faire attention à vous et de faire attention à votre entreprise: elles iront autre part, voir quelqu'un qui se consacrera à elles, qui leur accordera de l'importance. Ce n'est qu'une question de temps. 

Mais il ne s'agit ici que de la partie professionnelle de l'équation. Et à mesure que se multiplient les données physiques, mentales et émotionnelles que nous avons à absorber chaque jour, il n'est que trop facile d'appliquer à nos amis et nos familles les mêmes formules, les mêmes systèmes et les mêmes programmes que nous utilisons au travail. Et c'est là que les choses peuvent tourner mal, très mal et très vite.

Pourquoi? Parce que les décisions humaines que nous avons quotidiennement à prendre ne sont pas des objets mathématiques ou les éléments de protocoles ou de procédures standardisés –il s'agit de choix portant sur des personnes, sur des sentiments, sur des relations. Ces préoccupations sont fondamentalement différentes, non-mécaniques et bien plus complexes. Les gens ne sont pas des produits, des positions ou des politiques –ce sont nos collègues, nos amis, les membres de notre famille. Et aucune formule fixe ne peut régir leur bon fonctionnement. 

A nous donc de savoir ce qui est réellement important dans ces relations interpersonnelles, à la fois à court et long terme, mais aussi de leur consacrer autant d'ardeur et d'énergie que ce que nous sommes susceptibles de déployer pour notre travail et les problèmes que nous pouvons y rencontrer.

Que les journées seront toujours trop courtes, il en va d'un principe (et d'un principe immuable): nous ne pourrons jamais être partout à la fois (avant, peut-être, que le clonage nous vienne en aide) et il sera toujours plus facile de trouver des excuses que de trouver du temps pour gérer ce problème.  

Mais voici ce qu'il faut retenir: votre famille (si vous en avez une) sera une extension toujours plus importante de votre être que ne pourra l'être n'importe quel emploi. Vous aurez toujours du travail à faire, mais vous n'aurez jamais qu'une seule famille. Et, croyez-moi, les amis véritables, eux aussi, ne courent pas les rues. Les amis sont la famille que vous vous choisissez –ils sont difficiles à trouver, encore plus difficiles à quitter, et impossibles à oublier. Dès lors, quand vous vous ferez des amis, prévoyez de les garder. Ils sont un investissement des plus importants.

Prenez donc cinq minutes pour savoir comment vous aimeriez que les choses soient quand, dans cinquante ans, vous poserez un regard rétrospectif sur ce que vous avez accompli, sur votre famille, sur ce que vous avez construit. Toutes ces choses sont là, devant vous. Et tout est possible: au final, dans ces choses, l'important c'est ce que vous en faites.

Cet article est d'abord paru sur Inc.

 

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