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La Chine est complice des exactions de la Corée du Nord

En rapatriant de force les Nord-Coréens qui ont fui le pays, Pékin les expose aux pires violations des droits humains.

Kim Jong-un, le 6 août 2014. Photo transmise par l'agence nord-coréenne. REUTERS/KCNA
Kim Jong-un, le 6 août 2014. Photo transmise par l'agence nord-coréenne. REUTERS/KCNA

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Où que vous partiez en vacances cet été, il y a de fortes chances pour que vous croisiez quelqu’un le nez dans The Target (non traduit en français, NDLE), le dernier best-seller de David Baldacci. L’un des méchants de ce livre vient de Corée du Nord, et le romancier n’a nul besoin de faire appel à son imagination pour décrire les supplices que ce pays totalitaire inflige à la vie et aux droits humains. Les abominations qu’il y décrit ne sont que trop réelles.

Parmi les mauvais traitements qu’il évoque figurent les sanctions infligées aux Coréens du Nord rapatriés après s’être enfuis en Chine. Pékin ayant décidé depuis longtemps de refuser aux Nord-Coréens le statut de réfugiés, les autorités chinoises vont jusqu’à pourchasser, arrêter et rapatrier les Coréens du Nord qui s’y cachent. Depuis la fin des années 1990, Pékin a ainsi renvoyé de force des dizaines de milliers de réfugiés dont le seul crime était d’avoir cherché une vie meilleure hors de ce pays qui les opprime. Nombre d’entre eux tentent de traverser la frontière pour se rendre en Corée du Sud, dans l’une des démocraties les plus dynamiques et prospères d’Asie.

«Crimes contre l'humanité»

Le rapport de la Commission d’enquête sur les droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée, publié en 2014 par les Nations unies, dévoile le sort des Coréens du Nord rapatriés par Pékin. La commission a été chargée d’enquêter sur les violations «graves, systématiques et généralisées» des droits de l’homme commises par la Corée du Nord contre son propre peuple. Son rapport de 400 pages implique la Chine, qui, déplore le président de la commission d’enquête Michael Kirby, «aiderait et encouragerait les crimes contre l’humanité» en rapatriant de force les Coréens du Nord qui s’y réfugient ainsi qu’en permettant à des agents de sécurité nord-coréens d’opérer sur le territoire chinois.

Selon ce rapport, la majorité des Coréens du Nord qui ont fui en Chine ces dernières années sont des femmes, notamment un grand nombre d’esclaves sexuelles forcées à se prostituer, à devenir actrices pornographiques sur Internet ou à se «fiancer» à des hommes chinois. Quand Pékin renvoie une femme enceinte en Corée du Nord, les autorités l’obligent à avorter ou, si la grossesse est menée à terme, tuent le bébé. Le père est considéré comme chinois par défaut; de la «mauvaise graine» aux yeux du régime nord-coréen.

Les rapatriés soupçonnés d’avoir été en contact avec des chrétiens, des Sud-Coréens ou des Américains lorsqu’ils étaient en Chine subissent également de graves représailles.

En 2008, Ji Seong Ho s’est enfui en Chine avec son frère en traversant le fleuve Tumen à la nage. Il se souvient:

«Si la Corée du Nord découvre que quelqu’un (...) a été exposé à une religion comme le christianisme, alors sa punition (s’il est rapatrié) est l’enfermement dans un camp ou l’exécution. J’ai désespérément prié pour ne pas être arrêté en Chine.»

En Chine, Ji est resté dans la clandestinité. Il a fini par entrer en contact avec le «chemin de fer clandestin» qui aide les Coréens du Nord à se rendre en lieu sûr, dans des pays voisins.

«Pendant ce voyage, je me suis rendu compte de l’immensité de la Chine. Je me déplaçais en secret d’un endroit à un autre, et je fuyais à la vue de la police. Ce n’était pas facile. Je crois qu’il m’a fallu presque un mois pour traverser la campagne chinoise avant de pouvoir entrer dans un pays du Sud-Est asiatique.»

Les cas connus comme celui de Ji sont difficiles à trouver. Les Chinois préfèrent opérer loin des yeux du public, et rapatrient les Nord-Coréens de nuit, dans des bus aux fenêtres occultées par des rideaux. Les statistiques sans noms et sans visages sont bien moins susceptibles de provoquer la colère de la communauté internationale.

Si la Corée du Nord découvre que quelqu’un a été exposé à une religion comme le christianisme, alors sa punition est l’enfermement dans un camp ou l’exécution.

Ji Seong Ho, un Nord-Coréen qui s'est enfui

Le chemin de fer clandestin permettant aux Coréens du Nord de fuir la Chine est organisé par des passeurs qui font ça pour l’argent, par des chrétiens, qu’ils soient missionnaires étrangers ou fidèles chinois, et par des membres d’organisations humanitaires comme Liberty in North Korea, le plus souvent animés par la compassion. La loi chinoise interdit d’aider les réfugiés nord-coréens, ce qui a valu à certains Américains de faire de la prison.

La politique de rapatriement de la Chine est contraire à ses obligations de signataire de la convention internationale relative au statut des réfugiés. En outre, le pays refuse de laisser le Haut commissariat aux réfugiés des Nations unies interroger ou aider les Nord-Coréens qui se cachent en Chine. Pékin se plaît à défendre sa politique de rapatriement en la comparant avec celle que les Etats-Unis exercent à l’encontre des Mexicains entrés illégalement sur leur territoire. C’est absurde. Le Mexique n’emprisonne, ne torture ni n’exécute ses citoyens rapatriés par les Etats-Unis.

Certes, c’est la Corée du Nord qui se livre aux pires violations des droits humains ici. Mais la Chine est complice.

Les Etats-Unis peuvent faire pression sur Pékin pour influencer Pyongyang. Washington doit rappeler à son partenaire que continuer à rapatrier les Coréens du Nord est nuisible à ses relations avec la Corée du Sud et les Etats-Unis, et qu’une telle politique n’est absolument pas cohérente avec les aspirations de la Chine à être une grande puissance. Il faut purement et simplement dénoncer Pékin pour son épouvantable et honteuse négligence.

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