Monde

Le Moyen-Orient est en passe de sombrer dans l’anarchie

Exigeons l’organisation d’une conférence régionale. Par Xavier Ricard, Directeur du partenariat international CCFD-Terre Solidaire.

Un Palestinien à Gaza, le 31 juillet 2014. REUTERS/Mohammed Salem
Un Palestinien à Gaza, le 31 juillet 2014. REUTERS/Mohammed Salem

Temps de lecture: 2 minutes

Le 20 mars 2003, la coalition internationale dirigée par les Etats-Unis lançait l’opération «Liberté pour l’Irak». Aujourd’hui, le Moyen-Orient est en proie à des conflits et des violences sans précédent: de la plaine de Mossoul jusqu’à Alep, de Bagdad à Beyrouth ou Gaza, les fronts se multiplient, se recoupent, se sédimentent. La région est devenue un écheveau inextricable d’intérêts et de défiances.

Au Moyen-Orient, les Etats ne contrôlent plus leur territoire et perdent les attributs de leur souveraineté. L’agenda est dicté par des processus virulents de diffusion du conflit et de ses représentations. Ces processus sont hâtés, exploités par les puissances régionales (Arabie saoudite, Iran, Israël), et leurs alliés internationaux (Etats-Unis, Russie, Europe), en une sorte de fuite en avant dont nul ne peut prédire l’issue.

Aucun n'a intérêt à ce que le conflit cesse

Les parties aux conflits ont tout intérêt, à court terme, à pousser leur avantage stratégique: aussi ne manifestent-elles aucun empressement à régler politiquement leurs différends.

Le gouvernement israélien, dont certains membres sont issus de l’extrême droite, nourrit le conflit israélo-palestinien et instrumentalise la figure du Hamas pour gagner l’opinion à sa vision autoritariste d’un Grand Israël, tout en poussant son avantage militaire de façon à asseoir sa suprématie régionale.

Le Hamas recouvre son projet politique du manteau de la résistance et, compte tenu des circonstances, gagne en popularité. L’Arabie saoudite a fourni hier des fonds et des armes aux djihadistes de l’EIIL (devenu l’EI) afin de contrer l’influence régionale de Téhéran, et semblerait aujourd’hui craindre la déstabilisation régionale. Elle n’est cependant pas disposée à prendre part à une intervention régionale qui viendrait renforcer une coalition sunnite-chiite placée sous l’autorité du Premier ministre irakien Nouri al-Maliki.

A Damas, Bachar el-Assad, après avoir joué des divisions au sein de l’opposition –et notamment toléré la pénétration sur le sol syrien d’éléments djihadistes venus d’Irak et d’Asie centrale–, est parvenu à neutraliser la pression diplomatique internationale: le statu quo profite donc au pouvoir alaouite, à condition que les djihadistes des brigades al-Nosra ou de l’EI ne portent pas atteinte à ses intérêts stratégiques.

Les grandes puissances jouent ici leur stratégie d’influence et leur suprématie mondiale. Cependant, ce jeu est à somme négative: les populations civiles paient le prix fort de cette rivalité.

La négociation politique est la seule voie, à la fois digne et réaliste, pour éviter une déflagration régionale, voire mondiale

 

C’est le cas notamment des modérés, de toutes confessions, qui sont pris à partie et victimes des exactions des combattants de tous camps. Tandis que les derniers chrétiens de Mossoul sont obligés de fuir leur pays, les musulmans modérés de Syrie se trouvent pris en étau entre l’armée et les différents mouvements rebelles. En Israël, les citoyens, arabes ou juifs, favorables à une solution politique sont tenus pour traîtres à la patrie et victimes d’intimidations de toutes sortes. Dans les territoires occupés, les courants modérés et laïcs sont politiquement et socialement marginalisés.

La coexistence pacifique et démocratique est possible

La radicalisation du Moyen-Orient risque de se payer de dizaines de milliers de victimes innocentes supplémentaires, tuées, déportées ou réduites à l’indigence, alors que les pouvoirs institutionnels, eux-mêmes fragilisés, se livrent à leurs calculs et cherchent à pousser leur avantage sur le terrain.

La négociation politique est la seule voie, tout à la fois digne et réaliste, pour endiguer cette «montée aux extrêmes» et éviter une déflagration régionale, voire mondiale.

Il faut réclamer de nos gouvernements l’organisation d’une grande conférence régionale, placée sous l’autorité de l’ONU et de la Ligue arabe. Une telle conférence doit associer aux chancelleries les représentants de la société civile, qui fait chaque jour la preuve de son extraordinaire résilience et de sa capacité à surmonter les clivages ethniques, religieux ou politiques pour construire un horizon de paix.

Sur tous les fronts de cet horrible conflit qui ensanglante le Moyen-Orient, des hommes et des femmes témoignent de la possibilité d’une coexistence pacifique et démocratique. Les belligérants de tous bords ne doivent rien attendre de l’escalade de la violence, sur laquelle aucun pouvoir, aucune forme d’autorité ne peut durablement prospérer.

cover
-
/
cover

Liste de lecture